La prise en charge des médicaments innovants est un sujet qui préoccupe jusqu’au sommet de l’État. Dans un édito de la revue médicale britannique « The Lancet », consacré au système de soins « à la française », François Hollande se prononce en faveur d’une régulation du prix de certains nouveaux médicaments qu’il juge prohibitif.
Cette question du financement de l’innovation thérapeutique est particulièrement d’actualité à l’approche des discussions en vue de la préparation du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2017. D'autant que la ministre de la Santé a récemment décidé d'un accès universel aux traitements contre l'hépatite C.
La problématique était d'ailleurs au cœur d’un débat des Matinales de la santé* organisé la semaine dernière à la Maison de la chimie. Invité à participer à ce débat, Éric Baseilhac, directeur des affaires économiques et internationales du LEEM, mise sur des financements supplémentaires pour répondre à l'arrivée de médicaments innovants. D'autant que, pour lui, les « vieilles recettes, tels les génériques, ne vont plus fonctionner ». Et le développement des biosimilaires n’aura qu’un bénéfice relatif à ses yeux, le différentiel de prix avec la spécialité de référence étant moindre qu’entre un princeps et son générique.
En finir avec les baisses de prix
Jean-Patrick Sales, vice-président du Comité économique des produits de santé (CEPS), affirme, au contraire, que les « vieilles » recettes restent efficaces. À l’entendre, le développement des génériques, mais surtout les baisses de prix, sont donc des armes dont les pouvoirs publics pourraient encore user afin d'améliorer les comptes publics. Une perspective peu rassurante pour les pharmaciens. « Le réseau ne peut plus supporter ces baisses de prix, indiquait récemment au « Quotidien » Philippe Besset, vice-président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Jusqu’à présent, le prix de l’innovation est payé par des baisses de prix sur les médicaments anciens, qui ont plus de 10 ans de maturité, expliquait-il. Pour les pharmaciens d’officine, ce mécanisme est une catastrophe, d’autant que les produits innovants ne sont généralement pas dispensés en ville. En fait, on paye l’innovation avec notre marge. C’est insupportable. »
Denis Raynaud, directeur à l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES) croit, lui, en un autre levier, tout aussi peu apprécié des pharmaciens, celui des déremboursements. « Les médicaments au SMR relativement faible représentent 800 millions d’euros de remboursement par an pour l’assurance maladie », évalue-t-il. Mais tout le monde n’est pas convaincu des bienfaits d’une telle mesure. Les vagues de déremboursements se sont conclues par « des transferts de prescriptions vers des médicaments plus chers », rappelle ainsi la sénatrice Les Républicains de la Charente-Maritime, Corinne Imbert. De toute façon, Marisol Touraine a déjà tranché la question, affirmant à plusieurs reprises qu'il n'y aurait pas de charges nouvelles pour les patients.
Les complémentaires à la rescousse
Alors, comment faire pour prendre en charge l’innovation sans baisser les prix ni dérembourser ? « Il faut faire évoluer le financement du système et organiser le principe de paniers de soins par les organismes d’assurance privée », suggère Frédéric Bizard, économiste de la santé et enseignant à Sciences Po. « La valeur ajoutée des complémentaires, que l’on est en train de généraliser, est nulle car elles interviennent sur les mêmes paniers de soins que l’assurance maladie obligatoire », pointe de son côté Denis Raynaud. Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) partage cet avis. « Lorsqu’un patient se rend chez son pharmacien pour un rhume, il faut que le médicament qui lui est délivré dans ce cadre soit pris en charge par les complémentaires dès le premier euro, explique-t-il. Aujourd’hui, le patient doit aller à l’hôpital ou chez son médecin pour déclencher un remboursement. » La proposition du président de l’USPO est reprise par Éric Baseilhac. « Je soutiens cette idée du pharmacien de premier recours, qui en plus désengorgerait les urgences et les cabinets médicaux », explique le directeur des affaires économiques et internationales du LEEM.
Mesurer l'impact de l'innovation
Au-delà d’une nouvelle répartition dans la prise en charge entre les complémentaires et l’assurance maladie, les industriels plaident aussi pour la prise en compte de l’impact des innovations thérapeutiques sur l’organisation des soins. Par exemple, l’administration per os de chimiothérapie évite des séjours à l’hôpital, et les traitements contre l’hépatite C permettent la guérison. Certes, la mise à disposition d’un produit innovant coûte cher à la collectivité dans un premier temps, mais elle permet ensuite de dégager des économies à moyen et long terme. Le Dr Philippe Tcheng, vice-président relations gouvernementales France de sanofi, juge donc nécessaire de mettre en place des indicateurs pour mesurer cette répercussion de l’innovation tout au long du parcours de soins. « Si on va moins aux urgences, cela dégage de la valeur et du temps médical pour financer autre chose », illustre-t-il.
On le voit, l’équation permettant le financement de l’innovation tout en garantissant le même accès aux soins des Français n’est pas facile à résoudre. Si Marisol Touraine pense que cela passe par le dialogue avec les industriels, François Hollande est pour sa part persuadé que la solution du contrôle du prix du médicament n'est pas franco-française, mais internationale.
*Matinales de la santé sur l’innovation : Quel financement de l’innovation pour favoriser l’accès aux nouveaux traitements ?
Industrie pharmaceutique
Gilead autorise des génériqueurs à fabriquer du lénacapavir
Dans le Rhône
Des pharmacies collectent pour les Restos du cœur
Substitution par le pharmacien
Biosimilaires : les patients sont prêts, mais…
D’après une enquête d’UFC-Que choisir
Huit médicaments périmés sur dix restent efficaces à 90 %