C'est en nous-mêmes, un peu comme nous produisons des anti-corps quand nous sommes gagnés par une infection, que nous avons trouvé la parade immunitaire. Avec fermeté, nous cherchons dans l'avenir proche ce que le passé récent ne nous a pas donné. Il y a les fatalistes, qui estiment tout savoir, y compris ce que les a saisis par surprise, et il y a aussi les optimistes, ceux qui ne sont pas loin d'espérer une intervention divine, ou plus prosaïquement, l'événement qui arrête notre saut dans l'inconnu. Il existe plusieurs preuves de ce que j'avance : nous préférons croire que notre affaiblissement économique et social n'est pas inéluctable ; nous sommes étonnés de voir que, au sein de notre parlement, des coalitions se forment de temps à autre, qui permettent au gouvernement de gouverner ; nous apprenons que nous avons résisté à l'inflation, que nous avons spontanément diminué notre consommation d'énergie, que nous éviterons peut-être les coupures de courant cette année.
On pourrait bien parler de miracle. Et n'est-ce pas un miracle que les Ukrainiens tiennent la dragée haute à Vladimir Poutine ? N'est-il pas stupéfiant que l'influence des dictatures russe et chinoise s'affaiblissent, alors que la démocratie serait, selon certains, passée de mode ? Que Lula ait battu Bolsonaro au Brésil et que les extrêmes droites n'osent plus attaquer la construction européenne ? Le pire n'est pas sûr, disait Georges Pompidou. Et le plus rassurant, c'est que nous, les Français, appartenons à cette catégorie politique qui fait du droit et des libertés les conditions sine qua non de la bonne gouvernance. De sorte que, quand tout va mal, cela s'appelle l'aurore : l'accalmie succèdera à la pire des tempêtes.
Un rayon de soleil insolent
Chaque année en décembre, je rédige cet article-bilan et je crois bien me souvenir qu'à l'un d'eux, j'ai donné le titre d'Annus horribilis, pour citer la défunte et regrettée reine d'Angleterre. La suite m'a donné tort car, de toute évidence, il y eut ensuite des années encore plus mauvaises. Mais l'histoire est celle des saisons. Nous abordons l'hiver, il y aura sans nul doute un printemps. Il nous faut un peu de patience. Les coupures de courant ne seront pas inévitables, la hausse des prix finira bien par atteindre un palier. Dans les situations les plus critiques, celles où le brouillard nous rend myopes et moroses, nous voyons apparaître parfois une lueur, un rayon de soleil insolent qui a percé les nuages et commence à nous réchauffer. Observez l'Ukraine, cet État indépendant qui devait être conquis en trois jours par l'armée russe : Poutine a déjà perdu cette guerre ! Regardez la croissance, l'inflation, l'emploi : nous nous en sortons mieux que nos partenaires européens.
Alors, tout va pour le mieux ? Non. La suite des saisons reste notre credo philosophique. Il y a un temps pour l'hiver et un temps pour le printemps. C'est en nous-mêmes et nulle part ailleurs, que nous trouverons les ressources, constance, courage, calme, qui nous ont préservés contre la pandémie et contre le ralentissement de l'économie. Le même courage nous rendra notre statut de nation forte et impassible. Une méthode nous mettra à l'abri du malheur mieux qu'un gain au loto : nous devons relativiser ce que Verdi appelle la force du destin. Tout est perdu ? Mais non. Une phase de notre existence nous fait souffrir. Mais elle ne durera pas. Nous verrons l'avenir avec plus de confiance. Observez l'Ukraine et vous y verrez une nation exemplaire, qui endure la souffrance et la mort mais garde assez de citoyens pour qu'ils rêvent déjà de la reconstruction de leur pays. Nous ne sommes pas des Ukrainiens, le fléau de la guerre nous a épargnés. L'année prochaine, c'est juré, je publierai un bilan positif.