Le Quotidien du pharmacien. Outre l’affichage des prix en officine, la DGCCRF contrôle également les relations commerciales dans la distribution pharmaceutique. Qui est concerné par ces contrôles ?
Raphaëlle Bove. Ces contrôles touchent l’ensemble des acteurs de la filière pharmaceutique, et notamment les laboratoires, les grossistes-répartiteurs et les pharmaciens. Jusqu’alors, nous nous sommes particulièrement intéressés aux relations commerciales entourant les médicaments remboursés. Depuis 2010, nous avons ainsi contrôlé plus de 350 pharmaciens, 25 laboratoires pharmaceutiques et les grossistes-répartiteurs les plus importants. Lors de l’enquête menée en 2014-2015, nous avons en outre mené des contrôles auprès de 11 régies publicitaires intervenant pour le compte de 6 laboratoires et 4 grossistes-répartiteurs.
Que vérifiez-vous durant ces contrôles ?
Tout d’abord le respect des exigences fondamentales du code de commerce. Comme pour toute entreprise, nous analysons le respect des règles relatives au formalisme des factures et des conditions générales de vente, ainsi que l’élaboration d’une convention entre fournisseurs et distributeurs avant le 1er mars de chaque année. Ces règles permettent d’assurer la transparence et la lisibilité des relations commerciales. Nous apprécions également l’équilibre général des contrats, la proportionnalité des rémunérations de services, la réalité des services rendus, etc. Nous pouvons également être amenés à vérifier le respect des délais de paiement.
Par ailleurs, il existe deux autres réglementations spécifiques à la profession que nous contrôlons. En premier lieu, le code de la Sécurité sociale, qui impose des remises plafonnées à 40 % du prix fabricant hors taxes pour les génériques, et à 2,5 % pour les médicaments princeps. Nous vérifions ces plafonds de remises et la nature des produits auxquels ils s’appliquent. En second lieu, nous pouvons vérifier le respect de la loi anti-cadeau, à laquelle les pharmaciens sont également soumis.
Quel bilan tirez-vous de ces inspections ?
Les relations commerciales entre les différents acteurs de la chaîne de la pharmaceutique manquent de transparence et sont peu lisibles. Le principal problème relevé est le non-respect du formalisme des conventions commerciales et des factures de vente de produits ou d’autres services (dénominations imprécises, absence de date ou de signatures, etc.). Nous constatons également un manque de cohérence entre les factures et les contrats de coopération commerciale, certaines coopérations étant rémunérées sans véritable contrepartie.
Le plafonnement des remises à 40 % pour les génériques, appliqué depuis septembre 2014, n’a-t-il pas amélioré la situation, notamment en gommant des remises supplémentaires déguisées sous forme de coopération commerciale ?
Le relèvement du plafond de remises à 40 % a effectivement bien assaini les pratiques. Toutefois nous détectons encore des incohérences ou des disproportions s’agissant des rémunérations octroyées au titre de la coopération commerciale. Par exemple, une pharmacie qui n’achète pas d’OTC à un laboratoire donné et qui est rémunérée pour de substantielles activités de coopération commerciale sur l’OTC avec ledit laboratoire… Nous vérifierons alors qu’il ne s’agit pas d’une rémunération déguisée pour d’autres motifs.
Par ailleurs, ces contrats de coopération commerciale échappent parfois à la comptabilité entre le laboratoire et le pharmacien, car ils passent par un intermédiaire tel qu’une société prestataire de service. C’est pourquoi nous avons initié, fin 2014, une enquête incluant ces entreprises dans le périmètre de contrôle. Ces prestataires réalisent des études de marché (questionnaires), des études statistiques sur les ventes en officine, des campagnes publicitaires ou encore assurent des négociations commerciales pour le compte des laboratoires.
Le but de nos contrôles consistait à estimer les flux financiers qui transitent via ces prestataires, la nature des services qui sont rémunérés par les laboratoires, et de vérifier que ces services sont réellement fournis. Nous avons constaté que les relations laboratoires-prestataires et prestataires-officines pouvaient manquer de transparence.
Par exemple, nous avons observé des services rémunérés au pharmacien non pas selon un tarif fixe, mais selon le montant du CA de la pharmacie. Ou encore, un service rémunéré sans que le prestataire n’ait vérifié, pour le compte du laboratoire qui le mandate, que le service avait bien été effectué… Ces irrégularités peuvent correspondre à une manière d’octroyer une remise complémentaire déguisée au pharmacien, au-delà des plafonds légaux.
Quelles suites ont été données à cette enquête ?
Quatorze procès-verbaux ont été dressés au cours de l’enquête 2014-2015, essentiellement à l’encontre de laboratoires et de grossistes-répartiteurs. Dans une moindre mesure, certains ont également visé des pharmaciens d’officine, et, dans ce cas, il s’agissait d’abus significatifs. Pour la plupart, les procès-verbaux ont été transmis aux parquets compétents.
Certaines procédures font à ce jour l’objet d’investigations complémentaires par des brigades financières. S’agissant des procès-verbaux dressés pour absence de factures ou factures incomplètes, les opérateurs économiques visés ont généralement fait l’objet de transactions, traitement judiciaire rapide des procédures, qui ont abouti au prononcé d’amendes allant généralement de 15 000 à 30 000 euros.
Par la suite, nous maintenons une surveillance étroite de ces opérateurs et, en cas de récidive, ces derniers feront l’objet de poursuites devant le tribunal correctionnel. Dans ce cadre, l’amende maximum encourue, pour la plupart des infractions, est de 375 000 euros pour une personne morale.
Dans le cadre du contrôle des relations commerciales, vers quels axes comptez-vous orienter vos prochaines interventions ?
Nous nous attacherons à vérifier les conditions générales de ventes des laboratoires ou des grossistes-répartiteurs aux officines, mais également aux autres acteurs en aval de la chaîne tels que les centrales d’achat pharmaceutiques ou les sociétés de regroupement à l’achat pour nous assurer qu’il n’y a pas de mise en œuvre de pratiques commerciales restrictives.
Par ailleurs, qu’en est-il des pratiques de rétrocession en pharmacie ?
La DGCCRF a noté, au cours d’inspections, que la rétrocession, bien qu’illégale, constitue une pratique très répandue, ce qui contribue à déséquilibrer la structuration du marché. Notre direction n’est pas habilitée à enquêter sur ce type de faits, mais nous pouvons les signaler au procureur. Cela a notamment été le cas dans le cadre de pharmaciens appartenant à un même groupement qui pratiquaient la rétrocession à grande échelle.
*Raphaëlle Bove est chef du bureau des produits et prestations de santé et des services à la personne au sein de la DGCCRF.
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