Le Quotidien du Pharmacien. - De quelle manière la responsabilité des deux laboratoires pourrait-elle être établie dans le drame de Rennes ?
Dr Marc Girard. - Sauf démonstration du contraire par le promoteur, la causalité est plus ou moins présupposée dans ce cadre précis. L’enquête pénale, quant à elle, devra établir si la loi a été respectée dans sa lettre comme dans son esprit : existait-il des prérequis de toxicologie suffisants ? Les essais ont-ils été effectués sur des animaux répondeurs ? Les délibérations du comité de protection des personnes (CPP) ont-elles été irréprochables ? Il faut également enquêter sur la véritable nature du produit (contrôle de qualité) tout comme sur les compétences du laboratoire prestataire, ainsi que sur la pression des délais qui lui ont été fixés. Malheureusement, je ne vois pas, dans notre pays, de juge disposant des connaissances suffisantes en réglementation pharmaceutique, même pas au pôle santé. En France, dès qu’on a un problème avec un médicament, on va chercher des médecins qui ne connaissent pas le développement clinique, ni la réglementation pharmaceutique. Bref, ce qu’on appelle le « technico-réglementaire ».
Quels recours les volontaires pourront-ils exercer ?
Je ne suis pas juriste, mais avec un tel cas sans précédent en France, il n’existe pas de jurisprudence. Le décès et les autres dommages physiques éventuels devraient pouvoir être indemnisés par les assureurs, comme le prévoit la loi. Quant aux volontaires indemnes, ils pourraient éventuellement prétendre à une indemnisation de leur préjudice d’angoisse. Mais je n’appelle pas de mes vœux un procès : les assurances sont faites pour réparer les dommages…
Pensez-vous que ce drame puisse modifier l’attitude des tribunaux confrontés à des affaires pharmaceutiques ?
J’avoue que je suis pessimiste sur les capacités de la justice à tirer les leçons de ce qui s’est passé à Rennes. Cela tient au système d’expertise français. Alors qu’aux États-Unis et en Grande-Bretagne chaque partie se présente avec son expert, le système français veut que les experts soient désignés par la justice et qu’ils soient « impartiaux ». Malheureusement, ce ne sont pas forcément les meilleurs…
On aboutit à des situations injustifiables que je n’ai cessé de dénoncer. Ainsi, une relaxe a été prononcée dans l’affaire de l’hormone de croissance, parce qu’aucun magistrat n’a mesuré le scandale d’un médicament dispensé d’AMM… Aux États-Unis, des laboratoires sont condamnés à des amendes pénales de plusieurs milliards de dollars : nous n’avons pas ce type de sanction dans notre pays. Certains prétendent que nous aurions une bonne législation, des principes réglementaires très stricts, mais les réalités du terrain sont tout autres. Je suis inquiet et crains qu’une nouvelle fois, cette enquête ne débouche sur rien d’utile au Bien public.
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