« NOUS SOMMES dos au mur ! » Pour le président de la commission des affaires industrielles du LEEM, Sébastien Aguettant, il n’y a aucun doute : « l’heure est grave ». Faute de savoir se montrer suffisamment attractif, l’Hexagone souffre aujourd’hui d’une fragilisation de son tissu industriel dédié au médicament. Pour le LEEM, l’enjeu est donc clair : permettre à l’industrie pharmaceutique de travailler dans de bonnes conditions avec une législation fiscale et sociale qui ne soient pas décourageantes pour d’éventuels investisseurs. À défaut, « l’Hexagone court le risque de ne plus compter parmi les grands producteurs mondiaux de médicaments ».
Pour justifier sa demande, le LEEM a fait réaliser deux études. La première, « Comment relancer la production pharmaceutique en France », considère que « les 40 800 emplois directement liés à l’industrie pharmaceutiques se fragilisent progressivement, y compris les emplois industriels ». La seconde, qui est en réalité la troisième édition de l’« Observatoire sur les investissements productifs pharmaceutiques et biotechnologiques en France », constate d’une part que les investissements sont en baisse depuis 2010, et, d’autre part, qu’ils sont encore « majoritairement portés par les sites de production de médicaments chimiques et peu portés par des stratégies d’extension ».
Fragilisation.
Ces deux études dressent donc un état des lieux détaillé et prospectif de l’appareil productif du médicament en France. Elles rappellent le poids de l’industrie pharmaceutique « dans un contexte marqué par une fragilisation globale du tissu productif français ». En clair, elles visent à la fois à faire prendre conscience que « les sites de production hexagonaux n’ont pas bénéficié d’investissements suffisants pour prétendre aller chercher la croissance à l’export hors Europe et que des projets d’investissements majeurs sont nécessaires pour soutenir la mutation vers les médicaments biologiques ». Pour preuve : le montant global des investissements réalisés dans les 224 sites de fabrication de médicaments recensés en France est passé de plus de 930 millions d’euros en 2010 à moins de 810 millions d’euros, en 2013, soit une baisse annuelle de 4,5 %. Des investissements qui seraient « majoritairement réalisés sur des sites de production de médicaments chimiques, produits souvent matures et exposés à court ou moyen terme à la concurrence des génériques ».
Pire, les investissements ne viseraient généralement qu’à adapter l’outil de production, sans perspective de développement. Quant aux investissements sur les sites biologiques, ils auraient été décidés quatre ou cinq années auparavant et seraient désormais en fin de cycle. Rien d’étonnant dès lors que les deux tiers des sites de production ne soient pas homologués par la FDA (Food and Drug Administration) et ne permettent donc pas d’envisager un développement des exportations vers le principal marché mondial : les États-Unis.
Une aberration d’autant plus criante que cette baisse des investissements s’inscrit dans le cadre de la mutation de l’industrie pharmaceutique elle-même. Et surtout de son modèle économique. L’ère des blockbusters issus de la chimie a en effet cédé la place, petit à petit, à celle des thérapies ciblées d’origine biotechnologique. Or la France, à l’inverse des pays d’Europe de l’Est, n’a pas su prendre ce virage des biotechnologies. Si elle possède d’indéniables atouts, tels que le savoir-faire, un taux d’équipement avéré, une productivité incontestable, elle semble en totale perte de vitesse. Pour preuve : « sur les 130 molécules autorisées en Europe entre 2012 et 2014, seulement 8 seront produites dans l’Hexagone, alors que 32 le seront en Allemagne et 28 en Grande-Bretagne. »
D’où l’urgence, selon le directeur des affaires industrielles et sociales du LEEM, Pascal Leguyader, d’agir sur un certain nombre de leviers portant à la fois sur la protection des volumes de production des médicaments traditionnels et sur la stimulation de l’investissement dans les productions d’avenir. Outre l’instauration d’un crédit d’impôt sur les taxes pharmaceutiques ou encore la création d’un label Europe et, bien, sur l’homologation à l’international de l’essentiel des sites de production, le LEEM demande que les conditions d’accès au marché soient améliorées et que les capacités de bio-production soient consolidées grâce à la mise en place d’un guichet unique ou encore d’une filière de formation pour les médicaments biologiques. Au total, dix recommandations seront ainsi portées par le LEEM. Reste à savoir si le made in France trouvera un écho favorable au sein de Bercy.
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