Confronté à l'indisponibilité de produits, le pharmacien doit, chaque jour, faire preuve d’une bonne dose de pédagogie face au client et d’ingéniosité pour contourner, sinon résoudre, l’absence du médicament prescrit.
Autre acteur de la chaîne du médicament en butte à cette problématique majeure, le grossiste-répartiteur qui, lui aussi, joue le rôle de tampon. « Nous sommes le premier acteur de la lutte contre les ruptures d’approvisionnement, elle constitue notre cœur de métier », rappelle Emmanuel Déchin, directeur général de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP). Pour souligner cette notion, il indique que l’enjeu n’est pas tant de quantifier le phénomène en nombre de ruptures mais bien de réduire le taux de produits indisponibles entre la commande du pharmacien et la livraison à l’officine. « Nous considérons que nous faisons le job quand nous parvenons à réduire par trois le taux d’indisponibilité entre les lignes de commandes reçues et les lignes de commandes livrées », expose-t-il.
L’ampleur du phénomène serait-elle donc plus considérable encore qu’elle n’apparaît aujourd’hui aux yeux du grand public ? Et ce en dépit de la mobilisation de l’ensemble des acteurs depuis une dizaine d’années ? « Les ruptures d’approvisionnement sont en effet un sujet d’envergure mondiale qui tend à s’accentuer, constate Me Michèle Anahory, avocate spécialisée en droit de la santé, il s’est même accru de 30 % en 2017 pour atteindre 530 signalements, - 179 en ce qui concerne les vaccins - et ce pour une durée moyenne de 52 jours. » Les multiples plans de gestion, rapport, réglementations qui se sont succédé au cours de la dernière décennie n’y ont rien fait.
Cette impuissance à sortir de l'impasse souligne toute la complexité du phénomène. Le Dr Bruno Bonnemain, coordinateur du rapport de l'Académie nationale de pharmacie rappelle en effet que le phénomène est multifactoriel. L’économie et tout particulièrement les exportations sont régulièrement incriminées. « Effectivement, certaines ruptures d’approvisionnement résultent d’un prix ancien trop bas et donc inférieur au coût de production, ceci est notamment valable pour les injectables. Elles sont également le fait des distorsions de tarifs sur le marché européen, provenant de politiques de prix divergentes », explique-t-il. Il cite ainsi l’exemple des ruptures d’approvisionnement en 5FU en France pourtant quasi inexistantes en Scandinavie où son prix est supérieur.
Sur ce chapitre des exportations, les grossistes-répartiteurs tiennent pour leur part, à se dégager de toute responsabilité. « Les exportations ne représentent que 2 % de notre chiffre d’affaires », relève Emmanuel Déchin.
Fluidifier et standardiser l'information
Autre cause de rupture fréquemment invoquée : le défaut d’anticipation d’une supply-chain dont les prévisions de vente sont fixées à 18 mois et qui plus est, dans un marché mondialisé, où la production des matières premières est concentrée sur deux ou trois pays est souvent évoqué.
Un rapatriement de cette production en Europe, régulièrement avancé comme remède miracle, se heurterait à des normes environnementales drastiques, engendrant une mise à conformité très onéreuse. Et elle ne serait en aucun cas la panacée. Tout comme la fabrication exclusivement européenne. « Ainsi, bien qu’exclusivement produit en Suisse, le 5FU n’est pas épargné par les ruptures », rétorque le Dr Bonnemain. Il suggère pour y remédier de prendre exemple sur le Canada qui a décidé de multiplier les sources d’approvisionnement.
La chaîne du médicament ne souffrirait-elle pas avant tout, en Europe, et tout particulièrement en France, d’un éclatement des responsabilités ? En France, pas moins de quatre acteurs, l’ANSM, la HAS, la DGS et le CEPS*, se partagent la question du médicament, un domaine concentré aux États-Unis, aux mains de la seule FDA.
Cette dispersion se reflète également dans la transmission de l’information. Elle demanderait à être améliorée sous forme d’une standardisation, comme l’a récemment souligné le Leem. Ou de manière plus prosaïque encore, par un accès des grossistes-répartiteurs au DP rupture.
D'après une soirée débat organisée par l'Association des cadres de l'industrie pharmaceutique (ACIP).
*Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, Haute Autorité de santé, Direction générale de la santé, Comité économique des produits de santé.
Industrie pharmaceutique
Gilead autorise des génériqueurs à fabriquer du lénacapavir
Dans le Rhône
Des pharmacies collectent pour les Restos du cœur
Substitution par le pharmacien
Biosimilaires : les patients sont prêts, mais…
D’après une enquête d’UFC-Que choisir
Huit médicaments périmés sur dix restent efficaces à 90 %