LE TROD serait-il la mission de trop ? Après la vaccination, les pharmaciens se voient retirer une autre mission qui les positionnait en acteurs de santé. En juin 2013, les pharmaciens décrochaient officiellement le droit de réaliser trois tests rapides à orientation diagnostique (TROD) : le test oropharyngé pour les angines à streptocoques A, le test nasopharyngé pour la grippe et le test capillaire d’évaluation de la glycémie permettant le repérage d’un diabète ou d’une hypoglycémie. Deux mois plus tard, le syndicat national des médecins biologistes demandait au Conseil d’État d’annuler l’arrêté du 11 juin 2013 sur la base d’un vice de procédure. Et obtenaient gain de cause le 8 avril dernier. Conséquences ? Les TROD ne sont plus autorisés en officine. « Nous constatons que nous ne sommes pas sortis des corporatismes stériles qui empêchent l’évolution de notre système de santé », regrette Gérard Raymond, secrétaire général de l’Association française des diabétiques (AFD). « Les biologistes ne sortent pas grandis de cette affaire », ajoute-t-il, amer.
Mais alors que faire ? Le dispositif était pourtant prometteur. Une première étude sur l’utilisation du Streptotest a montré des résultats très encourageants dans le dépistage de l’angine en officine : 13,5 % des patients sont testés positifs, 91,7 % consultent leur médecin généraliste à la suite de ces résultats et 90 % se voient prescrire un antibiotique. 100 % des pharmaciens inclus dans l’étude souhaitaient que la pratique du Streptotest soit davantage développée à l’officine.
Respect de la légalité.
La décision du Conseil d’État coupe ainsi l’élan de l’URPS d’Île de France, l’un des fers de lance du dépistage de l’angine à l’officine. À l’été, ils seront 600 pharmaciens de la région à s’être investis dans une formation. Aussi, il n’est pas question de reculer pour Renaud Nadjahi, président de l’URPS. Car si le mot d’ordre est le respect de la légalité, il ne s’agit pas pour autant de céder sur la formation, ni sur la compétence professionnelle. « Nous allons tout simplement changer notre manière de faire. Le pharmacien ne va plus procéder à un fond de gorge mais en revanche il va continuer de réaliser le score de Mac Isaac* qui permettra une pré-orientation du patient. Il s’agit d’apporter une réponse à 90 % des patients et c’est là, la vraie révolution », martèle-t-il. De manière générale, l’URPS incite les pharmaciens à poursuivre leur action dans d’autres formes de dépistage. « Les valeurs ne seront plus biologiques mais estimatives, à l’aide de questionnaires. Et pour ce qui est du diabète, nous apprendrons au patient à s’auto-piquer », assène le président de l’URPS indiquant que l’essentiel est d’accompagner le patient dans l’identification d’une pathologie. Renaud Nadjahi ne manque cependant pas de soulever le paradoxe entre la vente croissante d’autotests, dont prochainement celui du VIH et l’interdiction adressée aux professionnels de santé de réaliser des tests. Quoi qu’il en soit, l’URPS continue d’investir dans les formations. « Nous sommes en phase d’ingénierie de formations et d’expérimentation pour de nouvelles maladies chroniques », annonce Renaud Nadjahi.
L’engagement des pharmaciens dans le dépistage des diabétiques ne date pas d’hier. Avant l’arrêté sur les TROD de juin 2013, et même avant la loi Hôpital patients santé territoires (HPST) de 2009, les officinaux étaient déjà nombreux à sensibiliser leurs patients. Chez Giropharm par exemple, l’implication remonte à plus de 10 ans. « C’est dans cette continuité que nous avons poussé à la mise en place des TROD car cela fait typiquement partie de l’élargissement des missions du pharmacien », remarque Stéphanie Corre-Le Bail, directrice santé qualité formation chez Giropharm. Bien entendu, le réseau a relayé auprès des officinaux la décision du Conseil d’État, mais constate au final peu de changement dans la pratique quotidienne. « Les pharmaciens font des campagnes de dépistage depuis 10 ans ; jusqu’en juin 2013 ils guidaient le patient pour effectuer lui-même le test, ils ont donc repris leurs méthodes d’avant arrêté. » Car au final, le plus important est de donner l’envie au pharmacien d’être proactif dans ces sujets de santé publique, de proposer les autotests et de sensibiliser sa patientèle.
L’espoir d’un nouvel arrêté.
Le discours est le même au sein du Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine (CNGPO). « Avec l’annulation de l’arrêté du 11 juin 2013, nous sommes revenus aux textes antérieurs. Le pharmacien ne peut plus effectuer le test de la glycémie mais il peut guider son patient pour qu’il l’effectue lui-même. La seule contrainte est que l’autotest doit être effectué dans un environnement domestique. Un texte européen définit l’environnement domestique comme le domicile et tout espace protégé présentant les caractères nécessaires au respect de l’individu », détaille Pascal Louis, le président. Ce qui revient à dire que les autotests peuvent être menés dans l’espace de confidentialité d’une officine. C’est en tout cas le message que fait passer le CNGPO aux pharmaciens engagés dans la campagne de dépistage des risques cardiovasculaires. Mais cela n’empêche pas Pascal Louis de craindre que l’annulation des TROD en officine, même si elle est provisoire, « ne mette un frein » aux actions de dépistage. Pour autant, il reste optimiste. Tout comme Gérard Raymond de l’AFD : « Nous n’avons pas obtenu de garantie mais nous avons demandé, avec les syndicats de pharmaciens, à la direction générale de la santé (DGS) de travailler rapidement à un nouvel arrêté pour qu’il sorte avant la semaine de prévention du diabète qui se tient du 6 au 13 juin prochain. Si ce n’est pas le cas, nous ferons davantage de bruit ».
La décision du Conseil d’État n’est donc pas considérée comme une marche arrière par les pharmaciens engagés dans la voie du dépistage à l’officine. Plutôt un stand-by en attente d’un nouvel arrêté. L’enjeu est aujourd’hui de maintenir l’intérêt des pharmaciens pendant ce délai alors que leur rôle se réduit à l’accompagnement des patients dans l’autodépistage. « Nous voulons croire que ce n’est qu’une suspension des TROD en officine, insiste Stéphanie Corre-Le Bail. Sinon cela entrerait en contradiction avec le futur projet de loi santé. Soulignons aussi que c’est un vice de forme qui a entraîné l’annulation de l’arrêté, et non un problème de fond. »
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