À Beauvais, dix-sept pharmacies rachètent une officine en faillite

Une action solidaire anti-concurrence

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Publié le 15/09/2014
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Pour sauver l’officine de la faillite, 17 pharmacies de Beauvais (Oise) se sont cotisées pour racheter la clientèle de leur confrère. Un geste confraternel, mais aussi intéressé. Car ce faisant, les titulaires ont évité le rachat de la licence par un nouveau venu qui aurait accru encore la concurrence dans une ville déjà surdotée en pharmacies.
Un rideau qui ne se relèvera jamais

Un rideau qui ne se relèvera jamais
Crédit photo : dr

LE RIDEAU de la pharmacie du Renard à Beauvais est tombé définitivement. Comme celui d’une officine française en moyenne tous les 3 jours, répètent à l’envi les représentants de la profession. Pourtant, cette fermeture n’est pas tout à fait comme les autres. En janvier 2014, alors que son affaire est à deux doigts de la faillite, le titulaire de la pharmacie du Renard fait le tour de ses confrères installés à Beauvais pour leur faire une offre. Ils sont 17 au total à recevoir sa visite. « Rachetez-moi ma clientèle, et je pourrai rendre ma licence à l’agence régionale de santé », propose le titulaire. « L’unanimité n’a pas été difficile à faire. À l’exception de quelques réticences au début, nous nous sommes vite mis d’accord sur le principe et sur le montant de la transaction », raconte au « Quotidien » Sandrine Vasseur, co-titulaire de l’officine la plus proche de celle du malheureux confrère. Une unanimité d’autant plus facile à obtenir qu’à Beauvais, où le suréquipement en officines est déjà patent, deux ou trois pharmacies ont déjà frôlé le dépôt de bilan. Dans ce contexte, aucun des 17 titulaires ne souhaitait voir s’installer un nouveau venu, voire pire, une enseigne low cost

Une affaire bouclée en moins de 3 mois.

Techniquement, c’est un avocat juriste qui a pris les choses en mains. Trois zones de chalandise ont été définies qui tenaient compte de la proximité relative avec l’officine fermée. À chaque zone, correspondait une quote-part du montant de rachat de la clientèle. « En toute logique, les trois officines les plus proches, dont la mienne, ont eu à payer les trois-quarts du prix total. Nous avons dû faire un emprunt pour cette opération, même si le prix de vente était plutôt raisonnable », explique Sandrine Vasseur.

Presque 6 mois après l’opération, le spectre d’une nouvelle concurrence s’est définitivement éloigné. Mais la ville de 55 000 habitants reste encore surdotée. « À dix-sept, on est encore trop pour assurer une viabilité économique à tout le monde », estime ainsi Bruno Lepère, pharmacien à Beauvais et membre du bureau de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) de l’Oise.

« Aujourd’hui, témoigne Sandrine Vasseur, un premier bilan de cette transaction permet de constater que la clientèle rachetée s’est répartie de façon très homogène et conforme aux prévisions entre les différentes officines de la ville. » En six mois, la pharmacie Miara-Vasseur a vu son chiffre d’affaires augmenter un peu, mais sa titulaire ne saurait dire quelle part de cette augmentation est spécifiquement liée au rachat de clientèle. « Quant à nos nouveaux clients, ils nous ont souvent témoigné leur surprise, car l’ancien titulaire de la pharmacie du Renard ne les avait pas prévenus de la fermeture de l’officine. Surprise pour nous aussi d’ailleurs, car cette fermeture est intervenue quelques jours avant la signature effective du rachat », se souvient Sandrine Vasseur.

DIDIER DOUKHAN

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3114