DEPUIS quelques années, la captation d’ordonnances ne se limite plus aux médecins hospitaliers. Elle se dirige désormais vers les infirmiers, en s’appuyant sur leur droit de prescription. À l’instar du jeune réseau Suite de Soins, dont l’ambition est de « devenir le room service des infirmiers libéraux et faciliter la prescription infirmière ». Lancé en 2012 avec l’ouverture d’une agence pilote à Lyon (Rhône-Alpes), Suite de Soins dispose désormais d’une dizaine de franchises en PACA, Picardie, Alsace, Nord-Pas-de-Calais, Midi-Pyrénées, etc. « Ce réseau propose aux infirmiers de livrer des pansements au domicile des patients, leur offre des cadeaux et des formations, mais cela se fait sans la volonté du patient. Rappelons que toute ordonnance devient immédiatement la propriété du patient dès que son nom y est indiqué, le prescripteur n’a plus aucun droit dessus, pas même de la faxer à un prestataire… Le patient doit pouvoir décider auprès de qui il souhaite obtenir sa dispensation », explique Pierre Kreit, président de l’URPS Champagne-Ardenne et président du syndicat des pharmaciens de la Marne. Alerté par plusieurs confrères qui ont vu certaines ordonnances habituelles disparaître, il a interrogé des infirmières qui ont confirmé avoir été démarchées par le réseau Suite de Soins. Un détournement de patientèle qui met le pharmacien hors de lui : « Et pendant ce temps on retrouve certains prestataires de santé cotés en Bourse, avec l’argent public ! Les pharmaciens ne servent qu’à faire faire des économies à la Sécurité sociale. Ces prestataires ont déjà pris tout ce qu’ils pouvaient auprès des médecins hospitaliers, maintenant ils s’attaquent aux infirmiers ».
Le dossier l’agace d’autant plus que celui concernant les détournements d’ordonnance en établissement hospitalier n’a pas encore abouti. L’ARS de Champagne-Ardenne, puis l’URPS de Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) sont montées au créneau en 2012. Ces initiatives sont restées vaines, Pierre Kreit a donc réuni toutes les plaintes sur le sujet pour les envoyer à la DGCCRF… qui a promis de s’autosaisir.
Méfiance des infirmiers.
Interrogé, le président de la Fédération nationale des infirmiers, Patrick Experton, est dubitatif face à des réseaux comme Suite de Soins. « Cela fait 35 ans que je suis infirmier libéral, et d’expérience, ce type de réseaux, sociétés, associations – le statut peut être changeant mais le but recherché est le même – est rarement irréprochable. Ces réseaux font adhérer des infirmières, en font des listes d’infirmières dites compétentes, comme si celles qui n’adhèrent pas ne l’étaient pas. Et trop souvent, on assiste à des cas de détournement de patientèle. » Prudent, Patrick Experton n’est pas accusateur, mais il se méfie. « Des adhérents nous ont interrogés sur ce réseau, nous avons travaillé sur le dossier pour souligner des points à éclaircir et qu’ils puissent poser les bonnes questions lorsqu’ils sont démarchés. » Sur le forum du site www.infirmiers.com, la question est ouvertement posée, et les avis sont plutôt opposés à ce genre d’offre. L’un des arguments revenant le plus souvent est parfaitement résumé par une infirmière internaute : « Les pharmacies avec lesquelles je travaille livrent, organisent, me demandent ce qu’il nous faudrait en matériel, délivrent le minimum en attendant que nous voyons la plaie pour adapter, etc. Le travail en réseau est déjà organisé entre tous les intervenants (…) L’une d’elles organise régulièrement des formations au travers de labos (…) Le labo vante ses produits mirifiques mais nous permet malgré tout de faire une mise à jour générale des connaissances et compétences. » C.Q.F.D.
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