Un décret paru au « Journal officiel » le 26 avril, précise et complète les dispositions relatives à l'irresponsabilité pénale résultant d'un trouble mental, issues de la loi du 24 janvier 2022. Le texte évoque le cas particulier de crimes commis après l'« arrêt de traitement ». Une problématique juridique qui interroge…
Les dispositions de procédure pénale, applicables en cas d'intoxication volontaire d'une personne ayant provoqué une abolition temporaire du discernement pendant laquelle des crimes ont été commis, sont précisées par un décret paru le 26 avril. Ce texte précise et complète les dispositions relatives à l'irresponsabilité pénale résultant d'un trouble mental, issues de la loi du 24 janvier 2022 (adoptée à la suite de l'affaire dite Sarah Halimi). Cette loi a introduit dans le Code pénal de nouvelles infractions d'intoxication volontaire ayant provoqué une abolition temporaire du discernement durant laquelle un individu a commis certains crimes ou délits. Les nouvelles infractions d'intoxication volontaire, « si elles paraissent constituées », doivent en application du nouvel article 706-139-1 du code de procédure pénale (CPP), donner lieu au renvoi de la personne devant la juridiction de jugement.
Mais une notion nouvelle fait son entrée dans le débat. La notice explicative du texte réglementaire paru le 26 avril prévoit en effet qu'il doit être fait application des dispositions de l'article 706-139-1 en cas de commission des nouvelles infractions d'intoxication volontaire, et que les dispositions de l'article 706-120 « s'appliquent dans les autres cas ». Par exemple dans le cas où « le trouble mental ne résulte pas d'une intoxication volontaire de la personne constitutive de ces nouvelles infractions, mais qu'il résulte, par exemple, de l'arrêt par celle-ci d'un traitement médical ». Même si ce cas n'est pas mentionné explicitement dans le corps du texte, mais dans sa notice, il crée potentiellement un arsenal répressif sujet à débat, puisqu'il fait fi du principe selon lequel l'inobservance d'un traitement peut être en soi l'un des symptômes d'une pathologie psychiatrique…
Ainsi, pour Caroline Duparc, enseignante-chercheuse en droit privé et sciences criminelles à l'université d'Angers (Maine-et-Loire), interrogée par le site « Hospimedia », le fait pour une personne d'arrêter son traitement puis de commettre une atteinte à l'intégrité ou la vie d'autrui « ne peut pas être analysé comme une intoxication volontaire au sens des nouveaux textes puisque, par hypothèse, il n'y a pas eu de consommation ayant entraîné un trouble mental sous l'empire duquel l'atteinte a été commise ». Pour autant, poursuit-elle, dès lors que « l'abolition temporaire du discernement résulte néanmoins de son fait (arrêt du traitement médical), et s'il existe au moins une expertise concluant à l'altération de son discernement, le juge d'instruction ordonnera le renvoi de l'intéressé devant la juridiction de jugement compétente », selon la procédure expliquée dans le décret.
La question fait aussi débat pour Yann Bisiou, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles à l'université de Montpellier (Hérault), qui déclare à « Hospimedia », que le gouvernement « fait une interprétation extensive de la loi » en considérant que les nouvelles règles d'irresponsabilité pénale s'appliquent à toute situation où l'abolition du discernement résulte, au moins partiellement, du fait de l'auteur du crime quel que soit ce fait… notamment par exemple, l'arrêt de son traitement.