« LA FRANCE, champion du monde du médicament ? Ce sera bientôt une idée reçue », remarque l’économiste de la santé Claude Le Pen. Car, cette année encore, le marché du médicament dans l’hexagone stagne. Le cumul mobile annuel (CMA) à avril 2010 affiche une croissance de 0,6 % du marché de ville, ce qui englobe les mois positifs de novembre et de décembre, dynamisés par l’effet grippe. Or, le gouvernement ayant annoncé des économies de 100 millions d’euros sur le poste médicament, « soit environ 1 point de croissance », la France affiche l’une des croissances les plus faibles d’Europe. Le marché hospitalier s’en sort mieux malgré une érosion de sa croissance. « Il y a un net changement de prescripteurs puisque, en valeur, nous atteignons les 20 % d’ordonnances issues de l’hôpital. Seules 50 % des prescriptions viennent des généralistes, alors que ce taux s’élevait auparavant à 90 % », précise Claude Le Pen.
Le marché des génériques poursuit sa progression puisqu’il représente 71,5 % des délivrances en volume. Le taux de pénétration dans le répertoire est relativement stable mais les délivrances connaissent un pic au moment du lancement d’un nouveau générique. « Plavix, qui a été le premier produit du marché français jusqu’en octobre 2009, date à laquelle il a perdu son brevet, se trouve aujourd’hui relégué dans les profondeurs du classement, à la 27e ou 28e place. Il est remplacé par Tahor, qui subira le même sort lors de la perte de son brevet, puis ce sera au tour d’Inexium, de Seretide. On trouvera alors en tête du top 10 des médicaments biologiques, comme Glivec, dont la durée de vie est plus longue. »
Success stories.
Robert Chu, directeur des ventes chez IMS France, note d’ailleurs que le marché des produits biologiques a doublé sur les dix dernières années, au niveau mondial, avec une croissance de 16 % par an. Un marché très concentré puisque peu d’acteurs l’ont investi de manière forte, en dehors de Roche et de Amgen. Pour autant, Corinne Segalen, présidente d’IMS France, qui souligne la reprise des fusions-acquisitions, remarque que la biopharmacie est l’une des cibles des acquéreurs, que ce soit dans les vaccins (Novartis a acheté Chiron, AstraZeneca a repris MedImmune) ou dans la biotechnologie. « C’est un marché attractif qui a déjà quelques belles success stories, qui sort des produits innovants, dans des indications sévères pour lesquelles la disposition à payer est forte, avec une protection brevetaire efficace. Cependant, on entre dans un autre modèle, avec des produits très différents, qui nécessitent une phase de production particulièrement onéreuse et qui commencent à être confrontés, non pas au phénomène des génériques, mais à celui des me-too. »
Quant au marché de l’automédication, « il n’est pas plus dynamique que le marché du médicament remboursable », selon Claude Le Pen. La croissance de 1,1 % des médicaments à prescription médicale facultative (PMF) est essentiellement due à la prescription, sur les segments des antalgiques et des voies respiratoires. Le marché de l’OTC strict (non remboursable et non prescrit) progresse de 3,2 %, tiré par le lancement de nouveaux produits et en particulier par celui du médicament Alli.
Austérité.
Ces tendances s’accompagnent d’une année riche en événements avec le vote de la loi Hôpital Patients Santé Territoires, la grippe A H1N1, la mise en place des CAPI (Contrats d’amélioration des pratiques individuelles), la tenue du 4e Conseil stratégique des industries de santé, etc. L’année 2010 n’est pas moins étoffée, notamment avec la baisse de remboursement de 200 spécialités, l’entrée en vigueur des agences régionales de santé en avril dernier, l’annonce du gouvernement de faire 600 millions d’euros d’économie, dont 100 millions sur le poste médicament… « Nous sommes dans une période d’austérité. Ces 100 millions d’économie sur le médicament, ça peut paraître beaucoup mais c’est peu comparé à l’Espagne (2 milliards d’euros d’économie) ou l’Allemagne (1 milliard d’euros). Ce qui va surtout changer c’est l’interdiction absolue de dépasser l’ONDAM (Objectif national des dépenses d’Assurance-maladie) dont la croissance sera limitée à 2,9 % en 2011 », ajoute Claude Le Pen.
Derniers points à prendre en compte : l’évolution des malades, qui demandent désormais des comptes à leurs professionnels de santé ; l’évolution des médecins, qui travaillent de plus en plus en réseau avec une équipe de santé ; l’évolution du médicament, qui intègre la démarche thérapeutique pour une maladie et un malade donné. Tout cela doit amener les laboratoires à repenser la promotion marketing. D’après Corinne Segalen, « un médicament doit être positionné, autorisé, recommandé, tarifé, remboursé, prescrit, distribué, vendu, consommé et apprécié. Ce dernier point est à prendre en compte. Avec le développement du web 2.0, je vous invite à jeter un œil sur les forums et vous verrez que les patients ont un avis sur les médicaments ».
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