LA QUESTION revient régulièrement chez les pharmaciens adjoints en passe de devenir titulaire. Alors que leur rêve d’installation se rapproche de la réalité, ils sont souvent confrontés aux règles de non-concurrence. Quelques situations de ce type sont abordées sur le forum Pharmechange, dans la rubrique Installation. Ainsi, Olivier* est adjoint dans une ville de 8 000 habitants où se trouvent deux officines. Il souhaite s’installer dans la ville adjacente, soit à 800 mètres de la pharmacie dans laquelle il est adjoint. Il met en avant que l’officine qu’il souhaite acheter n’est pas dans la même commune et ne fait pas de concurrence directe à son titulaire actuel, ne dessert ni le même quartier, ni la même clientèle. Il précise n’avoir aucune intention d’exercer une concurrence déloyale envers son titulaire mais se demande si ce dernier peut s’opposer à cette installation.
Premier élément de réponse : le code de déontologie, et plus particulièrement l’article R. 4 235-37 du Code de la santé publique. « Un pharmacien qui, soit pendant, soit après ses études, a remplacé, assisté ou secondé un de ses confrères durant une période d’au moins six mois consécutifs ne peut, à l’issue de cette période et pendant deux ans, entreprendre l’exploitation d’une officine (…) où sa présence permette de concurrencer directement le confrère remplacé, assisté ou secondé, sauf accord exprès de ce dernier. » L’énoncé de ce devoir de confraternité peut être sujet à interprétation. Le futur installé peut-il être considéré en concurrence avec son ancien titulaire si son officine se trouve à 1 000 mètres en zone urbaine et si une autre pharmacie se trouve entre celle de l’ancien titulaire et la sienne ? Pour Jean-Charles Tellier, président de la section A (titulaires) du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP), le bon sens doit prévaloir.
Contrepartie financière.
Une clause de non-concurrence ou de non-installation dans un contrat de travail, au contraire, se doit d’être particulièrement précise. Elle doit comprendre la distance minimum entre l’officine de l’ancien titulaire et celle du futur installé, elle doit préciser la durée pendant laquelle la clause est valable, ainsi que le montant alloué pour le respect de la clause. Si l’un de ces éléments est manquant, la clause n’est pas valable, comme l’a clairement énoncé la Cour de cassation en juillet 2002. Les éléments de la clause se doivent aussi d’être corrélés à la réalité sans être abusifs. Une interdiction de s’installer à moins de 15 km en zone urbaine pendant une durée de cinq ans pour une contrepartie dérisoire rend ainsi la clause illicite.
Par ailleurs, l’employeur peut renoncer à appliquer cette clause, et donc ne pas verser de contrepartie, mais cela doit être inscrit dans le contrat de travail dans le respect des délais et des formes prévus. Quant à la contrepartie financière, l’employeur peut la verser en une seule fois, à la cessation du contrat de travail, ou la verser mensuellement pendant toute la durée de la période d’interdiction de concurrence ; mais en aucun cas à la fin de la durée de la prohibition. L’absence de contrepartie financière rend, là encore, la clause caduque. Et si, malgré tout, l’ancien employé a respecté cette clause, il est désormais en droit de demander réparation (Cour de cassation du 15 mars 2006).
Confiance mutuelle.
Jean-Charles Tellier le rappelle, le dialogue est primordial et ne doit pas cesser avec le départ de l’ancien adjoint qui part s’installer. Bien au contraire. Un départ en bons termes règle souvent de facto la plupart des problèmes qui peuvent se présenter. Ainsi, et bien que le code de déontologie précise que l’ancien adjoint ne doit pas concurrencer directement son ancien titulaire et ce pendant une période de deux ans, il n’est pas rare que le titulaire donne volontiers son accord pour que son ancien adjoint puisse s’installer plus facilement. C’est un conseil donné par un utilisateur du forum Pharmechange : « Mieux vaut partir en restant bons amis, surtout si vous êtes sujet à vous retrouver et rencontrer régulièrement par votre proximité. Et d’une manière générale, (on) ne quitte pas un employeur après plusieurs années de travail sans avoir envie de laisser un bon souvenir. (…) Il faut partir comme on aimerait qu’un de nos adjoints parte dans la même situation. »
D’autant que le contexte économique est difficile pour tout le monde. L’adjoint qui quitte une officine, que ce soit pour s’installer ou pour travailler auprès d’un autre titulaire, a de moins en moins la liberté de choisir ce qui lui convient le mieux. Là où il pouvait choisir entre trois ou quatre postes proposés il y a quatre ans, aujourd’hui il a tendance à accepter la première proposition, car il est possible que ce soit la seule. De même pour les titulaires, également touchés par le contexte économique difficile, qui sont de plus en plus nombreux à se demander si l’insertion d’une clause de non-concurrence vaut le coup. C’est aussi l’avis de Serge Caillier, vice-président de la section D de l’Ordre des pharmaciens, qui expliquait dans un entretien donné au « Quotidien » en 2009 : « Les indemnisations sont tellement coûteuses que de nombreuses petites entreprises renoncent à faire signer la clause à leurs adjoints. » Mieux vaut que les relations reposent sur la confiance mutuelle et sur une véritable confraternité.
Néanmoins, les clauses de non-concurrence ou de non-installation ont aussi leurs raisons d’être. En cas de non-respect, le nouvel installé peut être poursuivi devant le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens et risque une interdiction d’exercice de huit à quinze jours. Des suites judiciaires sont également possibles puisqu’il s’agit d’un contrat qui n’a pas été respecté. Les tribunaux s’appuient alors sur les termes de l’article 1142 du Code civil, qui prévoit que l’inexécution d’une obligation se résout par des dommages et intérêts. Elle peut être assortie d’une condamnation à cesser l’activité litigieuse sous astreinte.
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