Pour les résidents, la qualité gustative du dîner en EHPAD est interdépendante de la cuisine de collectivité : « La nourriture ce n’est pas terrible. C’est de la nourriture de cantine. H, F 85 ans. » Une cuisine plus simple, plus légère, les ramènerait aux habitudes qui leur sont restées chères. « Le soir, j’aimerais retrouver les plats que je mangeais chez moi. V, H, 86 ans. » Si 76 % des résidents déclarent être satisfaits ou très satisfaits d’au moins 3 des 4 des composantes du dîner, en particulier de l’entrée et du dessert, ils sont nombreux à pointer une élaboration des repas insuffisamment qualitative et des modes de cuisson qui déplaisent, surtout ceux des produits carnés ou des pâtes. Plus généralement, ils notent un manque de variété dans les plats proposés mais le désir de disposer d’une offre personnalisée n’est exprimé que par une minorité de répondants. Lorsque cette possibilité est évoquée, le plat de remplacement est apprécié mais une lassitude s’exprime quant à son manque de renouvellement (généralement de la purée et du jambon pour le plat de résistance). « Le plat de remplacement j’en ai marre. Je ne peux plus l’accepter. F, 85 ans. » La saisonnalité des menus apparaît comme une préoccupation secondaire. Plus précisément, la saisonnalité des menus peut être appréciée, mais pas nécessairement celle des produits. « Respecter les saisons, c’est bien. Mais de temps en temps, ça fait plaisir de manger des fraises en hiver. F, 88 ans. »
Des contraintes collectives plus ou moins appréciées
Les préférences de 77 % résidents vont vers des saveurs simples et traditionnelles plutôt qu’exotiques. Au dîner, ce sont les potages ou les soupes et les plats à base de viande qui plaisent aux résidents. Ces préférences sont bien respectées puisque les soupes sont majoritairement servies en entrée (83 services sur 93) et les plats à base de viande s’invitent régulièrement à la table des résidents (58 services sur 94). Pour les laitages, le fromage à pâte molle est préféré aux yaourts (39,5 %), pourtant au dîner c’est le fromage blanc qui est plus souvent servi en raison des contraintes budgétaires des EHPADs (le coût des laitages est inférieur à celui du fromage). Quant aux desserts, 25 % aimeraient davantage de fruits frais ou de pâtisseries. Cependant, ce sont les fruits cuits qui sont servis dans 50 % des cas. En fait, le choix des EHPADs repose sur les conditions de conservation des fruits frais et la disponibilité du personnel pour accompagner les convives dans la consommation des fruits frais. « Le plus important serait qu’on serve des fruits mûrs, bons à manger. Ici, ce sont des fruits pas mûrs, donc pas très bons et difficiles à manger (les pommes), on ne peut pas les croquer ou alors il faut couper des petits morceaux. F, 92 ans. »
Les résidents ont en partie conscience des contraintes qui guident l’élaboration du dîner en EHPAD, si certains le regrettent, ils s’en accommodent. Les résultats de cette enquête* présentent une génération conciliante, résignée. « Ces générations se révèlent moins exigeantes car elles ont toujours développé une attitude de respect des institutions les amenant à peu revendiquer leur insatisfaction. L’EHPAD est sans doute assimilé en partie au système de santé, dont l’hôpital et le médecin restent des éléments très respectables. » analyse Maxime Michaud, anthropologue, responsable du pôle Sciences sociales au centre de recherche de l’Institut Paul Bocuse. Toutefois, il faut éviter de trop généraliser, certains résidents sont à l’origine de tentatives de « fronde » , ce qui montre que la perception du repas en EHPAD peut fortement varier d’un individu à l’autre en termes de contenu, de lieu, de temps, d’organisation et de partage.
* Menée d’octobre 2019 à janvier 2020 sur un échantillon de 96 résidents de 87,6 ans en moyenne, dont 74 % femmes, ayant un séjour moyen de 2 ans et 10 mois.
D’après un communiqué de l’Institut nutrition la fondation Restalliance