Si ces derniers temps les ordonnances ont un peu déserté les comptoirs des officines, il n'en a pas été de même pour tout. Notamment pour ce que les spécialistes des marchés appellent la « vente libre ». Contrairement au reste de l’activité officinale, ces marchés s’affichent en effet en croissance sur les quatre premiers mois de l’année, et désignent quelques pistes à privilégier pour tirer son épingle du jeu après les pertes enregistrées pendant le confinement. Tel est le principal enseignement du focus que le cabinet IQVIA vient de consacrer aux marchés de la vente libre en pharmacie.
Sur l’ensemble des produits en vente libre, une forte augmentation des ventes est constatée en amont du confinement – un effet de stockage – qui est suivie d’un tassement pendant le confinement et d'un regain en semaines 17 et 19 (sortie progressive du confinement). Cela correspond au niveau du trafic journalier à l’officine, qui augmente juste avant le confinement et atteint un pic au cours de la première semaine. « Le trafic est ensuite très en deçà de ce qu’il était sur la même période en 2019, mais, à partir du 11 mai, on observe un retour à la normal progressif avec le déconfinement et le besoin en masques qui draine les consommateurs en pharmacie », observe Catherine Rimbano, de l’équipe Consumer Health d’IQVIA France.
Le marché des compléments alimentaires, qui affichait une légère progression en début d’année (+3 % semaine 1 à 8), enregistre une hausse de 29 % (semaine 9 à 11), durant les trois semaines précédant le confinement. Et il résiste à la crise en se stabilisant à +6 % pendant le confinement (semaine 12 à 19). Les défenses immunitaires sont largement la catégorie de produits la plus dynamique puisqu’elles ont quasiment multiplié leur chiffre d’affaires par quatre (+221 %) sur la période courant de la semaine 9 à 19 (du 24 février au 10 mai). Cette amélioration concerne aussi la médication familiale. Alors qu’il affichait un recul de 4 % sur les deux premiers mois de l’année, ce marché bondit de 29 % sur les trois semaines avant confinement et se consolide ensuite à +3 %, avec des résultats très positifs pour les immunostimulants (+232 %) et la vitamine C (+180 %) sur la période de la semaine 9 à 19. Les dispositifs médicaux dits « de sécurité et de prévention » profitent aussi du confinement. En croissance de 3 % début 2020, ce taux atteint les 42 % les trois semaines précédant le confinement, tirés vers le haut par la vente de thermomètres dont le chiffre d’affaires passe de 4 millions d’euros à 20 millions d’euros entre 2019 et 2020 pour la période allant de la semaine 9 à la 19. D’autres références contribuent à cette croissance, notamment les gants chirurgicaux et des produits de première nécessité comme les couches pour bébés. « Il y a clairement un report d’achat des grandes surfaces vers les pharmacies sur ces produits », indique Catherine Rimbano.
Bénéfice inattendu pour la médication familiale
Le marché de l’hygiène et de la beauté, dont la croissance était nulle en début d’année, a aussi connu une belle hausse avant confinement (+19 %), grâce à la catégorie hygiène des mains (dans laquelle on trouve les gels hydroalcooliques) qui a multiplié son chiffre d’affaires par dix, mais aussi aux catégories hydratation (mains, corps, pieds). Enfin la nutrition, déjà en progression en début d’année à +11 %, profite aussi d’une belle augmentation avant le confinement (+39 %) et s'équilibre ensuite à +12 %. « Le bilan de cette crise pour toutes les catégories de la vente libre a été globalement très positif, avec un bénéfice inattendu également pour la médication familiale », ajoute Catherine Rimbano. Cependant, cette bonne nouvelle est à relativiser en fonction de la typologie des officines, selon les données du marché global (vente libre et prescription) de la pharmacie.
