EN AVRIL 2004, l’AFSSA reconnaissait l’action de la cranberry sur la fréquence des infections urinaires, à condition d’être dosée à 36 mg de proanthocyanidines (PAC) en prise quotidienne. Dès lors, nombre de laboratoires ont investi la sphère génito-urinaire en lançant des produits formulés à base de cranberry, donnant ainsi naissance au marché des compléments alimentaires voués aux troubles du système urinaire.
Un fabricant, le laboratoire Pharmatoka, est à l’origine de la démarche de l’AFSSA : « C’est à notre demande que l’Agence s’est penchée sur l’efficacité de la cranberry en matière d’infections génito-urinaires », rapporte Johann Gigon, responsable commercial France chez Pharmatoka. L’organisme sanitaire s’est alors attaché à évaluer la quantité de principe actif de la cranberry nécessaire pour agir sur l’appareil urinaire. Pour cela, il s’est basé sur la méthode de dosage DMAC (Dimethyl-Amino-Cynnamaldéhyde) utilisée par un des plus grands exploitants de cranberry au niveau mondial, la coopérative Ocean Spray. Les études cliniques ont été réalisées à partir d’un équivalent de 300 ml de jus de cranberry consommés par jour. C’est ainsi que l’AFSSA a pu évaluer la dose de principe actif de la cranberry à 36 mg de proanthocyanidines en prise quotidienne. « Mais elle a pu le faire uniquement grâce à la méthode DMAC. Or, celle-ci n’était pas encore standardisée, si bien que de nombreux laboratoires ont dosé leurs produits selon leurs propres méthodes d’évaluation du principe actif. Les résultats ainsi obtenus sont non comparables, ce qui induit de sérieux sous-dosages et, par conséquent, une grande variabilité dans l’efficacité des produits commercialisés. »
Question de méthode.
Pharmatoka, pour sa part, revendique la méthode DMAC pour le dosage à 36 mg de PAC de son complément alimentaire Urell. Formulé à base de cranberry issu de l’espèce américaine vaccinium macrocarpon (en opposition à l’espèce européenne vaccinium oxycoccus), celui-ci entend lutter contre les récidives d’infection urinaire. Le laboratoire souhaite que la méthode soit standardisée par l’AFSSA afin qu’elle serve de référentiel à tous les produits présents sur le marché. « Certaines formules contiennent en fait 6 à 10 fois moins de principe actif que ce qui est annoncé sur l’emballage ! Et la cranberry est une plante dont l’exploitation est très coûteuse », dénonce Johann Gigon. À l’heure actuelle, il existe quatre méthodes d’évaluation principales : DMAC, Bate Smith, une adaptation de Ph. Européenne de la baie de Sureau, et une méthode HPLC.
Arkopharma, leader du marché des troubles génito-urinaires, a tenté de mesurer la teneur en PAC de son produit phare, Cys-Control, en utilisant ces quatre méthodes. « Toutes ne donnent pas le même résultat, avec des variations qui peuvent être très importantes, rapporte Jocelyn Petit, chef de produits chez Arkopharma. Aujourd'hui la méthode la plus restrictive est la méthode DMAC. Elle utilise le réactif du même nom, Dimethyl-Amino-Cynnamaldéhyde, qui permet la révélation exclusive des proanthocyanidines et non de tous les anthocyanes qui n'ont pas d'efficacité scientifiquement prouvée dans les gênes urinaires, mais qui peuvent majorer la teneur analysée. » Arkopharma propose trois références visant le système génito-urinaire : le complément alimentaire Cys-Control (sachet, gélule et comprimé effervescent) et deux produits de phytothérapie, les gélules Cranberryne et une association de plantes présentées en ampoules du nom de Arkofluide Confort Urinaire.
