Un port à haute valeur ajoutée. C’est ce que l’on retient après avoir visité Douarnenez, ville depuis laquelle des générations de pêcheurs sont parties traquer la sardine, or frétillant qui fit sa fortune. La cité s’étale de part et d’autre de l’estuaire de Port-Rhu, séparant à l’est le centre ancien et ses activités de pêche de Tréboul, le quartier occidental résidentiel et plaisancier. Pour lier les deux, un pont-viaduc et un chapelet d’anses, de pointes, de plages, de quais, et même une petite île, Tristan, sanctuaire de nature. Autant d’occasions de balades littorales.
Pour comprendre Douarnenez, rapide retour en arrière. Port sardinier dès le XVIe siècle, l’activité explose à la fin du XIXe avec l’apparition de la conserve. Plusieurs usines de poissons s’installent. Le petit peuple des campagnes afflue et la population passe de 2 500 habitants en 1 850 à 12 500 en 1910. Jusqu’à 900 chaloupes sardinières déchargent chaque jour leur cargaison dans le port ! Les hommes sont en mer, les femmes s’affairent dans les conserveries. 4 500 pêcheurs d’un côté, 3 500 Penn Sardin (leur surnom) de l’autre. Les grèves de 1924-1925 contre des salaires de misère et des conditions de travail éprouvantes vont propulser celles-ci sur le devant de la scène. C’est ainsi que Douarnenez devient en 1921 la première municipalité communiste de France. Une histoire sociale exemplaire à découvrir dans le passionnant Port-musée de Port-Rhu.
Beaucoup de symboles en centre-ville rappellent cette épopée. Les Halles et leurs portraits aux murs de femmes engagées. Les anciennes maisons de pêcheurs au granit rugueux, quartier du Rosmeur. La façade de l’ex-usine Chancerelle. L’Abri du Marin, lieu d’accueil ouvert en 1914 pour détourner les pêcheurs des bars et de l’alcoolisme. Le Bar de la Rade, quai du Grand Port, où la gérante Micheline a entretenu la légende des cafés de Douarnenez. La criée, où les « poissons bleus » (sardines) côtoient aujourd’hui chinchards, maquereaux, anchois et thons. Une ville captivante.
À l’ouest de Douarnenez, la nature met une gifle à tous les visiteurs. De la pointe de Leydé à celle du Van, tout n’est que rochers cisaillés, granits entaillés, verticalité minérale. On peut observer cormorans, fulmars boréaux ou guillemots de Troïl à la réserve du Cap Sizun. À la Pointe de Brézellec, des fous de Bassan dansent dans les courants ascendants. Près de la Pointe du Millier, la roue à augets de 8 m de diamètre du moulin de Keriolet, la plus grande de Bretagne, tourne à nouveau pour moudre la farine et fabriquer le pain. À la Pointe du Van, la chapelle Saint-They et son enclos de pierres sont un ultime défi lancé à la fureur des flots. Peu d’humains arpentent ce littoral, hormis les marcheurs du GR 34, sentier de toute beauté.
Mais voici la Pointe du Raz. « L’homme n’est pas fait pour vivre là, pour supporter la nature à haute dose », écrivait à son propos Gustave Flaubert. Certes. Car si l’on s’y plaît à marcher, qui aimerait s’installer dans ce décor de landes et de tempêtes furibardes ? Au large, passés l’île de Sein et les phares de Tévennec et d’Ar Men, il n’y a plus rien. Ah si, pardon, Saint-Pierre-et-Miquelon, mais c’est à 3 700 km… Sur cette langue plate, la mer vous englobe et vous étouffe. Il faut être ligneur de bar pour s’y aventurer, comme le font quelques pêcheurs d’Audierne dont c’est le travail quotidien. Parce que la Pointe du Raz est un lieu unique, classé Grand Site de France, la foule s’y presse en saison. Un lieu fascinant mais guère « humain ».
Autour du Raz, on ira découvrir la grande plage de sable de la baie des Trépassés, les ports-abris spectaculaires de Pors Théolen, du Vorlenn, de Bestrée, de Feunten Aod, de Pors Loubous... Autant de refuges microscopiques pour embarcations chahutées, témoins d’embarquements de résistants lors de la guerre et du combat social le plus célèbre de Bretagne : la lutte contre l’implantation de la centrale nucléaire de Plogoff, à la fin des années 1970. Car ici, les hommes sont aussi tenaces et intègres que leur terre.