LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- De nombreux pharmaciens, au moment de céder leur officine, constatent que leur fonds a perdu de sa valeur. Comment peuvent-ils prendre en compte cette moins-value sur le plan fiscal ?
THOMAS CROCHET. - Même si les fonds sont, actuellement, fortement valorisés, il peut arriver, en effet, qu’un pharmacien qui vend son officine constate à cette occasion une moins-value. Cette hypothèse concerne surtout de petites officines qui, en règle générale, sont assujetties à l’impôt sur le revenu. Pour répondre à votre question, il faut donc d’emblée écarter les règles de l’impôt sur les sociétés.
Lorsqu’un pharmacien cède son officine, il cède en réalité un ensemble de biens. Sur chacun d’eux, il réalise une plus-value ou une moins-value, qui peut être, selon la nature des biens et leur durée de détention, une plus- ou moins-value à court ou à long terme. Ces plus- ou moins-values se compensent entre elles par catégories. Sans entrer dans les détails, on retiendra surtout que c’est la plus- ou moins-value constatée sur le fonds de commerce qui représente l’enjeu fiscal, et donc financier, le plus significatif.
Si le fonds commercial a été détenu pendant moins de deux ans, la plus- ou moins-value dégagée est dite à court terme. Elle est traitée fiscalement comme un bénéfice ou une perte ordinaire. S’il s’agit d’une moins-value, elle vient donc en réduction du résultat de l’exercice en cours au jour de la cession ; s’il en résulte un déficit, il sera imputable sur le revenu global du pharmacien au titre de l’année de cession et des six années suivantes. Ce cas de figure est très favorable, mais il est hélas minoritaire car, dans la majorité des cas, le fonds commercial a été détenu pendant plus de deux ans.
Que se passe-t-il donc en cas de plus- ou moins-value sur un fonds exploité depuis plus de deux ans ?
La plus-value ou moins-value dégagée relève alors du régime du long terme. Un régime avantageux s’il s’agit d’une plus-value, puisque celle-ci est alors imposée au taux de 16 %, auquel il faut ajouter 12,3 % de prélèvements sociaux, soit un taux de 28,3 %, moins élevé par conséquent que la tranche marginale de l’impôt sur le revenu à 40 %. À noter, en outre, que la plus-value n’est pas assujettie aux cotisations sociales obligatoires.
Les choses se gâtent, en revanche, si la cession du fonds dégage une moins-value. En effet, en contrepartie du régime de faveur applicable à la plus-value, la moins-value peut seulement être imputée sur les plus-values à long terme dégagées au cours des dix années suivantes. Or, en cas de cessation d’activité, aucune plus-value ultérieure ne sera par définition dégagée. Un dispositif a donc été institué pour améliorer le sort des exploitants qui cessent leur activité. Le pharmacien peut ainsi imputer sur le bénéfice de l’exercice en cours 48 % du montant de la moins-value à long terme dégagée. Attention toutefois : cette imputation ne peut se faire que sur le résultat de l’exercice en cours au jour de la cessation, ce qui suppose tout d’abord qu’il soit bénéficiaire. En outre, dans biens des cas, la modicité de ce bénéfice conduira à ne pouvoir imputer qu’une fraction minime de la moins-value. Or la fraction de la moins-value non imputée sur le bénéfice de l’exercice ne peut pas l’être sur le revenu global.
Non seulement le pharmacien réalise une moins-value, mais de plus il ne peut donc en tirer aucun profit sur le plan fiscal ?
En effet, c’est une double peine ! Le caractère quelque peu inéquitable de cette solution avait d’ailleurs été soulevé par un commissaire du gouvernement au Conseil d’État dans une affaire tranchée en 2007. Il n’en demeure pas moins que, en l’état actuel des choses, dans l’attente d’une éventuelle question prioritaire de constitutionnalité, le dispositif demeure, équitable ou pas !
Comment expliquer ce traitement inéquitable ?
Le régime de faveur dont jouissent les plus-values à long terme est un produit de l’histoire. Le législateur de l’époque voulait tenir compte du fait qu’une grande partie des plus-values réalisées était avant tout le fruit d’une inflation galopante, et la contrepartie du taux réduit applicable aux plus-values résidait dans l’impossibilité d’imputer une moins-value sur le bénéfice d’exploitation, imposable quant à lui au taux normal.
Existe-t-il un moyen de contourner la sévérité de cette règle ?
À ma connaissance, il n’y a aucun moyen de contourner cette règle. Cependant, les pharmaciens qui savent déjà qu’ils réaliseront une moins-value lors de la cessation de leur activité ont tout intérêt à anticiper cet événement en procédant à une cession de leur officine à une société d’exercice libéral – ou à une SARL – qu’ils auront constituée pour les besoins de la cause. L’existence d’une moins-value latente sur l’officine leur permettra en effet d’éviter le principal écueil de ces opérations de refinancement : l’imposition des plus-values, puis-que par hypothèse, en l’espèce, il n’y en a pas. Mieux, l’imputation partielle de la moins-value dégagée par cette « cession à soi-même » leur permettra d’effacer au plan fiscal le résultat bénéficiaire de l’exercice au cours duquel l’opération est réalisée. C’est pourquoi, d’ailleurs, il est préférable de la mettre en œuvre en fin d’exercice. S’il est vrai que ces opérations se heurtent parfois à la réticence des établissements bancaires à financer une opération portant sur une officine par hypothèse peu prisée, dont le titulaire est en outre en fin de carrière, cet obstacle pourra être aisément contourné par la stipulation d’un crédit-vendeur.
Combien de temps avant la cessation d’activité cette opération doit-elle être réalisée ?
Ce type d’opération nécessite naturellement la réalisation d’une étude préalable afin d’en déterminer la profitabilité. Selon les circonstances, elle peut également faciliter la transmission de l’officine en associant progressivement le repreneur au titulaire en fin de parcours professionnel. Quoi qu’il en soit, le titulaire doit envisager de poursuivre son activité pendant encore au moins cinq ans à compter de la constitution de la société d’exercice libéral. Une certaine anticipation est par conséquent nécessaire.
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