Contrairement à toute attente, la chirurgie bariatrique ne représente pas seulement un enjeu pour l’hôpital, mais aussi pour la pharmacie de ville. En effet, les personnes obèses doivent prendre plusieurs médicaments après l’opération, notamment afin d’éviter de nombreuses carences. Or l’observance est souvent mauvaise dans cette population. Le pharmacien est donc un interlocuteur privilégié pour aider à l’améliorer.
« En revanche, il est indispensable d’avoir des connaissances de base afin de capter la confiance de son patient et de pouvoir répondre à ses questions », évoque Maud Mingeau, pharmacienne à Pouilly-sur-Loire (Nièvre), lors d’une conférence durant le salon PharmagoraPlus.
« Notamment, après l’opération, une question revient fréquemment : comment faire pour avaler des comprimés ou gélules, surtout s’ils sont gros ? », évoque Marie-Hélène Gauthey, directrice associée Atoophram, qui a elle même subi une chirurgie bariatrique l’année dernière. Toute simplement, on peut conseiller de couper les comprimés volumineux ou de les diluer dans de l’eau si cela est possible, ou encore pour les gélules, de les ouvrir et d’en diluer le contenu dans de l’eau.
Prescriptions post-chirurgie
Les prescriptions postopératoires sont de plusieurs types. Tout d’abord, le médecin prescrit une supplémentation vitaminique afin d’éviter les carences. « La supplémentation sera systématique après chirurgie bariatrique entraînant une malabsorption (by-pass gastrique) : on donnera des multivitamines (qui seront à la charge financière du patient), des oligoéléments, du fer, du calcium et de la vitamine D, de la vitamine B12, et cette supplémentation sera à prendre durant toute la vie. En revanche, dans le cas des chirurgies restrictives pures (anneau et sleeve gastrectomy), la supplémentation sera discutée au cas par cas en fonction du bilan sanguin et sera surtout à préconiser durant la phase d’amaigrissement rapide (première année après l’opération), le risque de carence étant plus grand durant cette période », évoque le Dr Vianney Roger (chirurgien viscéral et digestif, clinique Mathilde, Rouen).
Ensuite, bon nombre de patients ont également une prescription d’acide ursodésoxycholique (Ursolvan, Cholurso, Delursan, etc.), car il existe un risque de lithiase biliaire. « Si le patient n’a pas subi une cholécystectomie prophylactique, un apport d’acide ursodésoxycholique est proposé pendant les 6 premiers mois suivant la chirurgie », rapporte le Dr Roger. Si ce traitement est bien suivi, le risque de lithiase passe de 32 % à 2 %.
De plus, on prescrit souvent un IPP pour un mois, surtout dans les opérations de sleeve gastrectomy, qui sont plus fréquemment associées à un reflux. La prescription sera éventuellement renouvelée à l’issue de la visite un mois après l’opération. Par ailleurs, chez les femmes, le risque de carence en vitamine B9 est réel. « C’est pourquoi on recommande une supplémentation en folates et on conseille d’éviter une grossesse dans l’année qui suit l’intervention, afin de limiter le risque malformatif fœtal (spina bifida) », souligne le chirurgien.
Enfin, si la personne suivait d’autres traitements avant l’opération (hypertension, diabète, maladies auto-immunes, épilepsie, asthme…), il lui faudra se rapprocher de son médecin car les dosages de certains d’entre eux devront être réadaptés.
Une automédication sous contrôle
Le pharmacien est également le bon interlocuteur pour gérer l’automédication. La prise d’aspirine ou d’AINS est déconseillée, ou sinon ces traitements seront à associer à la prise d’un IPP. Dans tous les cas, les médicaments effervescents sont déconseillés et les formes liquides sont à privilégier.
En cas de constipation, trouble fréquemment rapporté, le pharmacien peut conseiller un laxatif doux. En cas de diarrhée (retrouvées, certes rarement, lors de by-pass), il faudra référer au spécialiste et, dans l’attente du rendez-vous, la prise de lopéramide peut être conseillée.
Si le patient se plaint de nausées et de vomissements, il n’est pas utile de conseiller un antinauséeux. « En effet, il ne s’agit pas de vomissement mais de régurgitations alimentaires, qui surviennent car les patients ont mangé trop vite ou pris un bol alimentaire trop important. Ce sera donc par des conseils hygiéno-diététiques que ces symptômes régresseront : manger plus lentement, des portions plus petites, ne pas boire en mangeant, mais avant ou après le repas (ne pas mettre de verre à table) », évoque le Dr Vianney Roger. Enfin, la chirurgie bariatrique et un amaigrissement rapide ont des conséquences sur la peau, et le pharmacien sera à même de conseiller des produits adaptés.
Un entretien pharmaceutique à instaurer
Par ailleurs, les patients doivent respecter des règles hygiéno-diététiques très strictes sans lesquelles la perte de poids post-chirurgicale ne pourra être pérenne. Le pharmacien ne manquera pas de les lui rappeler : manger de petites quantités, éviter les produits sucrés et gras, les fritures, les boissons gazeuses (qui peuvent aggraver un reflux). « Il y a beaucoup d’échecs, essentiellement liés à une mauvaise observance de ces consignes », relate le Dr Roger.
Le pharmacien a donc pour rôle de s’assurer de la bonne observance des règles de vie comme des traitements, et d’assurer un haut niveau de service. « En tant que pharmacien, il ne faut pas hésiter à prendre rendez-vous avec son patient pour un entretien hors du comptoir et pour établir un vrai suivi. Le pharmacien s’assurera des conséquences de la perte de poids sur le transit, la qualité du sommeil, la fatigue, la perte de cheveux, l’état cutané et l’état psychologique (acceptation de sa nouvelle image, conséquences sur la vie maritale et sociale) et, en cas de problème, en référera au professionnel de santé qui suit le patient (chirurgien, diététicien…). C’est une belle occasion de s’inscrire dans le réseau d’interprofessionnalité », souligne Maud Mingeau.
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