Cela fait des mois que les partis d'opposition considèrent qu'un deuxième match Macron-Le Pen est soigneusement organisé par le président et par la candidate du Rassemblement national ; que ce serait non une fatalité mais une confiscation de leurs propres chances de l'emporter ; et qu'ils sont parfaitement capables de gagner pour autant que toute la gauche, du PS à ses dissidents, des Verts à la France insoumise mette fin à la bataille des ego et désigne un candidat unique.
Cela fait des mois également que des sondages, certes prématurés, montrent que les Français sont hostiles à une répétition de 2017, mais qu'ils ne seraient nullement étonnés de se retrouver devant un choix entre les candidats du second tour il y a quatre ans. Qu'il n'y a pas encore dans la droite classique un candidat capable de franchir la barre des 20 % ; que le score des écologistes, quel que soit leur homme-lige, ne dépasse pas 10 % et que Anne Hidalgo elle-même n'a encore aucune chance de passer le premier tour. D'un côté, les succès des partis aux élections intermédiaires ne convainquent pas l'életcorat qu'ils ont récupéré leurs lettres de créance présidentielle ; de l'autre, jamais le tableau général de la gauche n'a été aussi confus depuis que les candidatures spontanées sont nées sans concertation et que les candidats parlent tous les jours librement, accentuant ainsi ce qui les sépare les uns des autres.
Les Verts ou l'irrationnel
Prenons l'exemple des Verts : Yannick Jadot est celui d'entre eux qui peut espérer obtenir le meilleur score. Mais il semble que, jaloux de ses prérogatives dont Julien Bayou est le cerbère, ils pourraient bien désigner Éric Piolle, le maire de Grenoble, qui, lui, réunit 3 % des suffrages dans les plus récentes enquêtes d'opinion. Une course au suicide. On ne voit pas par ailleurs pourquoi Yannick Jadot, s'il était intronisé par les Verts, cèderait la place à Anne Hidalgo, la mieux placée dans les sondages et que la République en marche prend très au sérieux. Si l'on souhaitait que la gauche l'emporte, on lui conseillerait donc de se rassembler autour d'un scénario crédible incarné par la maire de Paris. Qu'en pensent M. Jadot et surtout Jean-Luc Mélenchon qui a déjà annoncé sa candidature et ne semble pas craindre le risque de prendre une troisième déculottée ?
Il y aurait une procédure conduisant à la victoire de la gauche si elle était en mesure de respecter la première clause de son contrat, l'unité. La REM n'est pour rien dans ses difficultés qui, toutes, viennent de la très forte position du Rassemblement national, premier parti politique de France, absolument certain de se retrouver au second tour et qui ne laisse qu'un créneau pour un autre candidat. Lequel n'a la moindre chance que si, dès le premier tour, il obtient un quart des suffrages et laisse sur place le candidat sortant.
Tant et si bien que, jusqu'à preuve du contraire, on fait plus de bruit dans une gauche à candidatures multiples (de Hidalgo à Montebourg) qu'on n'agit vraiment dans le sens d'un rassemblement. Le PS et les formations dissidentes du PS ne se sont même pas rapprochées ; l'affaiblissement de l'exécutif actuel ouvre des appétits chez ceux qu'on n'attendait plus, comme M. Montebourg, c'est-à-dire chez les personnages qui soulèvent le plus d'émotions contradictoires au lieu d'apporter de la sérénité au débat.. Il paraît que le temps fera son œuvre et que les divisions seront comblées avant l'élection. Qu'on nous autorise notre grain de scepticisme.