La crise du Covid et ses conséquences économiques – chômage partiel, perte d'emploi – ont favorisé les achats responsables. Se procurer un produit élaboré sur le territoire, c'est participer à la préservation des emplois en France. Les officinaux en ont conscience. Ils sont nombreux à privilégier des produits de parapharmacie conçus en France. Mais que signifie vraiment le « made in France » ?
Cette appellation est régie par l'article 39 du code des douanes. Pour obtenir ce marquage, il faut notamment que le produit ait subi « sa dernière transformation substantielle » en France. Autrement dit, une étape importante de sa production doit y avoir été effectuée. « L’ouvraison substantielle, qui donne les caractéristiques d’un produit cosmétique, doit avoir lieu en France. Ainsi, pour bénéficier du « made in France », avoir un ingrédient ou un emballage français ne suffit pas », rappelle la Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA).
Ces règles sont bien connues des laboratoires parapharmaceutiques. Certains sont même plus exigeants que la réglementation. « Chez ladrôme laboratoire, nous essayons d'être le plus transparent possible. Sur nos packagings, nous mettons la mention « fabriqué en France » lorsque le produit est entièrement fait en France, sinon, nous indiquons « élaboré en France ». Sur les PLV dédiées aux pharmacies, pour nos compléments alimentaires à base d'extraits de plantes fraîches, nous précisons le taux d'ingrédients cultivés en France et mentionnons la fabrication française dans nos ateliers, situés dans la Drôme depuis 25 ans », affirme Stéphanie Philippe, responsable marketing, ladrôme laboratoire.
Production française : des acteurs engagés
La maîtrise de la totalité de la chaîne (de l'approvisionnement des actifs à la production) est également un point important pour certains acteurs du « made in France ». C'est notamment le cas du Laboratoire Expanscience. « La quasi-totalité des produits Mustela sont fabriqués en France depuis 1950, dans notre usine d'Epernon », précise sa responsable portefeuille produits, Morgane Bonnefoy-Cuvilly.
Les consommateurs, pour leur part, accordent une grande confiance au « made in France » et les industriels se montrent à la hauteur de leurs exigences. « La fabrication française est gage de qualité. Nos ingrédients et nos actifs proviennent, la plupart du temps, de France », assure David Gueunoun, fondateur des compléments alimentaires Les Miraculeux. De son côté, la marque de dermocosmétique MÊME (dédiée aux personnes concernées par un cancer) a choisi des producteurs et des sous-traitants français « pour garantir la sécurité la plus haute du marché », note Juliette Couturier, fondatrice de MÊME. D'après Anne-Marie Gabelica, fondatrice et dirigeante de la marque de cosmétiques bio oOlution, travaillant avec des fabricants situés près d'Aix-en-Provence, le « made in France » va de pair avec un engagement écologique. « Nous récupérons les flacons usagés pour les faire nettoyer en France et les remplir à nouveau. »
En matière de « made in France », certains groupements et enseignes ont également pris les devants. C'est par exemple le cas de Pharmacie Lafayette. « Pour nos marques exclusives (700 références) nous travaillons depuis 2016 avec des entreprises de qualité, basées en Occitanie. La fabrication française est revendiquée sur tous nos packagings », note Pascal Fontaine, directeur commercial du groupe Pharmacie Lafayette.
Médicaments : optimiser les atouts de la France
Si le « made in France » s'est largement développé du côté de la parapharmacie, la perte d'autonomie stratégique de l'Europe, dont la France, en termes de fourniture de médicaments est palpable. Est-ce possible de rectifier le tir ? « Notre pays bénéficie de nombreux atouts et, notamment, de 5 grandes régions de productions : Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes, Normandie, Centre-Val de Loire et Grand Est. Il dispose aussi de la présence d'industriels internationaux ; d'entreprises françaises de taille intermédiaire, d'un tissu solide de PME et de biotechs, de nombreux sous-traitants dynamiques. La France a un fort leadership dans le domaine des vaccins et elle est bien positionnée en matière de médicaments innovants (thérapie génique et cellulaire). Malgré ces atouts, notre pays est passé, en 10 ans, du 1er au 4e rang européen, en termes de capacité de production », souligne Philippe Lamoureux, directeur général du Leem. La crise du Covid a exacerbé le besoin de relocaliser la production de médicaments en France. La population a pris conscience de la dépendance de la France vis-à-vis de l'étranger. « Aucun pays ne peut prétendre, à lui seul, à l'indépendance sanitaire pour l'ensemble de la pharmacopée. Le Leem recommande de déterminer une liste de médicaments d'intérêt sanitaire stratégique sur lesquels il faudrait centrer l'effort de relocalisation. Ces médicaments sont ceux dont la production sur le sol français est nécessaire en situation de catastrophe (guerre, embargo d'un pays sur ses exportations, épidémie…). Mais aussi, ceux dont le rôle est crucial en santé publique », précise Philippe Lamoureux.
Lutter contre les freins au « made in France »
La relocalisation industrielle nécessite une politique économique coordonnée entre les différents pays de l'Union européenne. « Il faut lutter contre les grands facteurs de perte de compétitivité de la France en allégeant la fiscalité de nos entreprises et la lourdeur réglementaire. Mais aussi, en protégeant mieux nos exportations contre la concurrence des pays à bas coûts. En termes de fiscalité, la réforme des impôts de production, annoncée par le gouvernement, est importante. Le crédit impôt recherche est aussi un atout pour les industriels. Mais, la France souffre de deux autres handicaps majeurs : l'absence de croissance du marché et des délais d'accès aux médicaments parmi les plus longs d'Europe. Sur la période 2009-2020, le marché français n'a pas crû (en prix industriel) alors que nous avons accueilli deux vagues d'innovations majeures avec les anti-PD1 et les traitements de l'hépatite C et que la population française a vieilli », déplore Philippe Lamoureux.
Pour rapatrier la production en France, la croissance du marché et des délais d'accès plus rapides aux médicaments sont indispensables. « Le dernier accord-cadre a mis en place des mécanismes destinés à accélérer l'accès au marché des médicaments et à stabiliser les prix. Désormais, une entreprise qui fabrique en France et qui exporte depuis notre pays peut obtenir des garanties de prix pouvant durer jusqu'à 6 ans. Quant aux crédits pour investissement (crédits CSIS), ils sont aussi renforcés. Il s'agit d'un premier pas pour développer le « made in France », mais les efforts devront se poursuivre dans les années à venir », conclut Philippe Lamoureux.