Emmanuel Macron feint, depuis le 27 juin, de ne pas être personnellement affecté par l'incapacité de la REM à s'implanter au moins dans une partie du territoire. L'abstention ayant profité aux sortants, les régionales en deviennent méprisables et ne sauraient rebattre les cartes de la présidentielle. Pourtant, la REM avait envoyé pas moins de cinq ministres dans les Hauts-de-France pour battre Xavier Bertrand. Le président de la République, de toute évidence, craignait ce nouveau challenger. Il a perdu, donc il minimise ce résultat mauvais pour lui.
Mauvais parce que M. Bertrand, dont la cote de popularité s'établit dans les intentions de vote à 18 % peut encore progresser et franchir le cap du premier tour. Or le président réélu de la région Hauts-de-France, ne serait pas battu par M. Macron aussi facilement que si Marine Le Pen reproduisait son exploit de 2017. Le seul fait qu'il puisse y avoir un changement de personne et de parti au second tour révèle une soudaine fragilité du président sortant. Bon, son rôle n'est ni de se plaindre, ni de montrer sa vulnérabilité, ni d'ignorer le défi posé par M. Bertrand. D'ailleurs, le chef de l'État a pour lui quelques atouts puissants, à commencer par une cote de popularité que n'avaient pas ses prédécesseurs, Nicolas Sarkozy et François Hollande.
On ne boudera pas son plaisir : le Rassemblement national essuie une défaite inattendue et violente. L'abstention a touché le RN autant que la REM. La candidature probable d'Éric Zemmour est largement analysée comme un coup porté à la droite classique, mais il est plus logique de dire qu'il va prendre des suffrages à Marine Le Pen, après avoir été son allié le plus dévoué. Ainsi va la vie politique : on n'est jamais trahi que par les siens.
L'autre atout du président, c'est que l'affaiblissement de son camp lui est utile. Il entend aller à la bataille sans troupes et avec son bilan, ou plutôt avec la personnalité téméraire qui le caractérise et qui lui a apporté la victoire en 2017 sur un plateau d'argent. Comment expliquer qu'Emmanuel Macron, tellement vilipendé pendant son mandat, accablé de critiques, bouc émissaire de tous les mécontentements, épouvantail politique, caracole sur une courbe d'intentions de vote qui va jusqu'à 50 % ? Par le fait qu'il agace mais que le peuple, d'une certaine manière, lui pardonne ses frasques. Les Français ne sont pas systématiquement hostiles aux réformes mais ils les voudraient taillées selon les mesures de chacun, ce qui, bien entendu, est impossible.
Un personnage stendhalien
Enfin, contrairement à ce que semblent dire les régionales, LR reste très divisé, ne serait-ce que parce qu'il va avoir beaucoup de candidats à départager. Il n'y aura aucun survivant, sauf si François Baroin se décide à entrer dans la mêlée. Cependant, plus il tarde à se déclarer, moins M. Baroin sera crédible. On lui reprochera de se forcer, de ne pas avoir envie. Or, pour gagner, il faut avoir la niaque. Le succès de LR aux régionales n'a pas mis un terme au vif conflit de tendances qu'a révélé une crise entre ceux qui condamnaient l'alliance de Renaud Muselier en Paca avec la REM et ceux qui veulent pactiser avec Thierry Mariani, même s'il a largement perdu.
Macron est un personnage stendhalien qui, comme Fabrice del Dongo, se jette dans la mêlée, prend des coups, en donne et puis se retire du champ de bataille meurtri et blessé, mais heureux d'avoir combattu. Quand la poussière sera retombée, le président y verra plus clair. Ce qui ne veut pas dire que l'équation ne sera pas plus compliquée. Mais il existe un autre facteur avec lequel il faut compter : Marine Le Pen a perdu une bataille, pas la guerre. Elle peut revenir en force aux présidentielles, Selon quelques sondages publiés après les élections régionales, elle est encore capable de se qualifier pour le second tour. Xavier Bertrand ne le serait pas. Et le match politique que les Français rejettent de toutes leurs forces se produirait quand même.