À Rouen

Le pharmacien du Châtelet crée un espace médical « éclaté »

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Publié le 10/07/2020
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La perspective d'un désert médical a fait réagir ce confrère d'un quartier déshérité de Rouen : son espace médical réunira près de dix professionnels de santé d'ici à novembre.
Blaise Guiakora devant son espace médical, à côté de son officine

Blaise Guiakora devant son espace médical, à côté de son officine
Crédit photo : jgravend

Comme souvent, tout est parti du départ à la retraite d'un médecin, et d'un désert médical en vue. Blaise Guiakora, titulaire dans le quartier du Châtelet à Rouen (Seine-Maritime), un quartier populaire de la cité normande, « a trouvé difficile d'être pharmacien », lui qui est installé là depuis 1996. « On me disait : « Monsieur Blaise, je veux ceci », mais comment délivrer sans ordonnance ? »

Le pharmacien du Châtelet aime se donner des objectifs, et réussir. Ici, c'est un « quartier prioritaire de la ville », c’est-à-dire « à problèmes » en matière d'emploi (50 % de chômage des jeunes), de santé, d'âges, de sécurité. Déjà lui, l'ancien basketteur, y avait créé un club de basket pour les jeunes, qui a compté cent cinquante joueurs, et vite évolué en régionale (voir « le Quotidien » du 17 juin 2010). Le confrère dit « avoir la mission » de la santé de ses patients, car il leur est reconnaissant de lui avoir donné sa chance.

Début juin, il a ouvert un espace médical, qui jouxte son officine, avec un premier médecin généraliste et une orthophoniste. « La constance est le lit de la confiance, la fidélité le lit de la pérennité », assure ce sage griot, originaire de Centrafrique. « Je suis un ancien acteur du territoire, j'ai été conseiller municipal, mais mon ambition n'est pas politique, elle est humaniste. »

Son espace médical est un ancien commerce que la commune lui a vendu : 90 m2 en rez-de-chaussée pour le cabinet d'un médecin, celui d'une orthophoniste, une salle d'accueil et une salle d'attente, auxquels s'ajoutent 110 m2 en sous-sol pour des réserves et un logement pour un remplaçant.

L'achat est intervenu en février dernier, les travaux ont eu lieu pendant le confinement, pour 60 000 euros hors achat. L'ouverture, prévue pour le 1er mai, a été reportée d'un mois, avec déjà un premier médecin, bientôt suivi de l'orthophoniste. Le médecin, un mois plus tard, travaille déjà 65 heures par semaine, reçoit quarante patients par jour, en consultation libre le matin, sur rendez-vous l'après-midi. « Doctolib désenclave notre territoire, assure le confrère. Les gens ne peuvent pas aller ailleurs, et viennent ici. »

Dans la foulée, Blaise Guiakora prépare l'ouverture, pour novembre, d'un autre espace, de l'autre côté de la place, où l'on trouvera un dentiste, un ophtalmo, trois kinés, un ostéopathe, et une balnéothérapie, un autre investissement de 350 000 euros. Tous les cabinets seront occupés.

Soins coordonnés

« C'est un vrai centre médical éclaté, et je vais y arriver, je suis un basketteur ! J'aime bien réussir, et on prépare, pour novembre, la création d'une société interprofessionnelle de soins ambulatoires (SISA), et un projet de santé, car nous visons des soins coordonnés. Les patients sont vraiment reconnaissants, ils me disent « vous faites notre fierté », car ce sont des gens à qui on refuse tout. Aujourd'hui, pour une otite, il faut aller à Charles Nicolle (au CHRU). Ma chance est d'être là depuis longtemps, la banque me suit car mon mérite est d'avoir été constant. »

« J'ai maintenant le privilège de l'âge : les gens m'appellent Tonton plutôt que Monsieur Blaise. J'ai le temps, ce que l'argent n'achète pas ».

Jacques Gravend

Source : Le Quotidien du Pharmacien