Un prix hors classe dans le Volet Médicament. C’est ainsi que le jury du Galien a souhaité mettre à l’honneur cette année la technologie de l’ARN messager (ARNm) appliquée à la vaccination Covid : les laboratoires Pfizer-BioNTech et Moderna ont reçu un prix exceptionnel pour leurs vaccins Comirnaty et Spikevax. Le coup d’essai de cette technologie de rupture s’est révélé un coup de maître. Ces vaccins ont répondu en un temps record à un besoin non couvert en contexte d’urgence sanitaire et de façon jusque-là inégalée.
Les vaccins Comirnaty et Spikevax sont les premiers vaccins à ARNm à avoir reçu une autorisation de mise sur le marché. La technologie était arrivée à maturation après des années de recherche. « Même si le public ne s’y intéressait pas, la communauté de l’ARNm se rencontrait déjà régulièrement en Allemagne avant l’épidémie, avait expliqué au « Quotidien » Katalin Kariko, pionnière de la technique à l’université de Pennsylvanie et au sein du laboratoire BioNTech. L’année dernière, plus de 600 chercheurs étaient présents. Il y a trois ans, trois chercheurs nous avaient déjà présenté un candidat vaccin contre le paludisme. Moderna menait des essais cliniques de vaccin contre la grippe avec un ARNm contenant de la pseudo-uridine, à l’aide d’un vecteur identique à celui qu’ils ont utilisé contre le Covid-19. »
Une rupture technologique
La rapidité de développement des vaccins contre le Covid-19 a été sans précédent. Une prouesse due en partie aux travaux de recherche intensifs ayant permis d’identifier le mécanisme permettant au virus d’infecter les cellules hôtes et de cibler la protéine Spike pour induire une immunité spécifique. Le top départ a été donné le 11 janvier 2020, quand la séquence génétique du virus a été mise en ligne par la Chine.
À partir de là, la collaboration très étroite entre les autorités de réglementation, l’industrie et les chercheurs du monde entier, avec le soutien d’investissements massifs, ont permis d’optimiser les délais nécessaires pour réaliser la recherche, les essais cliniques, les procédures de validation et la fabrication des vaccins, notamment en menant en parallèle, et non pas de façon séquentielle, la plupart de ces étapes.
L’information portée par un vaccin à ARNm est directement traduite dans le cytoplasme de la cellule, sans qu’il ait besoin d’être transporté dans le noyau pour la transcription. « L’ARNm n’est pas un “médicament”, mais une information, qui donne des instructions à la cellule en utilisant toujours les quatre mêmes nucléotides, avait décrit au « Quotidien » Stéphane Bancel, président-directeur général de Moderna Therapeutics. C’est un énorme avantage pour le développement pharmaceutique, car il suffit de changer l’ordre du code pour créer un nouveau vaccin. Le processus industriel est toujours le même. »
Preuves dans les essais et en vie réelle
Les vaccins Comirnaty et Spikevax contiennent ainsi l’ARNm codant pour la protéine Spike du SARS-CoV-2, encapsulé dans des nanoparticules lipidiques. Lors de l’injection dans le deltoïde, l’ARNm vaccinal pénètre dans les cellules du muscle et est traduit dans le cytoplasme en protéine Spike. Cette protéine étrangère est ensuite exprimée à la surface des cellules et est reconnue par les cellules présentatrices d’antigènes. Ceci déclenche la production d’anticorps neutralisants par les lymphocytes B, une réponse lymphocytaire T cytotoxique et la génération de lymphocytes T mémoires.
Les preuves d’efficacité des deux vaccins ont largement été apportées dans les essais cliniques et en vie réelle. Pour Comirnaty, l’étude pivot de phase 2/3 chez 40 000 participants a montré une efficacité de 95 % sur la réduction du nombre de cas de Covid-19 symptomatique, 7 jours après la seconde dose, chez des sujets de 16 ans et plus. Pour Spikevax, l’essai mené chez plus de 28 000 adultes a montré une efficacité sur les formes symptomatiques de 94,1 %, mais aussi une efficacité de 90,9 % sur les formes sévères.
Si aucun des vaccins proposés n’est efficace à 100 %, Comirnaty et Spikevax sont efficaces en vie réelle à plus de 90 % pour prévenir les formes graves de Covid-19 chez les personnes âgées de plus de 50 ans en France, et ce jusqu’à cinq mois après un schéma complet. Alors qu’Omicron inquiète la planète, la technologie à ARNm permet une adaptation rapide aux variants et les laboratoires Pfizer-
BioNTech et Moderna ont d’ores et déjà annoncé y travailler.