Il aura suffi de deux mois et demi, de toute la conviction de 78 titulaires du réseau Totum et du soutien de médecins et de pharmaciens hospitaliers pour obtenir ce résultat étonnant : à l’issue de l’enquête Obvie PMB lancée par le groupement, le taux de pénétration de l’énoxaparine biosimilaire a été multiplié par 8. De 4,8 % avant octobre 2019, il a grimpé à 37 % fin décembre. Si ce n’était l’abrogation de l’article L.5125-23-3 autorisant les pharmaciens à la substitution des médicaments biosimilaires (1), le taux de pénétration serait aujourd’hui de 60 %, estime Mehdi Djilani, président de Totum.
Qu’à cela ne tienne, les adhérents du groupement Totum, qui se qualifient eux-mêmes de « pharmaciens militants », refusent de jeter l’éponge. Et dans la perspective d’un – potentiel — retour du droit à la substitution biosimilaires, le groupement dispose d'ores et déjà des outils pour accompagner les pharmaciens, les équipes officinales et les patients. Car le mérite de l’enquête Obvie PMB a été de démontrer que la profession avait toutes les capacités pour développer la substitution biosimilaires à l’officine. Cette enquête, qui fera prochainement l’objet d’une publication scientifique, a également permis de déterminer l’impact de l’information du patient par le pharmacien dans l’adhésion au biosimilaire.
Pédagogie
Pour atteindre cet objectif, le groupement s’est entouré d’un comité scientifique composé, entre autres, de médecins et de pharmaciens hospitaliers (2) qui s’est attaché à construire des outils de bonnes pratiques officinales de dispensation de l’énoxaparine biosimilaire. Un module d’e-learning a ainsi été conçu en coopération avec l’OMéDIT des Hauts-de-France. Parallèlement, un site Internet de référence, AcThera, a été réalisé en partenariat avec le service d’immunologie de la faculté de pharmacie de Lille. Il met à disposition un guide des anticorps monoclonaux (AcM) à usage thérapeutique sous forme de cartes heuristiques interactives.
En outre, pour faciliter la dispensation de ces biosimilaires au comptoir face au client, un outil pratique est en cours de conception. Il s’agit du site « biomedicaments.lelabtotum.fr » qui sera mis en service d’ici à la fin de l’année. Accessible à toute la profession, cette plateforme permettra de rechercher le biosimilaire à partir du biomédicament, ses indications et de télécharger des fiches PDF à destination des patients et des infirmiers sur les systèmes d’injection. Mehdi Djilani insiste particulièrement sur ce dernier point, autre élément essentiel dans l’adhésion des patients aux biosimilaires.
Des marges de progression
Alors qu’ils s’étaient jusqu’à présent limités, pour les besoins de l’enquête Obvie, à l’énoxaparine qui représente 50 % des unités dispensées en ville (bioréférents et biosimilaires) (3), les pharmaciens de Totum vont étendre leurs champs d’investigation. Car les biosimilaires, encore méconnus de nombreux médecins de ville et d’officinaux, requièrent une mise à niveau des connaissances. « Il y a une nécessité impérieuse de formation pluriprofessionnelle », martèle Sébastien de Larminat, directeur général de Totum. La marge de progression de la substitution biosimilaires en ville, pourvu qu’elle soit à nouveau autorisée, est en effet importante. « On a assisté entre juillet 2017 et juillet 2020 à une multiplication vertigineuse des biosimilaires en ville. Le poids des biosimilaires dans les biothérapies en ville est ainsi passé de 4 % en juillet 2017 à 25 % en mai dernier », relève David Syr, directeur général adjoint du GERS. Il ajoute que les médicaments « représentent en ville 0,1 % du nombre des unités communes de dispensation mais 6,3 % du chiffre d'affaires, prix fabricant (cumul mobile annuel juillet 2020) ».
Cependant, l'évolution du marché en ville reste bien insuffisante pour espérer atteindre le taux de pénétration de 80 % des biosimilaires sur leur marché de référence en 2022, objectif fixé par le gouvernement dans le cadre de la Stratégie nationale de santé 2018-2022. À moins de réviser en profondeur le cadre actuel du biomédicament et surtout de restituer aux pharmaciens leur droit de substitution biosimilaire.
(1) Faisant suite à un rapport de l'ANSM, cette décision figure à la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2020 promulguée le 27 décembre 2019.
(2) Dont le Pr René-Marc Flipo, rhumatologue au CHU de Lille, Pr Serge Perrot, rhumatologue au CHU Cochin, Dr Chloé Rousselière, pharmacienne clinicienne au CHU de Lille et le Dr Michel Mallaret, chef du service pharmacovigilance CHU de Grenoble.
(3) Source GERS.