LE BIO et le naturel représentent aujourd’hui 2 à 3 % du chiffre d’affaires de la cosmétique et moins de 1 % de l’activité officinale*. Il s’agit des produits certifiés bio ou revendiquant une composition principalement issue de la nature. « Tout le monde peut se targuer de faire du naturel. L’avantage de la certification Ecocert est d’assurer que le produit labélisé répond bien à un certain nombre de contraintes. Kibio va au-delà puisqu’un produit doit contenir au moins 10 % de bio pour être certifié, les nôtres en contiennent entre 80 et 95 % », explique Pierre Cabane, P-DG fondateur de Kibio.
Ecocert n’est le seul organisme de certification. En sus du label AB (agriculture biologique), le plus ancien est celui de la cosmétique naturelle, l’allemand BDIH. Le plus récent intègre un versant équitable : ESR ou Équitable, Solidaire, Responsable. L’une des dernières sociétés à l’avoir obtenu n’est autre que la jeune Ethis, éclose en 2005, qui a lancé la marque Thémis en répondant à un triple engagement. Respecter les principes du commerce équitables, respecter l’environnement, apporter les plus grandes garanties de sécurité au consommateur. Jusqu’alors contrôlée par FLO-cert, elle était autorisée à apposer le label Max Havelaar sur ses produits.
Difficile de s’y retrouver face à tous ces labels. C’est là que le rôle de l’officinal est essentiel. « Je fais mon choix en fonction des ingrédients contenus dans chaque produit, indique Caroline N’Guyen-Neyraud, titulaire de la pharmacie Mai à Bagneux (Hauts-de-Seine). Je me suis installée il y a 12 ans et mon prédécesseur proposait déjà des produits Cattier. J’ai continué et proposé des déodorants à la pierre d’alun, des produits de l’Occitane. Depuis quatre ans je sélectionne rigoureusement des gammes bio qui remplacent des gammes classiques : Melvita, Naturelle d’Argan, Thémis, BcomBio et les produits naturels Weleda pour la gamme bébé. Cette pharmacie a toujours proposé de la phytothérapie, de l’homéopathie et nous avons une herboristerie ; ma clientèle est ouverte à ces alternatives. »
Passage au vert.
L’objectif de la titulaire : ne proposer que du bio ou du naturel en cosmétique, mais aussi en nutrition puisqu’elle choisit avec attention les compléments alimentaires proposés dans son officine. Cet engagement s’arrête néanmoins à la porte du médicament. « Je peux conseiller de la propolis pour les maux de gorge et remplacer la vitamine C chimique par des pastilles à l’acérola, mais je ne remplace pas des gammes de médicaments par des alternatives naturelles, les deux coexistent dans mon officine. D’autant que le prix peut être dissuasif et il est évident qu’on ne peut tout substituer. »
Revendiquant son positionnement de pharmacie indépendante et de proximité, l’officinale délivre exclusivement des sacs en amikdon et rêve désormais de s’attaquer à la décoration avec des matériaux respectueux de l’environnement pour créer une ambiance bio.
À Vedène (Vaucluse), la Pharmacie Magistrale de Cyril et Sophie Tainturier, est bien passée au vert. Des projets au long cours se font jour. « Mon but à terme est de construire ma pharmacie en l’orientant en fonction du soleil, avec des matériaux écologiques sans émission de gaz à effet de serre, etc. » Installé depuis trois ans, le couple Tainturier a su se différencier. La preuve : une cliente parcourt régulièrement 150 km pour bénéficier de ses offres uniques en plantes et autres produits naturels ou bio, sans oublier son conseil. « J’ai remplacé certaines gammes traditionnelles par d’autres, plus naturelles. C’est un choix personnel que j’applique aussi dans ma famille. Sur les produits de parapharmacie, la moitié sont naturels ou bio. De plus, nous sommes spécialisés dans les préparations magistrales, nous avons plus de 250 références de plantes en stock et nous travaillons pour 200 officines qui n’ont plus d’activité préparatoire. »
Une officine intéressante pour Kibio qui sélectionne avec précaution ses points de vente. « Nous ne sommes pas des ayatollahs du bio, nous ne rejetons pas la cosmétique traditionnelle, qui représente 97 % de la cosmétique globale, mais nous recherchons une officine avec une réelle appétence pour les produits naturels. Nous demandons un minimum d’espace afin que le référencement soit visible pour le client, ainsi que pour pouvoir faire des animations et des formations », précise Pierre Cabane. La philosophie de Kibio ? Une offre de cosmétiques pour prendre soin de soi de manière naturelle, efficace et globale, tout en respectant l’environnement, l’individu et la peau. « Pour prouver au consommateur que nos produits sont naturels et sans concession, nous avons passé la certification bio avec Ecocert. » Une démarche payante puisque le chiffre d’affaires de Kibio est exponentiel : 130 000 euros en 2006, 1,8 million en 2007, 5 millions en 2008. « Nous continuerons sur notre lancée en 2009 », s’engage le P-DG. À n’en pas douter puisque la marque vient de lancer une gamme consacrée au bébé et annonce des nouveautés pour les peaux matures en fin d’année.
