Le coup de force du Xi Jinping est illégal du point de vue des droits de l'homme universels mais aussi du point de vue des relations sino-britanniques. Négocié par l'ancien gouveneur anglais de Hongkong, Chris Patten, le texte était très clair : il limitait la souveraineté chinoise pendant 50 ans, jusqu'en 2047. La Chine communiste a donc pris 27 ans d'avance pour placer son joug sur le cou de tous les habitants de Hongkong. Xi a ainsi mis fin aux illusions occidentales. On a souvent avancé l'hypothèse d'une Chine apaisée par la prospérité qui finirait par se démocratiser. Par la faute de XI, il n'en est rien. Il a durci le régime et exprimé une intolérance totale pour la jeunesse hongkongaise qui exige le respect de ses droits, tels qu'ils sont définis par la transition des pouvoirs. Il y a vu surtout une atteinte à l'indépendance de la Chine et un exemple dangereux pour les Chinois du continent. S'il est passé à l'acte, c'est parce qu'il sait que rien ne contrôle l'exercice de sa puissance politique : les États-Unis de M. Trump sont totalement indifférents au sort des Chinois et des minorités chinoises, et les Européens, comme toujours, sont en retard d'un jour. Ce à quoi nous assistons, c'est le spectacle de la baleine qui avale Jonas. Il y a de la fureur dans ce geste, et il y a la certitude que rien ne peut freiner, a fortiori arrêter, l'action de Pékin.
Le plan de Xi
Xi Jinping a bénéficié de plusieurs atouts conjoncturels : le contexte international se prête fort peu au développement de la démocratie. Vladimir Poutine s'est arrangé pour rester au pouvoir jusqu'en 2036 ; Donald Trump admire le totalitarisme ; des puissances mineures, comme la Turquie, livrent des guerres de domination en Syrie et en Libye ; des chefs d'État, comme Jair Bolsonaro au Brésil, sont des imbéciles ou des ignares qui n'ont aucun respect pour leurs concitoyens.
Mais Xi, lui, a un plan. Il ne voit plus du tout pourquoi il devrait composer avec les droits de l'homme ; il considère que, plus il durcit sa politique, moins il en subit les conséquences ; il pense que la seule chose qui compte pour les Chinois, c'est l'emploi et le niveau de vie, et qu'ils n'ont pas besoin de liberté. Sans doute se trompe-t-il à long terme, mais le long terme a déjà prouvé que la prospérité ne se traduit pas forcément par les libertés et la démocratie. Nous sommes nombreux à avoir cru que la croissance fait naître l'irrépressible besoin de liberté, ce qui est vrai si l'on tient compte des dissidents et des militants qui se manifestent partout en Chine et notamment à Hongkong. Hélas, Xi se sert de la police et de l'armée pour étouffer dans l'œuf le moindre sursaut populaire. Le retour à une gestion plus raisonnable de la Chine immense et variée passe par l'affaiblissement du Parti communiste et le départ de XI Jinping. C'est assez dire que cela prendra sans doute des décennies et que les moyens mis à la disposition du régime lui assurent une bonne longévité.