L'islamo-gauchisme a cette particularité d'être totalement nié par les uns, ceux qui, délibérément ou non, s'y adonnent, et totalement réel pour ceux qui le dénoncent. De sorte que le problème, qui pourrait être examiné dans le calme, s'est transformé en une polémique hystérique ou abondent les arrière-pensées électorales. Sur France 2, un débat opposait récemment le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, à la patronne du Rassemblement national, Marine Le Pen, au cours duquel le ministre a raillé la présidente du RN pour sa « mollesse » à l'égard des djihadistes islamistes. Cette sortie a exaspéré la gauche qui a vu dans les déclarations de M. Darmanin une insuppportable surenchère, tout juste propre à déstabiliser la société française, laquelle n'aurait pas besoin de cette nouvelle querelle.
Les exemples de personnalités de gauche qui ont eu parfois, mais pas toujours, des mots plutôt conciliants à l'égard des pires ennemis de la République sont assez nombreux pour qu'on n'en dresse pas la liste. Le débat a atteint son apogée avec les déclarations de la ministre de l'Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, qui a réclamé le 16 février une enquête sur des études réalisées par des chercheurs du CNRS et où elle affirme avoir décelé une argumentation islamo-gauchiste. Tollé à gauche, surtout du côté de Jean-Luc Mélenchon, président de la France insoumise, qui a été parmi les premiers à être considérés comme islamo-gauchistes.
Une vérité un peu plus solide est que notre pays se défend par tous les moyens dont il dispose contre le terrorisme, lequel relève de l'action des islamistes. La fermeté du pouvoir à l'égard du terrorisme est approuvée par la République en marche et par les Républicains, mais elle est dénoncée comme une forme d'islamophobie par un certain nombre d'associations musulmanes soutenues par l'extrême gauche et partiellement approuvée par la gauche au nom de la lutte contre la xénophobie. Le calendrier électoral n'est pas étranger à la radicalisation des positions. Il nous semble tout de même que la loi confortant les principes républicains qui vient d'être adoptée à une large majorité par l'Assemblée nationale apporte un équilibre entre la répression de l'islamisme politique et le respect de la religion musulmane.
Mauvaise réputation de la France à l'étranger
Il n'y a pas de querelle au sujet du rôle joué par les terroristes. Il y en a une au sujet de la contamination de la gauche par les idées qu'ils véhiculent et qui conduirait certains chercheurs à exprimer ces idées. Mme Vidal voit une « gangrène » dans ce phénomène, ses opposants décèlent dans sa phraséologie une inquiétante dérive. Autrement dit, la menace des islamistes, en France et dans le Sahel, serait moins grave que la contamination des esprits. Le ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, ne s'est jamais laissé étouffer par la modération : depuis qu'il occupe ses fonctions, il milite quotidiennement contre l'influence de l'islamo-gauchisme.
Ce qui nous vaut à l'étranger une très mauvaise réputation. La laïcité à la française est complètement incomprise, aux États-Unis par exemple. Nombre d'Américains, à commencer par leurs plus grands médias, voient cette laïcité comme un succédané du colonialisme, sans paraître se douter de l'influence culturelle exercée par la France sur une bonne partie de l'Afrique et la naissance de multiples talents dans tous les domaines chez les descendants des immigrés venus du Maghreb ou d'Afrique Noire.
On ne reprochera pas aux partis politiques de recourir à une argumentation susceptible d'améliorer leur popularité. On se contentera de leur rappeler qu'il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain, que les Américains n'ont aucune leçon à nous donner en matière de xénophobie, et qu'on ne se dresse pas contre un danger grave avec de bons sentiments. Le gouvernement a cherché, et peut-être trouvé, avec la loi sur le séparatisme, un équilibre précieux qu'il faut consolider. Dans ce débat inutile, il y aura toujours ceux qui soutiennent le patriotisme de parti au détriment du patriotisme français. Ce n'est pas acceptable.