En matière de méthodologie, d’autres vont plus loin en considérant que la méthode DMAC, trop restrictive, pourrait être secondée par un système d’évaluation plus large des principes actifs de la cranberry (voir l’encadré « Conseils d’expert »). Une idée que CCD a concrétisée en formulant son complément alimentaire Gyndelta à partir de la baie entière de cranberry. Le laboratoire table ainsi sur l’existence d’autres substances actives que les PAC qu’elle a tout de même dosés à 40 mg dans la composition de Gyndelta.
Tout un marché.
Quelle que soit la méthode de mesure utilisée, l’argument du dosage à 36 mg de PAC a permis à tout un marché de se constituer. Le segment des troubles du système urinaire occupe 98 % de son marché de référence, la sphère génito-urinaire, celle-ci couvrant également la dysfonction érectile. Il est constitué pour l’essentiel de compléments alimentaires à base de cranberry, luttant contre l’adhésion des germes à la paroi vésicale, et d’extraits de plantes à l’action anitbactérienne et diurétique, comme la busserole et la bruyère, issus de la phytothérapie. Préconisés en prévention des cystites récidivantes, ils connaissent un succès croissant depuis quelques années : une progression autour de 40 % en volume et en valeur, de 2006 à 2007, et une hausse d’environ 20 % de 2007 à 2008 en unités de vente comme en chiffre d’affaires. Il faut dire qu’une femme sur deux connaît un épisode d’infection urinaire au moins une fois dans sa vie. « 10 % à 20 % des femmes auront plus d’une cystite par an, indique Pierre Bruel, directeur médical chez Plantes&Médecines. Dans ce contexte, la récidive se traduit par un nouvel épisode infectieux dans un délai de moins de trois mois, soit plus de quatre épisodes par an. Essentiellement féminine, la cystite est due à la proximité des sphères urologiques, génitales et digestives mais aussi à la longueur de l’urètre qui, chez la femme, est 5 fois plus court que chez l’homme, facilitant ainsi les possibilités de colonisation bactérienne. »
La demande soutenue, notamment en matière de prévention, a nourri l’offre du marché qui, rapidement, est devenue très large : Plantes & Médecines avancent deux solutions de prévention des troubles urinaires. Le complément alimentaire Urisanol est dosé à 36 mg de PAC (type A) et se présente sous forme de sachet à diluer dans l’eau ; la gamme de phytothérapie Elusanes abrite deux plantes complémentaires conditionnées en gélules, la busserole à l’action antiseptique et la bruyère aux vertus assainissantes et diurétiques. Physcience décline la cranberry sous deux formes mais un seul nom, Cystiregul (36 mg de PAC) : en poudre à diluer, elle est associée à la bruyère antiseptique et la vitamine C qui freine la prolifération bactérienne ; en gélules, elle convient mieux à une prise ambulatoire. L’extrait de cranberry est associé à un complexe de plantes à l’action apaisante, diurétique et antiseptique dans la formule Cystinat du laboratoire Les 3 Chênes, et aux probiotiques dans la composition de Léro Gynélis (36 mg de PAC) du laboratoire éponyme, visant aussi les infections vaginales. Le confort urinaire est confié à une association de cranberry (36 mg de PAC) et d’hibiscus dans la formule du même nom de la gamme 100 % bio Forté Bio (Forté Pharma), un duo que l’on retrouve dans la formule d’Acygil (Médiflor) additionné de pissenlit. Sevene Pharma, pour sa part, vise à faciliter les fonctions d’élimination urinaire grâce à Urodren, médicament homéopathique issu de plantes certifiées biologiques.
LRN consacre deux références aux troubles urinaires, Uriform dosé à 40 mg de PAC (type A) destiné aux femmes et Prostaform qui vise le confort du système urinaire masculin (prostate comprise) aux moyens de comprimés jour et nuit. La sphère masculine mobilise également Arkopharma (Arkogélule d’huile de pépins de courge), Plantes & Médecines (Elusanes huile de pépins de courge), Nutrisanté (Prostabiol) et Pileje (Androbiane).
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