Passer au tout digital pour Tran-Nam Truong, titulaire de la Pharmacie de la Confiance, dans le onzième arrondissement parisien, c’était avant tout une décision d’ordre stratégique pour s’inscrire dans une modernité et un esprit nature.
« Je souhaitais valoriser nos spécialisations dans les domaines des produits naturels et cela dans l’esprit que l’on retrouve de plus en plus dans les enseignes, comme la cosmétologie ou la parfumerie par exemple, faire en sorte que le client ne se contente plus d’acheter des produits, mais qu’il vive une véritable expérience », explique le titulaire, qui s’exprimait lors d’un webinaire organisé par BD Rowa, le 23 juin dernier, sur le thème de la création de valeur dans la pharmacie par le digital.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le pharmacien est allé très loin dans son projet digital, de la vitrine jusqu’au back-office, il a installé tout ou presque ce qu’il est possible de trouver dans une officine digitalisée : vitrine digitalisée avec des écrans informant sur les spécialités et les services de la pharmacie, des écrans digitaux parsemés dans l’espace de vente, avec la possibilité de s’informer sur les caractéristiques des produits, également de flasher des QR Code vers des liens Yuka, un linéaire dédié aux objets connectés de santé, des linéaires digitaux également derrière les comptoirs et la digitalisation du back-office. Sans parler des liens avec la pharmacie virtuelle, son site Internet, et une application mobile qu’il a demandé à un prestataire extérieur de concevoir spécialement pour elle. Des outils digitaux faits pour accompagner le client dans sa démarche, à l’intérieur comme à l’extérieur de la pharmacie, et cela dans un espace de vente où la présentation des produits est moins concentrée, plus aérée. « Il n’y a plus de blocs de produits, nous avons voulu les espacer afin qu’on puisse mieux les voir, à l’image d’autres enseignes qui expérimentent de nouvelles façons d’exposer les produits », explique Tran-Nam Truong. « Et être en phase avec les nouveaux comportements des consommateurs. »
Comme dans « Minority Report »
Car c’est cela qu’a voulu le pharmacien, capter une nouvelle clientèle. Mais ce faisant, il a fait un choix total qui l’a engagé dans une aventure totale. « Cela implique de ne pas faire les choses à moitié », affirme-t-il. Un engagement si fort au plan humain qu’il lui a fallu quasiment changer d’équipe afin de mener à bien son projet. Il fallait des collaborateurs réceptifs, et prêts à travailler avec de nouveaux modes de fonctionnement.
Outre la formation, qui a été importante, il a fallu apprendre à partager les tâches, se répartir les rôles, assumer une vigilance sur les expériences… C’est ainsi que, par exemple, les linéaires digitaux signés BD Rowa derrière les comptoirs ont vu leur fonction évoluer : « Au début, nous affichions des linéaires de produits, comme si nous remplacions des étagères physiques, mais nous nous sommes aperçus qu’en réalité, les patients et les clients les voient moins, nous avons donc choisi d’illustrer nos compétences en évoquant deux ou trois thèmes que nous changeons tous les mois. » Et même inventer. Le titulaire s’est certes adjoint les services d’une consultante spécialisée, mais il a fallu aussi faire preuve d’imagination, c’est ainsi qu’a été conçu le projet de digitalisation du back-office, tout petit, trop petit. L’officine s’est ainsi équipée d’un écran tactile de grande taille, Speechi, « que je suis allé chercher dans les écoles » raconte Tran-Nam Truong. « Et avec un logiciel de gestion de projet, Trello, gratuit de surcroît, nous pouvons tout gérer et planifier sur cet écran, un peu comme dans « Minority Report ». Nous l’utilisons même pour faire des téléconférences. »
Capter une nouvelle clientèle
Innovant, ce projet du tout digital l’est assurément. Mais est-il rentable ? « Cela a impliqué de lourds investissements qui n’ont pas encore été rentabilisés, explique Tran-Nam Truong ; les différentes crises vécues à Paris, gilets jaunes, grèves des transports et puis le Covid, pèsent aussi sur le chiffre d’affaires, mais nous avons réussi l’essentiel, capter une nouvelle clientèle, qui vient parfois de loin. Le panier moyen a augmenté de plus de 30 %, nous sommes donc confiants pour l’avenir. »