• Quinze ans après les surhommes (« Comment je suis devenu super-héros »), Gérald Bronner a élevé ses ambitions de romancier critique jusqu’aux dieux ! Professeur de sociologie à l’Université de Paris, membre, entre autres institutions, de l’Académie nationale de médecine et auteur d’une bonne quinzaine d’essais, il imagine, dans « Comme des dieux », qu’une église évangélique américaine donne aux amateurs d’une émission de téléréalité la possibilité de choisir qui sera le Jésus d’aujourd’hui ; à charge pour les 13 candidats retenus pour leurs aptitudes extraordinaires, réelles ou prétendues, de séduire le public. Entre cynisme et grâce, quête métaphysique et société du spectacle, humour et réflexion. (Grasset, 301 p., 20,90 €)
• « Révérends pères » est un livre à part dans le travail de Jean Marc Turine, qui, sous la forme de documentaire ou de fiction pour la radio ou la télévision (il a reçu par deux fois le grand prix de l’Académie Charles Cros) ou par le livre (« la Théo des fleuves » a remporté le Prix des Cinq Continents de la Francophonie en 2018), n’a cessé de donner la parole aux sans-voix et aux opprimés. « J’écris, pour la première fois, sur des comportements ou des agissements qui se sont produits il y a près de soixante ans », commence-t-il : les agressions sexuelles répétées par des pères jésuites du Collège Saint-Michel à Bruxelles lorsqu’il était jeune garçon. (Esperluète, 123 p., 16 €)
• «Les Jours suivants » est le 10e livre de Caroline Sers, prix du Premier Roman pour « Tombent les avions » en 2004. Alors que les habitants d’un village de Dordogne sont réunis au café associatif, il n’y a plus brusquement ni électricité ni téléphone. On ne sait rien de l’origine de la panne, qui menace de durer ; c’est l’hiver, il faut s’organiser. Le propos de l’auteure est moins de jouer avec la peur que de montrer comment néoruraux et vrais campagnards réagissent quand leurs repères volent en éclats. Elle y parle d’entraide, de solidarité, de retour à une vie simple, de modes de vie plus conformes à notre désir. (Calmann-Lévy, 221 p., 18,50 €)
• Jeune quarantenaire, Thomas Rosier a opté, après avoir étudié les sciences politiques, l’urbanisme et la charpente, pour cette dernière. C’est donc entre deux chantiers qu’il a écrit « Un monde de salauds souriants ». Il y montre trois personnages qui, chacun à sa manière, tentent de résister aux dérives et aux injonctions de la société : l’un en se tenant à distance, une autre en opposant sa colère et Michel, chirurgien esthétique de la génération fric, en adaptant sa pratique « à toutes les déclinaisons de l’augmentation de soi ». Trois voix dissonantes dans le concert du capitalisme autocrate. (Actes Sud, 235 p., 20,50 €)
• Grand reporter pour la télévision, François-Xavier Ménage a publié en 2016 « Fukushima, le poison coule toujours ». Avec « les Têtes baissées », son premier roman, il nous entraîne dans un autre site nauséabond, un abattoir où, sept heures par jour, Ronan et Emma pratiquent la saignée ; elle pour gagner de quoi intégrer une école de commerce, lui parce qu’il n’a pas d’autre perspective d’avenir. Ni juge ni militant et au-delà des violences animales dont on parle aujourd’hui, l’auteur évoque les violences faites aux salariés qui accumulent souffrances et frustrations sans pouvoir exprimer leurs douleurs. (Robert Laffont, 300 p., 20 €)
• Après un roman autobiographique remarqué (« Avant qu’elle s’en aille »), Maia Kanaan-Macaux raconte la rencontre de deux êtres fragilisés par l’existence : une femme qui, à la suite d’un drame, abandonne son mari et son métier d’enseignante, et un migrant guinéen de 15 ans, venu seul en France pour trouver les médicaments indispensables à la survie de son père. Croisant les voix d’Isabelle et d'Ibrahim, « les Exilés » est le parcours intime et la reconstruction inespérée de ces deux personnes brisées. (Julliard, 202 p., 19 €)
• Le CV de Levan Berdzenichvili est étonnant : né en 1953 en Géorgie, spécialiste de littérature et de langues anciennes, dissident – il fonde avec son frère le parti Républicain en 1978 et il est incarcéré en 1983 pour activités antisoviétiques dans un camp de Mordovie –, il siégera au parlement de Géorgie de 2012 à 2016, en tant que membre du parti Rêve géorgien-Géorgie démocratique. Sous Titré « les Derniers Jours du Goulag », « Ténèbres sacrées » revient sur ses trois années d’emprisonnement, qu’il décrit comme « les plus belles de sa vie ». Avec humour et ironie, il y brosse les portraits d’une quinzaine de ses codétenus : scientifiques, intellectuels, citoyens de tous horizons aux prises à des règles officielles et officieuses impensables. Un tableau vivant de la société soviétique, juste avant son effondrement. (Noir sur Blanc, 234 p., 21,50 €)