Les marchés matures ont retrouvé le chemin de la croissance en 2015 et confirment cette tendance en 2016. Face à eux, les pays émergents, dits « pharmergents », progressent toujours, mais plus lentement. Pour Stéphane Sclison, directeur de la stratégie chez QuintilesIMS, il s’agit d’un « retour aux fondamentaux ». « Après un bond de croissance hors norme des pays émergents, la situation s’est normalisée autour de la mise en place de systèmes d’assurance-maladie qui, comme en Chine, privilégient les sources d’économie, notamment le développement des produits génériques pour couvrir un maximum de patients au meilleur prix », explique-t-il.
Le marché mondial progresse de 7 % en 2016 et s’élève à 1 085 milliards de dollars ; il devrait atteindre 1 400 milliards de dollars en 2020, avec un taux de croissance annuel compris entre 4 et 7 % grâce aux lancements en oncologie. Bien que leur progression soit désormais plus modeste, les pharmergents « continueront de fournir l’essentiel de la croissance dans les cinq années à venir », précise Claude Le Pen, économiste de la santé. Le marché reste très inégalement réparti. L’Europe représente 22 % du marché et progresse de 5 % en 2016. Mais le pic provoqué par l’arrivée des nouveaux traitements de l’hépatite C n’a pas duré, avec les négociations de baisses de prix et la concurrence de nouveaux produits moins chers.
Le frein des baisses de prix
« Ces évolutions bouleversent la carte pharmaceutique et le classement des pays, mais il n’y a pas d’épuisement de la puissance américaine comme on a pu le penser, elle sera même responsable de 54 % de la croissance mondiale entre 2016 et 2021 », affirme l’économiste de la santé, qui prévoit une croissance plus modérée pour l’Europe comprise entre 2 et 5 %. Mais il reste des incertitudes : « Les conséquences du Brexit, un rebond possible dû aux nouveaux traitements en oncologie, les intenses réflexions en cours sur le contrôle des coûts et le développement des biosimilaires de 2e génération. »
Dans ce panorama, la France se démarque négativement, avec un marché des médicaments de ville en récession continue depuis 2010. C’est aussi le seul pays mature à ne pas avoir renoué avec la croissance en 2015. Les médicaments remboursables affichent un chiffre d’affaires de 18,1 milliards d’euros en prix fabriquant hors taxe (PFHT) en 2016, contre 18,3 milliards d’euros l’année précédente. De même, le nombre d’unités vendues poursuit son infléchissement. Pour Claude Le Pen, « après avoir été longtemps la plus grande consommatrice de médicaments d’Europe, la France tend à se rapprocher de la moyenne des pays européens ». En cause ? Notamment « le faible taux de pénétration des génériques (…) ainsi qu’un accueil pour l’instant mitigé des biosimilaires ».
Stabilisation en vue
Au final, les ventes de produits pharmaceutiques en France en 2016 s'érodent de 0,4 %, ce qui classe le pays, en termes de croissance, bien loin derrière l’Espagne (+4,4 %) et l’Allemagne (+3,4 %). D’autant que sur ce marché de ville, « une certaine reprise de la demande et l’arrivée timide de nouveaux produits sont très largement freinées par les baisses de prix ». Une situation similaire à l’année précédente dont Claude Le Pen disait qu’elle était due à « une volonté forte des pouvoirs publics ». Quelques nouveaux médicaments ont cependant su faire leur place sur le marché français, comme l’antidiabétique Trulicity (dulaglutide) de Lilly (19 millions d'euros) ou l’immunosuppresseur Cosentyx (sécukinumab) de Novartis (12 millions d’euros). Par ailleurs, les résultats du marché de ville sont contrebalancés par ceux enregistrés à l’hôpital, en nette croissance, portés par les traitements en cancérologie et par une bonne pénétration des biosimilaires de 2e génération.
L’étude Intelligence 360 de QuintilesIMS se veut optimiste et prévoit une stabilisation à partir de 2017-2018 et pour les cinq ans à venir, et imagine une faible croissance, inférieure à 0,5 %. Avec quelques doutes. Si les effets de la maîtrise médicalisée mise en œuvre depuis 2005 devraient se tasser, le médicament est toujours, au fil des projets de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), le poste qui fournit la moitié des économies décidées d’une année sur l’autre. Les questions sont nombreuses face au nouveau gouvernement qui se met en place : « Va-t-on continuer la politique de stabilité de la dépense remboursée chère à Marisol Touraine ? Va-t-on passer à une loi de programmation pluriannuelle de 5 ans à la place de la LFSS annuelle, comme annoncé dans le programme du candidat Macron ? Quelle sera la nouvelle politique de la Haute Autorité de santé ? Qu’adviendra-t-il du Comité économique des produits de santé ? Quelle politique conventionnelle va voir le jour ? » Les réponses ne devraient pas tarder.
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