Pionniers.
« Je reste persuadé que le bio va représenter 30 % de la cosmétique à terme. Les gens remettent en cause certaines pratiques de consommation, ils vont consommer mieux, faire attention à ce qu’ils utilisent. » Pierre Cabane est confiant car depuis fin 2007, Kibio est adossé au groupe Clarins, qui a pris une participation de 10 % dans sa société. Cet accord comprend une option de prise de participation à 60 % en 2009. « Clarins va sans doute appliquer l’option. Pour nous c’est un apport financier et d’expertise R & D important. Pour Clarins, qui a toujours utilisé les plantes, c’est une façon d’aller plus loin avec une marque utilisant exclusivement des végétaux, sans avoir à tout créer. » La marque est notamment disponible en pharmacie et parapharmacie, mais pas dans les magasins bio. « Nous ne voulons pas réserver Kibio à un public d’experts. »
Melvita fait partie des pionniers. Né en 1982 sous la forme d’une exploitation apicole, le groupe s’est peu à peu orienté vers la cosmétique naturelle. « La nature est au cœur de notre philosophie et de nos formules, dont on a progressivement retiré tout ce qui était chimique. Notre charte Melvita des années 1990 indiquait déjà que nous n’utilisions ni silicone, ni paraben, ni produits dérivés du pétrole. Quand le bio s’est développé, nous avons participé à l’élaboration de la charte Cosmebio », rappelle Amanda Gérentes, responsable communication et développement de gamme Bio-excellence.
Aujourd’hui, Melvita est la plus grosse entité française de cosmétiques bio, avec 350 références couvrant tous les segments, de l’hygiène aux soins, en passant par les dentifrices, le solaire, etc. Jusqu’alors distribué en magasins bio, Melvita a vu la demande des pharmacies et parapharmacies exploser. « Pour éviter la concurrence des deux circuits sur nos produits, nous avons créé une gamme courte spécifique pour l’officine et la para en avril dernier : Bio-excellence, 16 produits contenant des actifs de fruits et de plantes », indique Amanda Gérentes.
Tout comme Kibio s’est rapproché de Clarins, mais aussi Sanoflore de L’Oréal ou Terre d’Oc et Fytosan d’Yves Rocher, Melvita est désormais adossé à L’Occitane. « Nous voulions un développement à l’international. Or, L’Occitane fait 85 % de son chiffre d’affaires à l’export. Son réseau va nous être utile et le groupe nous laisse notre indépendance », remarque Amanda Gérentes.
Un nouveau souffle.
L’entreprise est toujours implantée en pleine nature dans l’Ardèche, où elle a mis en place un système de traitement de ses eaux usées et de lavage, qui sont dégraissées puis réparties dans une plantation de saules finlandais à croissance rapide dont le bois peut produire de la pâte à papier. Un ensemble de panneaux solaires assure le chauffage de l’eau de production du site. Melvita s’engage à ce que ses matières premières proviennent de récolte ou de cueillette sans impact sur l’environnement, à effectuer des replantations si besoin, à écarter les variétés en voie de disparition et à promouvoir un commerce équitable avec les pays du sud. Comme toutes les marques certifiées par Ecocert et adhérente de Cosmebio, elle ne teste aucun de ses produits sur animaux et a engagé une démarche auprès de ses fournisseurs afin de sélectionner des matières premières non testées sur animaux.
C’est aussi le cas du laboratoire Sicobel, qui développe la gamme BcomBio. « Dès que j’ai racheté Sicobel, j’ai fait évoluer la gamme Placentor vers plus de naturalité mais une douzaine d’années en arrière, je n’arrivais pas à valoriser ce travail. Est né un petit groupe de travail avec des laboratoires rencontrant les mêmes difficultés », se souvient Nicolas Fouchère, président du groupe. Il fallait se différencier en prônant l’utilisation d’ingrédients issus de l’agriculture biologique dans la fabrication des cosmétiques et inventer un concept avec des règles qui composeraient un cahier des charges, base d’une certification agréée par les ministères de l’Industrie et de l’Agriculture. La certification Ecocert a permis aux premiers produits bio d’arriver en officine en 2003. « Il existait déjà des produits bio comme les huiles essentielles certifiées AB et quelques cosmétiques simples telles l’huile de massage, mais la certification était faite par un label privé. »
Les exigences de Sicobel : faire aussi bien, sinon mieux que la cosmétique traditionnelle. La gamme BcomBio était née. Elle compte une trentaine de références et vient de s’agrandir avec les bourgeons de BcomBio Homme et de BébécomBio.
« Nous sommes leader en pharmacie et parapharmacie avec Sanoflore. Depuis 2005, notre chiffre d’affaires augmente de 40 à 45 % par an et nous sommes présents dans 1 200 à 1 500 officines. Il ne faut pas que la pharmacie passe à côté du bio, c’est un vrai marché. Les clients sont peut-être déjà acheteurs de bio mais ils ne trouvent pas d’offres dans leur pharmacie habituelle. La biocosmétique peut apporter un souffle nouveau à l’officine. »
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