APRÈS UNE VINGTAINE D’ANNÉES en tant que pharmacien adjoint en poste, Anne Hugues a choisi de faire exclusivement des remplacements en officine, de 2005 à 2010. « On travaille sur de longues plages horaires, il faut avoir une grande faculté d’adaptation, une rapidité d’esprit, une facilité à s’intégrer à l’équipe en place, à maîtriser les logiciels informatiques, j’ai tellement appris durant ces cinq années ! Cela m’a permis d’exercer avec tout type de clientèle, en pharmacie rurale, de centre-ville, de centre commercial. » Cinq années de carrière professionnelle choisie, l’officinale étant alors en quête de diversité. Adjointe dans le Pas-de-Calais et très investie dans la profession, elle a des journées chargées, jonglant avec son temps partiel en officine, ses fonctions ordinales et ses activités au sein de l’UTIP, organisme de formation des pharmaciens.
« À l’époque je remplaçais régulièrement le ou les titulaire(s) de six officines et j’assurais une dizaine de missions, chacune « au pied levé », parce le titulaire tombait malade, ou tout autre événement imprévisible. Pour les remplacements, je parcourais entre 40 et 100 kilomètres par jour. Sans mobilité, faire des remplacements est impossible », précise Anne Hugues. Par choix, elle n’a jamais accepté de missions de plusieurs mois. Par son acquis d’expérience, elle est capable d’être opérationnelle dès qu’elle franchit le seuil d’une officine. Dans le cadre d’une formation PRAQ (pharmacien référent assurance qualité), Anne Hugues a mis en place une « procédure d’organisation d’un premier remplacement de moins d’un mois à l’usage du pharmacien titulaire et du pharmacien remplaçant ». Ce document complet, réactualisé en décembre 2009, est disponible sur le site de l’évaluation de la qualité à l’officine (www.eqo.fr).
Garder le pied dans le métier.
« Il s’agit d’une check-list qui permet au pharmacien remplaçant, lors de sa première prise de contact avec le titulaire, d’échanger ensemble sur les items importants. » Ce sont finalement les questionnements et les difficultés rencontrés lors de ses missions qui lui ont permis d’élaborer avec autant de précision cette procédure. Pour que tout se passe bien en l’absence du titulaire, il faut évidemment beaucoup communiquer avec l’équipe de l’officine, s’adapter aux méthodes de travail habituelles et penser à poser les bonnes questions : dates et heures des télétransmissions et des sauvegardes, procédure informatique pour un promis, gestion des commandes…
Aujourd’hui, Anne Hugues apprécie d’être à nouveau en poste dans une officine qui lui correspond bien. « J’ai aimé cette période, mais le suivi thérapeutique des patients me manquait. Le cœur de notre métier a été redynamisé avec la loi HPST et les nouvelles missions, je me suis dit qu’il ne fallait pas que je passe à côté. » La pharmacienne conseille à tout adjoint qui en a l’opportunité de tenter l’expérience des remplacements : « Cela permet de redonner de l’allant à une carrière, de retrouver une spontanéité, de rencontrer des confrères, de se remettre sur la piste d’un emploi, de toujours garder le pied dans le métier, de trouver le type d’officine qui nous convient le mieux. Si je me retrouvais sans emploi demain, je n’hésiterais pas. »
De son côté, Jean Calcagni a choisi de faire des remplacements pour d’autres raisons. Adjoint à temps plein pendant de longues années, il travaille également dans l’oxygénothérapie à domicile, activité qui a, petit à petit, pris le pas dans son emploi du temps. En 2010, il quitte son poste d’adjoint pour se consacrer à l’oxygénothérapie, sans abandonner le monde officinal. « Je dépanne beaucoup de titulaires qui travaillent sans adjoint, et ne peuvent donc pas quitter l’officine pendant les heures d’ouverture. Parfois, un remplacement de deux heures leur permet de partir plus tôt pour se former, effectuer des démarches hors officine, ou se concentrer sur d’autres activités », indique Jean Calcagni. L’officinal est heureux de passer d’un mode d’exercice à un autre, d’un logiciel à un autre, d’une équipe à une autre. « L’inconvénient est de ne pas avoir de garantie concernant les missions qu’on va trouver, se retrouver sans mission une semaine et courir entre trois officines la semaine suivante. »
Pharmacien libéré.
