EN CE DÉBUT D’ANNÉE, quasiment tous les pharmaciens ont été confrontés à une rupture de stock, et seulement 0,9 % d’entre eux n’en a pas connu, selon une enquête réalisée pour « le Quotidien » par Call Medi Call*. La situation ne semble donc pas s’améliorer, bien au contraire : 70,2 % des pharmaciens considèrent qu’elle s’est aggravée, avec des manques de médicaments qui surviennent plus de 5 fois par mois pour près de 80 % de la profession. Et la publication du décret sur les ruptures d’approvisionnement de septembre 2012, instaurant notamment l’obligation pour les laboratoires d’informer l’ANSM** dès qu’ils anticipent une rupture potentielle, ne semble pas avoir arrangé les choses. On constate toutefois que, depuis octobre 2012, l’agence a accordé quelque 200 autorisations d’importations dérogatoires pour pallier les manques de médicaments, dont le plus célèbre exemple reste l’importation d’Eutirox italien, équivalent du Lévothyrox (qui est de nouveau disponible depuis novembre 2013).
En ce qui concerne les médicaments en rupture, ils ne semblent pas appartenir à telles ou telles classes thérapeutiques spécifiques. Le phénomène touche tout type de médicament (pour 41,6 % des pharmaciens interrogés) avant de concerner en particulier les traitements de l’hyperthyroïdie (22,1 %), les antibiotiques (13,1 %), les vaccins (7,8 %), les antirétroviraux et les médicaments sortis de la réserve hospitalière (5,7 %) et les anticancéreux (5,5 %).
Par ailleurs, les pharmaciens souffrent encore d’un manque d’information sur ces ruptures de stock : 39,7 % déclarent ne pas être informés. Quand ils le sont, c’est surtout par le grossiste répartiteur (43,1 %), puis dans une moindre mesure par les laboratoires (15,9 %) et quasiment jamais par l’Ordre des pharmaciens (0,6 %).
L’enquête s’intéresse aussi à la réaction des clients confrontés au « manque » : si la majorité d’entre eux réagissent avec patience et compréhension (56,8 %), ils sont tout de même plus d’un quart (26,6 %) à recevoir la nouvelle avec agressivité. Et plus d’un sur dix n’hésite pas à changer de pharmacie !
Volonté de trouver une alternative.
Pourtant, afin de satisfaire leur clientèle, les pharmaciens sont prêts à tout… ou presque. Leur premier réflexe est d’appeler le prescripteur pour trouver ensemble une alternative thérapeutique (28 % des sondés). Ils n’hésitent pas non plus à solliciter le laboratoire concerné (25,4 %), à avoir recours à un confrère (22,4 %), ou à un autre grossiste (19,9 %). Les attitudes fatalistes sont rares : seulement 3,7 % des confrères attendent simplement le retour de l’approvisionnement. Par ailleurs, un tiers des pharmaciens devient « fourmi » lors du retour à la normale, en surstockant. Une attitude que l’on peut comprendre, car la gestion des ruptures d’approvisionnement est jugée chronophage. Selon Call Medi Call, ces ruptures feraient perdre plus d’une heure par semaine à 27,3 % des titulaires.
Des difficultés industrielles surtout.
Interrogés sur les raisons de ces pénuries, les pharmaciens citent avant tout la politique des quotas menée par les laboratoires (38,5 % des sondés), mais aussi la pénurie des matières premières liée à la mondialisation de la production pharmaceutique (20,2 %), les importations parallèles (19,6 %) et la mauvaise gestion des flux de production (19,3 %). Une vision qui traduit mal la réalité du phénomène, à en croire une analyse de l’ANSM portant sur les principales raisons de ruptures de stock survenues en 2012. Selon l’agence, la politique des quotas a en effet peu de choses à voir avec le problème. Dans 38 % des cas, ce sont des difficultés industrielles, notamment des retards de fabrication, qui ont été à l’origine de la rupture de stock. Ensuite, 18 % des pénuries de médicaments sont liées à des difficultés d’approvisionnement ou de qualité de la matière première. La mondialisation ne fait qu’aggraver le phénomène. Aujourd’hui en effet, 60 à 80 % des principes actifs sont fabriqués en Inde ou en Asie, contre 20 % il y a trente ans. L’Europe connaît ainsi une « perte quasi complète d’indépendance en sources d’approvisionnement en matières actives pharmaceutiques, conjuguée à une éventuelle perte du savoir faire industriel correspondant », déplore l’Académie nationale de pharmacie. L’Europe n’est d’ailleurs pas la seule à être touchée et les tensions d’approvisionnement se font ressentir au niveau mondial.
**Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
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