Incompréhensible. Inacceptable. Les mots manquent aux représentants des pharmaciens face à l’abrogation pure et simple du droit de substitution biosimilaire dans la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2020. Les syndicats avaient senti le vent tourner et malgré des revendications répétées et étayées, députés et sénateurs ont tour à tour écarté tous les amendements visant à réintroduire la substitution biosimilaire et surtout à la rendre applicable. Car si la LFSS 2014 a bien entériné ce droit, elle l’avait assujetti à la parution d’un décret d’application que les pharmaciens ont espéré pendant près de six ans. Et prévu un encadrement tellement strict qu’il rendait impossible la substitution par le pharmacien.
Face à l’inertie des dernières années, les organisations représentatives des officinaux se sont relayées pour faire entendre leurs voix. Avec des arguments forts reposant principalement sur le gisement d’économies que cette substitution biosimilaire représentait pour l’assurance-maladie. Car le top 10 des médicaments qui coûtent le plus à l’assurance-maladie en termes de remboursement est largement trusté par des médicaments biologiques dont les copies, lorsqu’ils perdent leur brevet, sont des biosimilaires. Le marché pourrait dépasser le milliard d'euros d'ici 2022 selon le scénario le plus pessimiste du cabinet Xerfi. Les réticences concernant cette nouvelle catégorie de médicaments étant désormais tombées aussi bien du côté des autorités sanitaires que des prescripteurs ayant l’habitude d’utiliser des biosimilaires, la voie semblait toute tracée. Mais certains laboratoires opposés au droit de substitution biosimilaire auraient réussi à se faire entendre au sein du gouvernement et auprès de patients.
Des soutiens
Les pharmaciens n’auront pourtant pas ménagé leur peine. En décembre 2018, les principaux représentants de la profession signaient un plaidoyer commun en faveur de la substitution biosimilaire et demandaient à rencontrer la ministre de la Santé, Agnès Buzyn. En juin dernier, l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO) déposait un recours devant le Conseil d’État afin d’obliger le gouvernement à publier le décret manquant à la LFSS de 2014. En juillet, l’Allemagne rejoignait le mouvement initié par l’Estonie et la Pologne et légiférait pour la substitution biosimilaire obligatoire à partir de 2022, laissant espérer un mouvement européen. Début septembre, l’UDGPO, avec la chambre syndicale des groupements et enseignes FEDERGY, proposait même des règles économiques innovantes de la substitution biosimilaire pour que l’assurance-maladie, le médecin et le pharmacien y trouvent chacun leur compte.
Les pharmaciens ont par ailleurs reçu des soutiens appuyés. D’abord le soutien du Laboratoire Biogaran, le premier à prendre la défense de la substitution biosimilaire dès mai 2017 et le seul à déclarer, en février 2019, que le pharmacien pouvait se passer du décret d’application manquant. Mais un mois plus tard, la Direction générale de la santé répondait que la substitution biosimilaire n’était pas possible en l’absence du décret. Puis le soutien du génériqueur Mylan, se déclarant favorable à cette substitution en juin 2019. Enfin le soutien de la fédération de patients France Assos Santé en octobre dernier.
Timing
Néanmoins, les premières lignes directrices du PLFSS 2020 évoquées par le ministère de la Santé le 30 septembre dernier n’auguraient rien de bon. Le paragraphe dédié aux biosimilaires n’envisageait qu’un encouragement à l’achat de biosimilaires par les établissements de santé. Quelques jours plus tard, l’avant-projet dévoilait la suppression du droit de substitution biosimilaire. Les amendements introduits en 1e et 2e lectures, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, ont tous été rejetés. Le vote solennel du 3 décembre a confirmé l’abrogation et annoncé la création d’un groupe de travail visant à déterminer les conditions de l’interchangeabilité par le médecin et de la substitution par le pharmacien. Retour à la case départ.
Dans un timing pour le moins étonnant, à cinq jours du vote solennel du PLFSS 2020 abrogeant le droit de substitution biosimilaire, l’association réunissant les fabricants de génériques et de biosimilaires, le GEMME, prenait enfin position en faveur de cette substitution, mais en la conditionnant à des limites strictes : en primo-délivrance et pour certains médicaments. Des limites ressemblant fortement à l’encadrement initial de la LFSS 2014 qui avait entériné le droit de substitution biosimilaire tout en le rendant inapplicable.
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