Ces conclusions sont le résultat d'un an de travail d'un groupe de 12 experts dont le premier rapport en janvier 2020 pointait déjà le faible nombre d'études disponibles.
En effet, si les réseaux de téléphonie 2G, 3G et 4G utilisent les bandes de fréquences situées entre 700 MHz et 2,5 GHz, les réseaux 5G, eux, exploitent 3 bandes de fréquences via 3 types d'antennes pour 3 types d'usage : 700 MHz-2,1 GHz (téléphonie mobile), 3,5 GHz (téléphonie, mais avec des débits plus importants) et 26 GHz (destinée à l'Internet des objets). Chacune de ces fréquences n'a pas la même portée (de 2 à 8 km pour les plus basses à 150 m pour les plus hautes) et surtout pas la même pénétration dans le corps humain.
Ainsi, les bandes de 700 MHz à 2,1 GHz pénètrent de plusieurs centimètres dans le vivant, les bandes à 3,5 GHz ont une pénétration de l'ordre du centimètre, tandis que les hautes fréquences pénètrent de quelques millimètres seulement. « Il faut prendre en compte plusieurs facteurs, prévient Olivier Merckel, chef de l'unité d'évaluation des risques liés aux agents physiques à l'Anses. L'intensité de l'exposition, mais aussi sa durée. Ensuite, même s'il y a un effet biologique avéré, cela ne signifie pas qu'il y ait un effet sur la santé. »
« L'organisme va mettre en place des mécanismes d'homéostasie qui vont corriger l'effet biologique », complète Alicia Torriglia, directrice de recherche à l'Inserm spécialisée dans la toxicité rétinienne des diodes électroluminescentes et membre du groupe d'experts de l'Anses. « On a un effet donné pour une technologie donnée, il se peut que le niveau d'exposition ne soit pas suffisant pour que l'effet sur la population soit significatif », ajoute-t-elle.
Pas d'effets aux basses fréquences
Les bandes 700 MHz à 2,1 GHz sont déjà bien connues de l'Anses, forte de son expérience avec les réseaux actuels de téléphonie mobile. Les travaux antérieurs menés par l’Anses indiquent qu’il n’existe à l’heure actuelle pas de preuve d’effet sanitaire lié à des expositions à des champs électromagnétiques correspondant aux usages numériques courants. L’examen d’effets éventuels, comme le développement de cancer, l’altération du fonctionnement cérébral ou de la fertilité, continue cependant de faire l’objet de travaux de recherche et d’évaluation.
L’Anses estime « peu probable » que le déploiement de la 5G dans la bande de fréquence 3,5 GHz présente de nouveaux risques pour la santé. Compte tenu du manque de données scientifiques, l’Anses a mené des investigations supplémentaires à partir des relevés effectués par l'Agence nationale des radiofréquences (ANFR) dans les lieux où le déploiement de la 5G est actuellement expérimenté. Le groupe de travail a également puisé dans les données du Royaume-Uni et de la Corée du Sud, les deux seuls pays à ce jour où la 5G est largement implantée.
Au vu de ces éléments, l’Agence considère comme peu probable que le déploiement de la 5G dans la bande de fréquences autour de 3,5 GHz constitue à l’heure actuelle de nouveaux risques pour la santé. Les niveaux attendus d'exposition cumulée pourraient pourtant changer la donne. « Des simulations prédisent une augmentation de l'exposition moyenne qui passerait de 1,3 à 1,7 volt/mètre (V/m) à 36 V/m, explique Alicia Torriglia. C'est quelque chose dont il faudra mesurer l'impact. »
L'inconnue des hautes fréquences
Pour la bande de fréquence 26 GHz, les données ne sont, à l’heure actuelle, pas suffisantes pour conclure à l’existence ou non d’effets sanitaires. Pour l'heure, l’Anses a cherché à apprécier l’exposition probable dans la bande 26 GHz qui se différencie des autres par une profondeur de pénétration des ondes dans le corps beaucoup plus faible, de l’ordre du millimètre, exposant des couches superficielles de la peau ou de l'œil. « Les simulations disponibles laissent présager des niveaux d’exposition faibles », jugent les experts.
L’Anses souligne la nécessité de poursuivre les recherches et de suivre en particulier l’évolution de l’exposition des populations à mesure de l’évolution du parc d’antennes et de l’augmentation de l’utilisation des réseaux. Mais cet appel n'est pas de nature à freiner le déploiement de la 5G, initié par les appels d'offres remportés par quatre opérateurs fin 2020. L’Agence lance une consultation publique afin de recueillir des commentaires de la communauté scientifique et des parties prenantes.