« L’ÉCONOMIE de l’officine en 2010 n’est pas un grand cru, cela ne sera pas mieux en 2011 », commente Philippe Becker, directeur du département pharmacie chez Fiducial. Une analyse qui se fonde sur l’étude d’environ 500 officines clientes de Fiducial et suivies depuis une quinzaine d’années. Globalement, le cabinet d’expertise comptable note une rentabilité critique face au poids des emprunts, des investissements et d’une trésorerie « aux abonnés absents ». Car, depuis deux ans, l’activité n’évolue quasiment plus, restant inférieure à 2 %. « Toute l’économie officinale était jusqu’alors habituée à des évolutions de chiffre d’affaires supérieures à l’inflation. Dans les années 2000, cette progression était supérieure à 5 ou 6 % par an. »
Autre nouveauté : une évolution du chiffre d’affaires négative pour les officines dont le CA est inférieur à 1,1 million d’euros, même si on conserve une légère augmentation de la marge, toutes activités confondues.
« C’est flagrant. En 2000, l’évolution est presque de 8 %. En 2008, les variations sont à peine égales à l’inflation. En 2010, nous sommes à 1,29 %, le modèle économique a été complètement bouleversé », explique Philippe Becker. Les difficultés ne sont pas les mêmes selon la typologie d’officine. « Les pharmaciens ruraux sont à la traîne avec une évolution de leur chiffre d’affaires de 1,06 % : la désertification médicale est devenue une réalité. Les officines de centre-ville ne sont pas mieux loties (+1,01 %), luttant contre les problèmes de stationnement, mais aussi contre les pharmacies low cost », remarque l’expert-comptable. Les confrères installés dans les quartiers affichent une meilleure évolution (+1,3 %), bien que la performance soit limitée, ceux situés dans les centres commerciaux gardant une longueur d’avance (+2,84 %).
Gestion de la masse salariale.
« Plus l’officine est importante et plus elle progresse, il y a un effet d’entraînement, un cercle vertueux. Plus elle est petite, plus elle a tendance à baisser. Quand on parle de l’officine de façon globalement dramatique, on a faux, parce que certains pharmaciens s’en sortent très bien aujourd’hui. À l’inverse, d’autres s’enfoncent dans la crise. Nous sommes face à une pharmacie à deux vitesses. » Ainsi, sur les 500 officines analysées par Fiducial, 43 % voient leur chiffre d’affaires chuter, avec une baisse moyenne de 3,64 %. Mais face à ce phénomène, les pharmacies qui progressent affichent une évolution moyenne de +4,55 %.
La marge commerciale a enregistré un léger rebond en 2010, ayant déjà essuyé une baisse due notamment aux grands conditionnements, mais si le pourcentage progresse, en valeur absolue, les chiffres sont quasiment identiques à l’année précédente. « Nous sommes à près de 400 000 euros, soit la même somme qu’en 2008 et 2009, avec lesquels le pharmacien doit payer ses frais généraux, son personnel, ses emprunts… Mais les salaires, les frais généraux et les agios augmentent. » La difficulté aujourd’hui repose principalement sur la gestion de la masse salariale, qui pèse en moyenne pour 10 % sur le chiffre d’affaires, et ne doit pas aller au-delà (hors officines de centres commerciaux). Or, chez un certain nombre de confrères, le poids de la masse salariale peut atteindre 5 points de plus, voire davantage.
« Les chiffres d’affaires ne vont pas beaucoup se développer dans les prochaines années. » Que faire alors ? « Ce n’est pas la panacée, mais il faudra travailler sur la productivité et certainement gérer la masse salariale en jonglant avec des CDD et des apprentis, de façon à avoir une certaine variabilité », suggère Philippe Becker.
L’excédent brut d’exploitation rebondit légèrement, à 11,38 %. Un chiffre à mettre en regard avec l’année 1994 et son niveau de 17 %. « Ce qui pose problème aujourd’hui c’est l’inadéquation entre la rentabilité des officines, leur prix de vente et la charge d’emprunt qui en découle. Le prix des officines a toujours été le talon d’Achille de la profession. C’est la coopération commerciale qui vous a sauvé en 2010, mais il n’est pas certain que cela continue. Votre profession est très sollicitée par l’administration fiscale, les douanes, et bientôt la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. » Selon Philippe Becker, c’est la problématique des génériques qui va entrer dans le collimateur des inspecteurs. Des pharmaciens constituent aujourd’hui des structures de regroupement aux achats (SRA), comme le prévoit le décret sur les centrales d’achat, mais en proposant autant de produits de parapharmacies que des médicaments. Or le remboursable n’est pas autorisé à être vendu dans ce cadre.
Productivité.
Conséquences de ces résultats en berne : une pharmacie sur trois n’a pas investi en 2010, 40 % des officines ont un découvert bancaire, 200 pharmacies disparaissent chaque année. Sur les 500 officines étudiées par Fiducial, 45 sont en redressement judiciaire, 13 en procédure de sauvegarde. Rien ne permet de dire que les prochaines années seront meilleures, bien au contraire puisqu’il faudra plus que jamais faire face à la désertification médicale, à l’absence de nouveautés thérapeutiques et aux déficits sociaux. Deux facteurs démographiques peuvent néanmoins « agir dans le bon sens » : la croissance de la population française et son vieillissement.
« Dans un contexte aussi incertain, pour un métier où 80 % de l’activité et des prix sont réglementés, la seule variable d’ajustement, c’est la productivité. » Philippe Becker appelle donc à une meilleure gestion du personnel et de l’embauche, ainsi qu’à une maîtrise des achats et du stock. « Si vous gagnez 1 000 euros par mois sur la gestion du personnel et 1 000 euros également grâce à une meilleure politique d’achat, cela vous amène à gagner 24 000 euros à l’année. C’est en moyenne le découvert des officines actuellement. » Restera ensuite à s’adapter aux nouvelles problématiques que sont l’évolution prochaine de la rémunération du pharmacien, dans un contexte de baisse des volumes prescrits, et de nouvelles missions dont on ne connaît pas pour le moment le degré de prise en charge par la collectivité. Il faut ajouter à cela les changements à venir sur l’organisation du réseau officinal, appelé à décroître en nombre d’officines.
Près de 40 % du chiffre d’affaires
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