Le Quotidien du pharmacien.- Vous avez publiquement pris position en faveur de la substitution biosimilaire par les pharmaciens d’officine. Pour quelles raisons ?
Pascal Brière.- À l’instar de ce qui a été fait lors de la mise en œuvre des génériques, il n’y a aucune raison d’écarter le pharmacien du développement des biosimilaires. Il faut s’appuyer sur le triptyque médecin-pharmacien-patient. Les médecins hospitaliers sont favorables aux biosimilaires, nous voyons régulièrement des établissements hospitaliers faire le choix de switcher à 100 % le médicament d’origine pour le biosimilaire et cela ne pose de problème à personne. Le pharmacien est quant à lui le mieux placé pour informer le patient. Beaucoup de médecins hospitaliers reconnaissent qu’ils n’ont pas le temps d’expliquer qu’ils donnent un biosimilaire à la place du médicament d’origine. Il y a déjà beaucoup à dire sur les pathologies, les traitements, les chances de progrès, de rémission… et ils seraient assez contents que ce soit le pharmacien qui remplisse cette mission.
Finalement, ce sont les patients qu’il faut convaincre. En discutant avec eux, on se rend compte qu’ils n’y sont pas forcément opposés. Ce qu’ils veulent c’est la garantie de l’information du patient et le respect de ses éventuelles réticences, ce qui relève du bon sens. C’est pour cela que nous souhaitons une substitution non obligatoire, non liée au tiers payant, réalisée avec une information claire du patient. Et cette substitution doit faire l’objet d’un honoraire car c’est un acte pharmaceutique long d’expliquer ce qu’est un biosimilaire. Cela implique de rassurer le patient sur le fait que l’efficacité et la tolérance sont identiques entre le médicament d’origine et le biosimilaire, et de s’assurer de sa bonne compréhension, gage d’adhésion au traitement.
Biogaran défend cette position courageuse de soutenir la substitution biosimilaire par les pharmaciens d’officine et appuie la demande faite par les représentants de la profession en décembre dernier.
Biogaran est en effet le seul laboratoire de biosimilaires à afficher ce positionnement. Comment expliquez-vous votre différence ?
D’aucuns privilégient la prescription, qui tient à l’effet de synergie avec leur réseau et leur savoir-faire. D’autres privilégient le pharmacien parce qu’ils reconnaissent son rôle prégnant de spécialiste du médicament et qu’il est le moyen de développer plus rapidement les volumes. Modifier la prescription est un processus lent mais rémanent, agir sur la délivrance est un processus rapide mais plus concurrentiel. On espère que 2019 sera l’année de la clarification, on fait tout pour !
Vous affirmez que la substitution biosimilaire est déjà possible. Le décret concernant ses modalités d’application, toujours manquant à ce jour, n’est-il pas nécessaire ?
Le principe de la substitution biosimilaire par le pharmacien, à l’initiation du traitement, est inscrit dans la loi. Cela a été voté, le principe est donc validé. Chez Biogaran, nous pensons que ce décret n’est pas nécessaire. D’abord parce qu’il est indiqué que ce texte a pour objet de préciser les conditions de l’information du médecin par le pharmacien qui substitue. Or la première écriture de ce décret par le passé stipulait simplement que le pharmacien doit informer le médecin par tous les moyens à sa disposition… Aujourd’hui le DMP est en plein déploiement et donnera au pharmacien un moyen de plus pour informer le médecin. De plus, la majeure partie des conditions exigées par les textes est réunie, notamment au travers de la création de la liste de référence des groupes biologiques similaires. Pour Biogaran, le pharmacien peut donc légalement substituer en initiation de traitement, mais c’est notre position. Aussi, malgré tout, nous souhaitons lever ce flou juridique et nous militons, dans l’intérêt des économies collectives, pour la publication du décret manquant.
Le gouvernement a fixé l’objectif ambitieux d’atteindre 80 % de biosimilaires sur leur marché de référence d’ici à 2022. Les mesures mises en place sont-elles suffisantes ?
Pour arriver à ces 80 % de biosimilaires, le gouvernement met en place une incitation financière pour un certain nombre d’établissements dans le cadre des contrats d’expérimentation de l’article 51, sur les biosimilaires d’Enbrel (étanercept) et de Lantus (insuline glargine). Cela remplace les précédentes mesures dans le CAQES (contrat d’amélioration de la qualité et de l’efficience des soins) qui permettaient à l’hôpital de récupérer une incitation financière. Ce sont des incitations sur le marché de ville dont nous avons besoin. À l’hôpital, en oncologie, on voit des lancements de biosimilaires efficaces en quelques mois : en un an, 8 patients sur 10 sont sous un biosimilaire du rituximab (Mabthéra), et 6 patients sur 10 sont sous le biosimilaire du trastuzumab (Herceptin) quatre mois après son lancement. En ville, tout reste à faire : après 27 mois sur le marché, les biosimilaires de l’insuline glargine occupent seulement 16 % des parts de marché. Que va-t-il se passer pour les biosimilaires d’Humira (adalimumab) - princeps qui représente un marché de 420 millions d’euros en France - arrivant en officine ? Aller voir chaque rhumatologue demande un temps fou pour une efficacité faible, il serait tellement plus simple de s’appuyer sur l’acteur de santé dont c’est le métier. La solution passe par la substitution biosimilaire par le pharmacien.
Biogaran a lancé quatre biosimilaires en trois ans, dont un seul est disponible à l’officine. Comptez-vous continuer à investir sur le marché de ville dans la situation actuelle ?
Biogaran est devenu leader en France des biosimilaires grâce aux lancements des trois premiers anticorps monoclonaux en première position : Remsima (infliximab), Truxima (rituximab) et Herzuma (trastuzumab). Ce sont des biosimilaires typiquement hospitaliers. Seule Crusia (énoxaparine) est en ville. Nous avons d’autres biosimilaires de ville dans notre panier, mais il sera difficile d’aller au-delà des 15 % de parts de marché obtenus en quatre mois par notre énoxaparine, et cela grâce à une très forte promotion à l’hôpital et en officine, sans que le rôle du pharmacien dans la substitution des biosimilaires ne soit affirmé par l’État.
Industrie pharmaceutique
Gilead autorise des génériqueurs à fabriquer du lénacapavir
Dans le Rhône
Des pharmacies collectent pour les Restos du cœur
Substitution par le pharmacien
Biosimilaires : les patients sont prêts, mais…
D’après une enquête d’UFC-Que choisir
Huit médicaments périmés sur dix restent efficaces à 90 %