La comparaion avec les gilets jaunes vient immédiatement à l'esprit. On se souvient qu'au plus fort de leur délire, ils ont tenté de pénétrer à l'Élysée et à Matignon. L'exécutif a crée des cordons militaires pour protéger les sites, Assemblée nationale comprise, ce qui avait soulevé la colère de Jean-Luc Mélenchon. Il n'empêche que, de cette manière, les gilets n'ont pas réussi à s'en approcher. Mais le malaise créé par la montée du populisme en Amérique et en Europe risque de se transformer en cauchemar. Dans une démocratie, le système le moins mauvais, toute contestation est renvoyée aux urnes. Tout le monde peut se présenter. Tout le monde peut voter. La manifestation est un droit civique, pas la violence. Une minorité dérisoire de manifestants ne peut pas inverser la courbe de l'histoire.
Aux États-Unis, c'est Donald Trump qui a invité ses fervents partisans à participer à la curée contre le Capitole. Ils l'ont entendu et ne se sont retirés que lorsqu'il leur a demandé de rentrer chez eux. Une manifestante a perdu la vie sous les balles d'un policier et quelques bureaux ont été mis à sac. Trump avait accompli sa démonstration, qui consiste à opposer au pouvoir issu des urnes un contre-pouvoir, celui de la démagogie, du mensonge et des promesses intenables. Le coup, à Washington, est passé très près de Joe Biden, le président-élu. Mais il est indemne. Ce qui ne nous empêche pas de tirer la leçon de cet événement surprenant.
Une sixième République
L'Europe, en effet, n'est pas exempte de l'expérience du populisme. Il a modifié en profondeur les comportements des régimes de Pologne et de Hongrie. Il a conduit à cette régression innommable et inexplicable du Brexit. Il met en danger des démocraties déjà affaiblies par la crise sanitaire, le chômage et l'endettement. On remarquera que les partis favorables à un changement de République en France, comme la France insoumise, ne parvient pas à condamner l'action politique de Trump et de ses affidés. Jean-Luc Mélenchon voit dans les émeutes de Washington les conséquences d'une montée de l'extrême droite, sans paraître se douter que les clivages idéologiques qui prévalent en France ne sont pas applicables à la société américaine : ce sont en effet les déclassés qui forment les troupes de Trump. On se querellera pendant encore un siècle sur le nom des insurrections populaires: sont-elles de droite ou de gauche ? Peu importe ! Elles sont uniquement dirigées vers le démantèlement de la Constitution et donc du vote populaire. M. Mélenchon réclame une Sixième République et la réunion d'une Assemblée constituante.
Les critiques incessantes adressées au gouvernement, notamment par la droite classique, ne font que renforcer en France l'extrême droite et l'extrême gauche, objectivement unies pour s'emparer du pouvoir à la faveur d'une crise politique qu'elles auront soigneusement préparée. Marine Le Pen fournit des efforts pathétiques pour apparaître comme une femme profondément changée, qui n'aurait plus rien à voir avec la harpie qui se livrait à un ridicule débat avec le candidat Macron entre les deux tours en 2017. On veut bien la croire. Mais si elle s'est à ce point amendée, que ne rejoint-elle pas les Républicains ? Si elle accepte l'euro et l'Union européenne, qu'a-t-elle à proposer que LR ne propose pas sur l'économie, le budget ou l'environnement ? On comprend qu'elle veuille effacer un mauvais souvenir, celui du débat catastrophique, mais les téléspectateurs en ont conclu que, décidément, elle ne comprenait rien, qu'elle ne maîtrisait pas ses dossiers et que, pour lutter contre la crise sanitaire, ils ne sont pas près de se jeter dans les bras de LFI ou du Rassemblement national.
Aux États-Unis, les démocrates ont bien résisté à la tempête. Ils ont une majorité forte, ils ont le Sénat et la Chambre. Le recours aux urnes et le meilleur moyen de calmer le jeu, de dire le droit, de désigner les compétences, d'écarter les aventuriers. Pour la France, pour l'Europe, l'élection en 2022 d'une majorité forte s'adressant au moins à deux-tiers de Français est la seule planche de salut.