Il n'y a pas que les pharmaciens à avoir du mal à équilibrer leur rémunération. Pour y parvenir, ils ont dû passer par une réforme longue et ambitieuse visant à déconnecter progressivement leur revenu de la vente des médicaments. Et si les vétérinaires faisaient de même ?
C'est le projet imaginé par l'économiste (et vétérinaire) Frédéric Bizard. À l'occasion d'un colloque organisé par le syndicat national des vétérinaires conseils, ce dernier a décrit les contours d'un modèle économique en péril, celui des vétos spécialisés en animaux de production. Selon l'économiste, « ces professionnels ne parviennent pas à faire rémunérer leurs conseils auprès des éleveurs, d'où un certain repli sur la vente des médicaments ». Problème, cette solution s'appuie sur le fameux couplage prescription/délivrance, pouvoir décrié de longue date par les pharmaciens… Mais surtout, ces ventes ne suffisent plus à les tenir à flots car les contraintes de plus en plus lourdes sur la prescription de médicaments en médecine vétérinaire, notamment liées à la lutte contre l'antibiorésistance, réduisent cette manne financière comme peau de chagrin.
Le couplage prescription/délivrance n'est pas la solution
« Aujourd'hui, explique au « Quotidien » Frédéric Bizard, il est devenu impossible pour les vétérinaires de supporter une baisse de 35 % de ce qui composait 80 % de leur chiffre d'affaires (NDLR, la prescription des antibiotiques). » Pour le spécialiste des questions de protection sociale et de santé, il faut sortir du piège du statu quo dans lequel pouvoirs publics, éleveurs et laboratoires sortent jusqu'ici gagnants. Et d'imaginer un nouveau modèle économique où les compétences du vétérinaire conseil, abandonnant une part des ventes de médicaments, basculeraient du curatif vers le préventif. Frédéric Bizard met ainsi en avant trois domaines d'expertises, valorisables : l'environnement, la biosécurité et le bien-être animal. Qui financerait ces conseils d'experts ? « La difficulté sera certes de faire payer des services qui étaient jusque-là compris dans la prestation du vétérinaire, estime l'économiste, mais le financeur pourrait être l'éleveur », suggère-t-il. Quoi qu'il en soit, si cette réforme aboutissait, l'officine rurale spécialisée en pharmacie vétérinaire pourrait enfin retrouver sa juste place dans la délivrance des ordonnances en production animale… et une meilleure santé. « On se demande pourquoi on n'y a pas pensé plus tôt », s'étonne presque Frédéric Bizard. Pour l'heure, l'idée d'une telle réforme n'a pas soulevé de bronca chez les vétérinaires. De là à dire qu'elle emporte leur adhésion massive, il y a un pas…