Un pharmacien titulaire consacre en moyenne 5,6 heures (1) par semaine à la gestion des ruptures d’approvisionnement et de pénuries de médicaments. Une charge non négligeable dont Thomas Brunet, titulaire à l'Ile-Bouchard (Indre-et-Loire), a décidé de se soulager en créant sa propre solution, Apodis.
Elle est conçue pour s’attaquer aux ruptures d’origine logistique avec, en ligne de mire, une réduction de leur fréquence de 20 à 30 %. Son principe repose sur la remontée en temps réel, sur une plateforme interactive agréée hébergeur de données de santé, de l’ensemble des données produits émanant de la pharmacie. « L’utilisation d’algorithmes permet d’analyser les quantités livrées ainsi que les produits signalés comme manquants par le grossiste-répartiteur. Nous pouvons alors estimer grâce à ces inputs le taux de disponibilité des produits sur l’ensemble des agences des grossistes-répartiteurs et ce uniquement grâce aux informations fournies par les pharmaciens », expose Baudoin Petitpré, directeur général d’Apodis Pharma.
Ces data anonymisées seront rendues accessibles aux laboratoires partenaires, moyennant un abonnement mensuel de 5 000 euros. En retour, les industriels devront relever le défi et approvisionner la pharmacie dans les meilleurs délais. « Nous savons qu’il est possible au dépositaire, grâce à son réseau de transporteurs, de nous livrer dans les 24 heures. La rupture est souvent fatale si elle dépasse ce délai, je pense notamment aux médicaments sensibles comme l’Epclusa. Si le patient n’obtient pas sa deuxième boîte en temps et en heure, le traitement initié aura été inutile », souligne Baudoin Petitpré. L’outil digital Apodis permettra également au pharmacien d’anticiper sur ses propres ruptures de stocks, voire de procéder à des réassortiments.
La participation de 1 200 pharmacies à ce hub, rejoint chaque jour par une ou deux nouvelles officines, permet de collecter, en temps réel, les données sur les stocks de toutes les agences des grossistes répartiteurs du territoire métropolitain.
Des data non monnayables
Cette mine d’informations, inédite sur le marché de la distribution, devrait séduire les laboratoires, désormais soumis à des plans de gestion de ruptures, sinon à des risques d’amende (2). Apodis table par conséquent sur un partenariat avec quatre ou cinq d’entre eux pour débuter la phase opérationnelle d'ici à la fin de l’été.
Le créateur d’Apodis, soucieux de préserver la neutralité et l’indépendance du pharmacien, réfute toute volonté « de monétiser les données fines produites par l’officine ». Il est formel : « les data en elles-mêmes n'ont aucune valeur. Leur seul intérêt est l'utilisation que l'on en fera ». Ainsi, le traitement de ces data permettra, entre autres, d’injecter de la transparence et de la visibilité dans un circuit du médicament, souvent très opaque pour le pharmacien.
Support du titulaire dans son exercice professionnel au quotidien, Apodis pourra comporter d’autres fonctionnalités comme l’évaluation du médicament en vie réelle, le bilan partagé de médication ou encore la vaccination. Autant de nouvelles missions pour lesquelles Thomas Brunet et Baudoin Petitpré souhaiteraient recevoir le soutien des laboratoires.
(1) Selon une enquête réalisée par le Groupement pharmaceutique de l’Union européenne (GPUE) en 2018.
(2) Le Laboratoire MSD a été condamné fin décembre 2018 par l'ANSM à une amende de 348 000 euros pour défaut d’approvisionnement et de plan de gestion de pénurie du Sinemet.
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