AVEC un déficit de 29,8 milliards d’euros pour le régime de base et le fonds de solidarité vieillesse, la Sécurité sociale « est un trésor plus fragile que jamais », a souligné Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, lors de la présentation du rapport sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale. Le document souligne que le déficit record de 2010 n’est pas seulement dû à la crise, qui explique un peu moins de la moitié du déficit global du régime général. La « récurrence et le caractère structurel du déficit social » sont « des spécificités françaises », pointe Didier Migaud, qui rappelle que « notre Sécurité sociale est en déficit continu depuis 10 ans, et en réalité à peu près chaque année depuis trente ans ».
Le CEPS épinglé.
Parmi les causes de ce déficit, la Cour des comptes épingle notamment « le système d’admission au remboursement et de fixation des prix », qu’elle juge « insuffisamment rigoureux, peu transparent et pas assez encadré ». Le comité économique des produits de santé (CEPS) est largement critiqué par le rapport, qui souligne que « ses décisions ne se fondent pas sur des critères suffisamment clairs et transparents » et que le prix du médicament « est avant tout le fruit d’une négociation entre l’industriel et le décideur public ». La Cour observe qu’il arrive même parfois que le CEPS ne se réfère pas à l’amélioration du service médical rendu (ASMR) évalué par le comité de transparence pour fixer le prix d’un médicament. « Le CEPS s’estime en mesure de reconsidérer une expertise indépendante d’ordre médicale, alors même qu’il s’agit d’une instance purement administrative », s’insurge la Cour des comptes. « Cette situation, à l’occurrence certes limitée, reflète une articulation très défaillante des procédures et des institutions », estime-t-elle. De plus, elle souligne que, en France, « le processus conduisant à la fixation des prix n’inclut aucune évaluation médico-économique », ce qui peut conduire « à prendre en charge des médicaments qui ont été refusés dans de nombreux pays en raison d’une efficacité insuffisamment prouvée ou d’un prix trop élevé ».
Un essoufflement des génériques.
Par ailleurs, la Cour observe que, « après dix années d’efforts, la France n’a pas rattrapé ses voisins en terme de diffusion des génériques ». « Le développement des génériques en France s’est fait selon un modèle original qui repose quasi exclusivement sur l’intéressement financier des pharmaciens à substituer le princeps par le générique, faute que les médecins aient pu être convaincus de prescrire des médicaments par la désignation chimique du principe actif », remarque la Cour. Elle souligne que le succès des génériques en France reste « modéré » avec un taux de pénétration en valeur de 11 % sur l’ensemble du marché et de 20 % en volume, alors que l’économie qu’ils permettent a atteint 1,79 milliard d’euros en 2010. « Leur diffusion recule même dans certaines classes thérapeutiques », comme celle des IPP, où le « taux de prescription en génériques est passé de 71 % en 2006 à 63 % en 2009 », s’alarme-t-elle. Pour expliquer cet essoufflement, la Cour épingle les stratégies de « contre génériques » des laboratoires princeps, qui développent des molécules très voisines de leurs princeps lorsque leur monopole arrive à échéance. Elle l’attribue aussi à la « pression des visiteurs médicaux » sur les médecins, les conduisant à prescrire les produits « nouveaux et chers », ainsi qu’au « faible recours aux tarifs forfaitaires de responsabilité ». Elle préconise ainsi « d’appliquer des prix uniques pour les princeps, leurs génériques et les équivalents thérapeutiques que sont les me-too et les contre-génériques ».
Le poids des prescriptions hospitalières.
La Cour relève aussi l’inefficacité de certains déremboursements, comme celui de la classe des expectorants. Les prescriptions se sont reportées sur les antitussifs et les bronchodilatateurs, pour un montant de 40 millions d’euros environ, alors que l’économie attendue était de 45 millions d’euros.
Enfin, le rapport révèle l’efficacité limitée des outils purement informatifs de maîtrise de la prescription, que ce soit auprès du public ou auprès des médecins, de ville ou hospitaliers.
Outre leur coût croissant au niveau des établissements de santé, les prescriptions d’origine hospitalière ont également un impact de plus en plus important sur les dépenses de médicaments délivrées en ville. Elles ont en effet progressé de 120 % entre 2002 et 2009, atteignant 3,7 millions d’euros. « Ce déport pèse ainsi fortement sur le respect de l’ONDAM relatif aux soins en ville », note le rapport. La Cour des comptes recommande donc de mettre en place, notamment dans les établissements de santé, « un mécanisme de régulation de la prescription qui implique directement les médecins ».
Au total, la Cour des comptes formule 88 recommandations destinées à redresser les comptes sociaux afin de revenir à l’équilibre. Cependant, en année pré-électorale et dans un contexte de rigueur, on peut se demander si ces préconisations seront rapidement suivies d’effets…
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