« Les plus petites officines en termes de chiffre d’affaires sont celles qui ont le mieux résisté à la crise. C’est très visible au mois d’avril où les petites pharmacies reculent de 4-5 % quand les très grosses (chiffre d’affaires supérieur à 5 millions d’euros) ont accusé une chute de 16 %. Mais il faut aussi noter qu’il y a une très grande hétérogénéité parmi les officines de même profil », souligne Catherine Rimbano. Ainsi, un tiers des grosses pharmacies maintiennent une croissance en mars et avril, ce qui signifie que pour d’autres très grosses pharmacies, la chute est extrêmement forte, en particulier « les pharmacies de passage qui perdent 27 % en avril, avec un impact très fort pour celles se trouvant dans les gares, les aéroports et les centres commerciaux ». Une hétérogénéité qui vaut aussi pour les petites officines puisqu’un tiers d’entre elles, déjà en difficulté avant le confinement, ont continué à décroître.
Les consommateurs ont privilégié les pharmacies de proximité
Il n’empêche que cette différence entre les très grosses officines et les autres profils se retrouve sur tous les marchés de la vente libre. Par exemple pour les produits de beauté hors hygiène, la chute est très marquée pour les pharmacies ayant un chiffre d’affaires supérieur à 5 millions d’euros (-25 % en avril), en particulier celles de passage (-43 %), alors que celles de moins d’1 million d’euros de chiffres d’affaires sont en hausse de 28 %. « Les consommateurs ont privilégié les pharmacies de proximité pendant le confinement, plus d’un tiers d’entre eux ont préféré faire leurs achats en pharmacie plutôt qu’en supermarché, ce que l’on constate clairement pour les laits infantiles, les couches pour bébé ou les produits d’hygiène. » Ce que confirme une étude IQVIA menée en mai auprès de 410 consommateurs : 89 % privilégient leur pharmacie de quartier et 34 % ont acheté en pharmacie les produits qu’ils achètent habituellement en grande surface. Mieux : 21 % souhaitent conserver ces nouvelles habitudes prises pendant le confinement.
Alors que la rémunération du pharmacien est de plus en plus décorrélée du prix du médicament et que la convention pharmaceutique privilégie les actes de dispensation, l’officine est appelée à développer les services. Vaccination, entretiens pharmaceutiques, télémédecine… « À partir du moment où le pharmacien est entré dans la démarche de ces services, il a le même état d’esprit pour tous les autres produits, donc aussi pour les marchés de la vente libre. Il y a donc une opportunité d’accompagnement à saisir pour les laboratoires et les groupements de pharmaciens », analyse Aurélien Belluye, de l’équipe Consumer Health d’IQVIA France. Pour le moment, seulement 2 % des pharmacies proposent les outils de télémédecine à leurs patients, mais un quart souhaite s’engager. Leur implication pourrait augmenter avec la forte expansion de la télémédecine pendant le confinement et l’appel du pied des patients. Selon l’étude d’IQVIA, 49 % des consommateurs plébiscitent le développement de ce type de service en pharmacie.
Circuits en souffrance
En outre, les pharmaciens doivent eux aussi saisir une opportunité, celles de la confiance renouvelée des patients pendant le confinement, alors même que « les circuits traditionnels sont en souffrance ». Et de citer le cas de la GMS, dont les ventes en volume ont reculé de près de 2 % en 2019 et dont l’image s’est ternie après des plans de licenciements, des fermetures de sites et des amendes pour non-respect des producteurs. De plus, nombre de parapharmacies ont baissé le rideau pendant le confinement. Les clients vont-ils retourner dans ces magasins ou vont-ils préférer la croix verte, qui est restée allumée tout au long de la crise ?
Face à un marché global de la pharmacie qui a terminé l’année 2019 en décroissance avec un chiffre d’affaires à 36,4 milliards d’euros (-0,2 %), en particulier pour la médication familiale (-4,3 %), ces nouvelles tendances à l’issue du confinement pourraient favoriser une embellie en 2020. Même si, pour beaucoup, il faudra d'abord compenser la forte baisse d’activité enregistrée de la mi-mars à début mai. Un rattrapage qui ne sera pas le même selon la typologie d’officine.
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