Les annonces de la feuille de route du mois de juillet semblaient bien loin, au point de poser la question de l’engagement du gouvernement sur ce problème épineux. D’autant que les pénuries de médicaments ne se sont pas arrêtées pendant la période estivale. La ministre de la Santé a finalement procédé à l'installation du comité de pilotage (COPIL) ce lundi 23 septembre, sous l’égide de la Direction générale de la santé (DGS) et en présence des représentants de l’ensemble de la chaîne du médicament, du fabricant au patient.
Si cette installation est primordiale, tout le travail reste à faire. Agnès Buzyn a désigné sept thématiques sur lesquelles le COPIL au complet doit plancher pour proposer des actions et solutions d’ici au mois de janvier prochain. Au menu : transparence et information, limitation de l’impact des pénuries sur les patients ou encore optimisation des procédures d’achat à l’hôpital. À noter qu'un groupe de travail étudiera l’opportunité d’une solution publique-privée de production de médicaments en cas de pénurie.
Sens des responsabilités
« Nous faisons appel au sens des responsabilités de chacun mais tout le monde a montré ce lundi matin sa volonté d’avancer, s’est réjouie la ministre de la Santé. C’est un problème de santé publique et nous ne pouvons laisser le marché en l’état puisque l’autorégulation ne fonctionne plus. » C’est dans cet esprit qu’elle avait annoncé, quelques jours auparavant aux côtés du Premier ministre Édouard Philippe, deux nouvelles obligations à l’encontre des industriels : la constitution d’un stock de 2 à 4 mois pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM) et l’importation de solutions pérennes, à leurs frais, en cas de pénurie. Des sanctions sont même prévues en cas de manquement à ces deux obligations et si l’industriel n’informe pas dans un temps suffisant l’ANSM d’une situation à risques. Ces mesures seront introduites dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2020.
De son côté, le LEEM s’est engagé à améliorer les mécanismes de prévention des ruptures et d’informations des différents acteurs, ainsi qu’à être attentif « à la constitution de stocks de sécurité de médicaments les plus indispensables ». Toutefois, il rappelle ses propositions de février dernier sur le sujet, restées sans réponse, et le problème structurel de l’attractivité industrielle française. C’est pourquoi il se montrera « particulièrement vigilant sur d’éventuelles sanctions qui auraient un effet contre-productif ». Le GEMME s'interroge également sur le bien-fondé de sanctions nouvelles ou renforcées qui pourraient pousser les industriels à tourner le dos à la France. C’est pourquoi Louis Anspach, son vice-président réclame « une année blanche » pour 2020 concernant les baisses de prix des génériques. Et Catherine Bourrienne-Bautista, déléguée générale, d’ajouter : « Mieux vaut travailler au niveau français et européen sur les causes des ruptures plutôt que sur leurs seuls effets. Il faut se rendre compte que la régulation économique vient fragiliser, depuis de nombreuses années, l’économie du générique alors même que les contraintes ne cessent d’augmenter. Nous entendons les appels pour constituer des stocks, multiplier les sites de productions, relocaliser… mais ce n’est pas en continuant à réduire les moyens des laboratoires qu’ils pourront faire face à ces demandes. »
Cascade infernale
Côté pharmaciens, on se félicite de l’accent mis par la ministre sur « cet outil formidable du dossier pharmaceutique, en particulier le DP-Ruptures », qui, aux yeux de Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), doit devenir « opposable à tous les acteurs de la chaîne, sinon il y aura des trous dans la raquette ». « Les remontées du DP permettront de savoir si les stocks ont été constitués, si le grossiste n’a pas trop exporté, si l’industriel n’a pas trop contingenté, d’autre part les pharmaciens à tous les niveaux de la chaîne devraient avoir des comptes à rendre », détaille-t-il. La généralisation du DP-Ruptures permettra d’avoir une photographie des stocks partout en France à l’instant T et de mesurer l’efficacité des actions mises en place pour lutter contre les pénuries. « C’est un point important car si des stocks sont constitués mais qu’ils sont cachés, cette procédure ne sera pas efficace. Le mot d’ordre de ce COPIL est donc la transparence », note Pierre Béguerie, président du Conseil central A (titulaires) de l’Ordre des pharmaciens. Surtout, les syndicats de pharmaciens sont d’accord pour dire qu’il ne faut pas banaliser la pénurie de médicament, comme si sa gestion au comptoir faisait partie du travail du pharmacien. « Nous avons de plus en plus de nouvelles missions mais la gestion des ruptures nous prend de plus en plus de temps, parce qu’on remplace un médicament manquant par un autre, sur lequel vont se faire la plupart des reports de prescription et qui va à son tour être en rupture… C’est la cascade infernale », décrit Fabrice Camaioni, président de la commission métier de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).
Mais en attendant la mise en place d’actions structurantes, les officinaux continuent à « se débrouiller ». Pierre Béguerie insiste : « Nous gérons actuellement les pénuries en nous rapprochant des prescripteurs pour trouver ensemble une alternative au traitement manquant. Nous n’avons jamais laissé un patient sans solution. » Dans ce contexte, il est d’autant plus étonnant que les syndicats de médecins libéraux, pourtant invités à l’installation du COPIL, n'aient pas répondu présents, contrairement aux hospitaliers et à l’Ordre des médecins.
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