Exerçant dans la région de Bordeaux, Jean Calcagni parcourt de longues distances sur plusieurs départements dans le cadre de l’activité d’oxygénothérapie à domicile. Un plus pour les remplacements puisqu’il n’hésite pas à proposer ses services partout où il passe. « Il faut accepter de bouger là où sont les besoins. Je travaille avec huit pharmacies de façon irrégulière, avec d’autres de façon occasionnelle. Je suis ce que j’appelle un pharmacien libéré, c’est-à-dire ni libéral, ni salarié. » Sa situation le satisfait pleinement. « Le remplacement me donne le sentiment d’être un pharmacien responsable. Quand j’étais adjoint, la délégation se faisait moins facilement. C’est un bon exercice pour les officinaux qui veulent devenir titulaires. »
La période que traverse actuellement l’officine n’est pas véritablement favorable à l’embauche, mais Jean Calcagni garde le moral. « Les nouvelles missions prennent du temps, les titulaires vont avoir besoin de leurs équipes, et, pourquoi pas, d’une aide régulière sur une mission particulière ou pour les remplacer pendant qu’ils mettent en place une action spécifique. C’est peut-être une niche d’activités pour nous, même si ce n’est que pour une journée par mois ou une demi-journée par semaine. »
Anne Hugues et Jean Calcagni ont peu ou prou fait appel à des agences de recrutement. C’est pourtant une manière relativement efficace de trouver des missions. Armand Grémeaux, dirigeant du cabinet Pharm-Emploi remarque que des recherches de remplaçants lui parviennent toute l’année, mais évidemment davantage durant les mois d’été et pendant les vacances scolaires. Cependant, il note un recul des offres depuis deux à trois ans, alors que le nombre de candidats croît. « Il y a toujours eu une forte concurrence pour les remplacements de titulaires. Évidemment, il faut oublier les 35 heures par semaine, il faut compter 45 à 50 heures hebdomadaires. L’amplitude horaire est forte, mais le remplaçant touche les congés payés, des heures supplémentaires, voire ce que j’appelle les heures sup-sup, c’est-à-dire payées 50 % de plus lorsqu’on dépasse les 8 heures supplémentaires. »
Grande faculté d’adaptation.
Le salaire est donc attrayant. En sus, la convention nationale de la pharmacie prévoit une bonification de rémunération minimum de cinq points, versée par jour calendaire, dès la prise effective du remplacement et pendant toute sa durée, lorsque le remplaçant est extérieur à l’officine. Dans le cas d’un adjoint remplaçant son titulaire, cette bonification n’intervient qu’au-delà de 14 jours d’absence du titulaire et elle est versée à compter du 15e jour.
Les motivations ne sont pas uniquement pécuniaires. D’autant que, vu les profils recherchés, les remplaçants « méritent un bon coefficient puisqu’on cherche quelqu’un sur qui on peut compter, qui prend des responsabilités, capable de diriger l’officine en l’absence du titulaire, de gérer la caisse, d’assurer les gardes… ». Ces pharmaciens connaissent tous les logiciels officinaux, ont une grande faculté d’adaptation et apprécient leur liberté. « Des titulaires s’étonnent de les voir opérationnels en moins de deux heures, ils font souvent appel aux mêmes remplaçants car ils sont satisfaits de leur travail. » Parmi ces pharmaciens intérimaires, on trouve d’anciens titulaires qui ont tourné la page et se satisfont de la liberté offerte par les remplacements. Ou, au contraire, qui cherchent à se réinstaller et utilisent les remplacements pour démarcher les pharmacies, voir le fonctionnement de l’intérieur, la clientèle, le personnel… « Une nouvelle population est issue de la crise : c’est le titulaire qui a mal vendu, les plus de 60 ans avec une faible retraite qui ont besoin de travailler. Ils sont expérimentés et acceptent plus volontiers des temps partiels, des horaires discontinus, ils sont très motivés, mais les titulaires rechignent souvent à les faire travailler. » Car certains postes restent plus difficiles à pourvoir : les temps partiels, les postes en banlieue, les horaires discontinus. Armand Grémeaux, dont le cabinet s’occupe principalement de la région parisienne, sait que les offres nécessitant une voiture sont peu retenues. « Dès que l’offre sort de la recherche classique, c’est-à-dire 35 heures hebdomadaires comprises dans une plage de 9 à 20 heures, à Paris, avec un samedi sur deux travaillés et un coefficient moyen de 500-550 (alors qu’il est plutôt de 400 dans les villes universitaires), ça devient compliqué. » D’autres sont, au contraire, très prisées : « Je connais un remplaçant atypique à la Réunion, qui fait le tour de l’île avec son bateau, fait des remplacements au fur et à mesure de ses escales et ne rentre en métropole qu’une fois par an ». Le paradis du remplacement en somme !
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