Le 13 juillet dernier, l’avocat général de la CJUE, Maciej Szpunar, a présenté ses conclusions dans l’affaire qui oppose l’Union des groupements des pharmaciens d’officine (UDGPO) et Doctipharma. En 2019, la cour de cassation avait infirmé un arrêt de la cour d’appel de Paris qui, deux ans plus tôt, avait validé le principe de ces ventes sur des Market Place, interdites une première fois en 2016 suite à une plainte de l’UDGPO. Celle-ci estimait en effet que Doctipharma, loin de n’être qu’un outil purement technique mettant en relation des consommateurs et des pharmaciens, était en réalité un intermédiaire réalisant des actes pharmaceutiques effectués par des non-pharmaciens, ce qui est contraire au code de la santé publique.
L'espoir d'un succès pour l'UDGPO
Saisie ensuite dans le cadre d’une « question préjudicielle » par la cour d’appel de Paris, la CJUE a estimé que la structure même de Doctipharma constitue bien un service pharmaceutique qui dépasse le seul cadre d’un équipement facilitant la mise en relation entre un vendeur et un acheteur. Toutefois, a ajouté M. Szpunar, il appartiendra aux autorités sanitaires françaises de démontrer clairement que cette plateforme constitue une menace pour la santé publique, ce qui serait alors un motif suffisant pour l’interdire.
Pour Laurent Filoche, président de l’UDGPO et du groupement Pharmacorp, ces conclusions vont dans le sens défendu dès le départ par les officinaux, et permettent raisonnablement d’espérer un succès lors de l’arrêt définitif de la cour. En moyenne, celle-ci suit dans 80 % des cas les avis des avocats généraux.
L’ère d’une vision européenne libérale de la santé semble révolue
Un revers pour Doctipharma viendrait encore compliquer les affaires du géant néerlandais des ventes en ligne, qui tente par tous les moyens de regagner des parts de marché dans les différents pays européens. En Allemagne, Doc Morris vient de saisir une nouvelle fois la justice européenne sur l’interdiction des remises sur les prescriptions vendues en ligne, mais avec des angles d’attaque différents. Il réclame le paiement par les pharmaciens d’une indemnité de 14 millions d’euros en raison des manques à gagner liés aux procédures entreprises par ces derniers pour obtenir l’interdiction de ces rabais. Mais la procédure a peu de chances d’aboutir, d’autant que l’ère d’une vision européenne de la santé très libérale semble révolue : il est de plus en plus difficile pour les plateformes de démontrer que leurs motivations sont dictées par la protection de santé plutôt que par leurs seuls intérêts financiers.