« LES OFFICINES doivent trouver le domaine où elles vont exceller, pour éviter de stagner. La grande distribution ne peut pas nous contester les préparations magistrales », affirme Olivier Courbet. Plutôt donc que se battre sur la parapharmacie, le pharmacien de Salouel (Somme) a investi 200 000 euros pour réaliser en sous-traitance les préparations magistrales de ses confrères, avec l’autorisation de l’agence régionale de santé de Picardie. Il a transformé son ancien logement, au-dessus de la pharmacie, en trois laboratoires, dont un pour la pédiatrie et un pour la phytothérapie. Chacun dispose de balances électroniques, de mixeurs, de géluliers, d’ordinateur de gestion, ainsi que d’un stock des produits les plus courants de sa spécialité (classés selon les liste 1, liste 2, toxiques). Tous les produits de base se trouvent dans l’établissement.
« Il fallait tout mettre aux normes des bonnes pratiques de préparations officinales (BPPO) et disposer d’une traçabilité absolue », précise le pharmacien. La commande d’une officine cliente parvient par un fax dédié, est imprimée sur un papier de couleur jaune (pour ne pas confondre), et sa conformité est vérifiée. Dans celle-ci, par exemple, concernant un nourrisson, le médecin prescripteur a confondu microgrammes et nanogrammes. Un coup de téléphone, un courriel de confirmation, puis un fax de correction s’en sont suivis. Une feuille de préparation est ensuite éditée portant les renseignements de l’ordonnance, de la commande, les étiquettes autocollantes à apposer sur le produit, l’identification des lots internes des composants, les doses, le nom de la préparatrice, du pharmacien, les dates et heures.
Tout en double.
« Ce gros travail de préparation est destiné à éviter les erreurs ; tout est produit en double, sur écran et sur papier », poursuit Olivier Courbet. Et même en double chez le fournisseur du logiciel, pour que tout soit conservé, y compris dans l’hypothèse d’une destruction du matériel, voire du laboratoire. Olivier Courbet a recruté trois préparatrices pour cette nouvelle activité. Ce sont en fait des « anciennes », auparavant au comptoir, qui ont choisi le labo, les nouvelles recrues se trouvant au comptoir à leur place. Quatre des neuf préparateurs de l’officine ont été formés à ce nouveau travail, un cinquième est en formation, ainsi que le pharmacien assistant.
Une fois les préparations réalisées, en gélules, suppositoires, pommades, formules liquides, la corbeille contenant produit et « feuille de route » est placée sur des étagères « à libérer ». Les traitements ont une péremption fixée par les BPPO à un mois et huit jours ; au-delà, une ordonnance prescrira le renouvellement. Seul un pharmacien contrôle le produit final, et « libère » le produit. Celui-ci est ensuite expédié au client dans un sac spécial très identifiable, via les répartiteurs : l’un d’eux une fois par jour, les deux autres matin et soir. Entre-temps, le client qui avait reçu un courriel de confirmation après la vérification de la commande, en reçoit un second annonçant l’expédition. Il recevra aussi la feuille de préparation, les étiquettes restantes, le tout restant en double au labo à Salouel.
« Une commande du matin est livrée à 14 heures, dans presque tous les cas, précise Olivier Courbet. Il est rare qu’un produit de base manque, auquel cas la livraison est reportée à 24 heures Je faisais déjà beaucoup de conseil en produits vétérinaires, en homéopathie, et en phytothérapie. J’aime cela. Je crois aussi que les patients préfèrent les préparations "pour eux" aux médicaments industriels. » Dix pour cent des pharmaciens feraient des préparations, cherchant à sous-traiter, estime Olivier Courbet. Il a adhéré à un groupement de sous-traitants qui a entrepris des démarches de mises aux normes ISO. Ce groupement prépare aussi un recueil des doses, notamment pour les médecins « qui n’ont pas aujourd’hui d’outil pour définir des formules. En étant rapide à réagir, je veux faire gagner des clients aux autres pharmacies ». Le pharmacien de Salouel s’est lancé dans l’aventure à l’automne dernier. Il réalise actuellement vingt à trente préparations par jour, proche de la rentabilité, et vise de les multiplier par cinq, « mais en restant joignable. Je ne veux pas devenir un rouleau compresseur ».
Légende photo :
Olivier Courbet avec une préparatrice (J. Gravend)
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