C’est en train qu’on apprécie le mieux l’arrivée au Puy-en-Velay. En quittant le décor industrieux du bassin stéphanois, le TER grimpe vers l’Auvergne et remonte le cours de la Loire. Le bassin riant, avec ses plus de 20 000 habitants, apparaît soudain après un dernier méandre, pôle d’activités perché à 700 m d’altitude entre les montagnes du Devès, du Meygal et du Mézenc. À ceux que les petites préfectures supposées ennuyeuses rebutent, nous disons : Le Puy-en-Velay et ses environs font exception. Exception historique, avec un riche passé et présent de capitale religieuse, suintant de tous les pores des pierres volcaniques. Exception géologique, avec les pitons de lave couronnés d’églises et de châteaux. Exception culinaire, avec des spécialités et un marché uniques, pavoisant les rues de la ville chaque samedi. Exceptions patrimoniale et naturelle, enfin, avec un musée revisité et un chapelet de villages de charme entourés de paysages altiers.
On exagère ? Allons voir dans la haute ville, enveloppée depuis le Moyen Âge d’un halo religieux. C’est du Puy qu’en 950, Godescalc, évêque local, entreprend d’aller à Compostelle. Il initie la Via Podiensis, chemin emprunté chaque année par des milliers de pèlerins. D’autres viennent le 15 août pour la procession mariale, afflux de fidèles accompagnant la statue de la Vierge noire à la cathédrale. Le décorum est pieux, jusqu’à la célèbre statue Notre-Dame-de-France, perchée 132 m au-dessus de la ville, sur le rocher Corneille. Seuls l’Hôtel-Dieu et la chapelle numérique Saint-Alexis dépoussièrent les codes ecclésiastiques. Renommé Hôtel des Lumières – Centre d’Art numérique, le premier présente trois spectacles sons et lumières immersifs. La seconde abrite un show interactif, « Terre de Géants », visite virtuelle de la Haute-Loire dans un aéronef.
Passées les rues en pente où s’élèvent de belles façades Renaissance (rue Chênebouterie), voici la ville basse. C’est le samedi qu’il faut la découvrir. Pratique devenue rare, le marché prend possession des places et des rues du centre. On y décèle un vague air du Sud, avec les étals conviviaux, sur fond de façades colorées (places du Plot, du Clauzel, du Martouret). Si l’accent méridional est absent, les produits locaux, eux, sont là : lentille du Puy, fromage aux artisons, liqueurs Pagès et fin gras du Mézenc, à acheter dans l’une des nombreuses boucheries de la ville. Car c’est ainsi au Puy-en-Velay : le petit commerce est vivant, la rue Pannessac le prouve.
On ne quittera pas le Puy-en-Velay sans avoir visité le musée Crozatier et le rocher Saint-Michel. Exemple réussi de musée provincial réenchanté, le premier présente, dans une bâtisse XIXe et une extension design (2018), des collections de beaux-arts, d’égyptologie et de sciences. À voir : la plus ancienne peinture sur toile conservée en France (1410) et « Vercingétorix devant César », tableau majeur de Lionel Royer (1899). Le rocher Saint-Michel, lui, remplit d’émotion : au sommet d’un piton volcanique « inaccessible » (268 marches dans le roc !), le sanctuaire remonte à l’an 950 et prend des airs de chapelle paléochrétienne.
Il y a deux manières de découvrir la campagne du Puy : à pied par l’un des nombreux GR, telle la Via Podiensis, le chemin de la Régordane (vers la Méditerranée), le chemin Stevenson (depuis Le Monastier-sur-Gazeille)…, ou en voiture. Celle-ci sera bien utile pour s’arrêter à Polignac, Arlempdes et Pradelles, classés « Plus Beaux Villages de France ». Pour se poser au bord du lac du Bouchet, cercle parfait de plan d’eau volcanique. Pour découvrir les forteresses de Lavoûte-Polignac, Bouzols, Goudet… Pour s’aventurer dans les massifs du Meygal et du Mézenc, parfois couverts de neige avant l’hiver. Et pour revenir aux gorges de la Loire, fil bleu du territoire, concurrentes de celles de l’Allier, voisines. Veni, vidi, Velay !