CELA pourrait être un marché d’avenir. Selon La Cooper, ils seraient presque 8 000 pharmaciens à réaliser des préparations à un titre ou à un autre, un chiffre non négligeable. Car la pratique de la préparation peut être envisagée comme l’une des voies de développement pour l’officine, à l’heure où celle-ci cherche à mieux se positionner confrontée à la baisse des marges et aux déremboursements de médicaments. « La préparation, c’est le cœur de métier de l’officine, beaucoup plus que la parapharmacie en tout cas, attaquée de toute part et notamment par la grande distribution » défend ainsi Alain Afflatet, gérant d’Accoss, l’un des rares acteurs du logiciel de préparation. Ce que sur le fond personne ne conteste.
Seulement voilà, les freins à ce développement sont importants. Freins réglementaires d’abord, depuis l’édiction des bonnes pratiques préparatoires (BPP) en 2007, encadrant très rigoureusement l’activité de préparation en officines, très nombreuses sont les pharmacies qui ont arrêté lesdites préparations vue la complexité nouvelle de la tâche. « Nous avons les BPP les plus dures d’Europe » regrette Didier le Bail, titulaire de la pharmacie des quatre chemins à Grasse, dans les Alpes Maritimes. Du coup, le marché s’est structuré autour de grands sous-traitants, qui seraient de 30 à 60 selon différentes sources. Et selon Krystelle Laurent, responsable du préparatoire chez Cooper, quelque 3 000 font encore des préparations magistrales un peu complexes nécessitant un équipement spécifique et le reste, soit 5 000 environ, des préparations basiques de temps à autre. Un marché stable, admet-elle. « Qui augmente quand même, entre 10 et 20 pharmacies par an nous demandent des conseils pour se lancer dans cette activité ». Pas de quoi pavoiser non plus. « Les pharmacies ne connaissent pas encore bien cet univers des bonnes pratiques préparatoires, elles savent que des choses ont changé, mais pas exactement quoi » estime pour sa part Fabien Bruno, titulaire de la pharmacie Delpech à Paris et responsable du projet Easy Prep, l’autre logiciel du marché, commercialisé par la société Idris.
Partenariats entre grossistes et éditeurs.
Dans ce contexte, les éditeurs de logiciels ne vont pas forcément investir massivement sur ce que certains considèrent comme un marché de niche (voir encadré sur « l’évolution de CIP en question »). Les deux acteurs principaux, Accoss avec BP’Prep et Idris, l’éditeur d’Easy Prep établissent des priorités. Au plan commercial tout d’abord, ils travaillent selon leurs moyens, le premier avec Fagron et le second avec Cooper, les deux grands grossistes présents notamment dans le monde de la préparation. Ni l’un ni l’autre ne semblent satisfaits de cette stratégie. Ainsi, tout en insistant sur les bonnes relations entretenues avec son partenaire, Accoss souhaite néanmoins renégocier les termes de l’accord qui le lie à Fagron, notamment pour faire en sorte d’avoir lui-même une plus grande visibilité commerciale. Cela n’empêche pas le premier à travailler sa notoriété avec son partenaire Fagron. Visibilité que son concurrent Fabien Bruno ne recherche pas particulièrement pour la version « sous-traitance » de son logiciel, version préconisée par Cooper quand l’occasion se présente, mais dont l’éditeur assume directement la commercialisation. « Nous fonctionnons par le bouche à oreille, cela suffit » estime-t-il, puisque l’essentiel de ses revenus provient de la pharmacie dont il est titulaire.
Au plan technique ensuite : les versions standards de ces logiciels ont été adaptées aux BPP, mais depuis, elles n’ont pas bénéficié de développements particuliers. En revanche, ils mettent les bouchées doubles sur les versions sous-traitance. D’abord parce que ces versions sont elles-mêmes beaucoup plus complexes et plus riches. Non seulement elles ont les fonctionnalités de base qui permettent d’assurer la sécurité et la traçabilité des préparations comme l’exigent les BPP, mais elles gèrent l’essentiel de l’activité d’une pharmacie spécialisée dans les préparations, à commencer par tout ce qui concerne la facturation, règles de calcul préétablies et paramétrables, calcul du prix de revient, automatisation de la facturation aux clients pharmaciens etc… « Il était fréquent qu’avec une seule même préparation mais élaborée par deux préparateurs, on obtienne des prix différents » explique ainsi Alain Afflatet. « Le logiciel permet d’avoir une tarification constante et maîtrisée ».
Uniformité de masse.
Ces développements se structurent d’abord autour des BPP, c’est en tout cas le credo d’Accoss, avec par exemple la vérification de toutes les étapes de la préparation et des fiches de contrôle « qui permettent de voir les non-conformités très rapidement » selon la société. Et parmi les BPP, une évolution récente qui a conduit les éditeurs à faire évoluer leur logiciel les dernières évolutions : la gestion de l’uniformité de masse.
La loi dit qu’il faut faire des essais de contrôle de l’uniformité de masse des gélules. Chez Accoss, l’ensemble des modules permet d’éviter la ressaisie des résultats à chaque étape du process de fabrication et notamment quand la balance est directement reliée à l’ordinateur. Cela permet d’éviter des erreurs. La pesée et l’évaluation des doses de poudre contenues dans les gélules restent semble-t-il une question délicate, et pour Idris, il faut que le logiciel montre que les gélules sont bien remplies. Estimant que les balances ne suffisent pas toujours à cette tâche, la société a développé une interface avec une machine qui automatise le comptage de toutes les formes sèches, « Easycount », de la société Gecis. « Un système indépendant du logiciel ne peut pas le vérifier » affirme Fabien Bruno. Pour le pharmacien, l’un des développements majeurs du logiciel sera celui des interfaces avec tous les matériels nécessaires à l’exercice de la préparation. « Il est essentiel de savoir que le matériel marche bien, et comme l’informatique permet tout, il est possible de beaucoup mieux contrôler ses équipements, les balances par exemple, que la loi nous oblige à contrôler une fois par an, mais que je souhaite vérifier plus souvent que ça. »
Un budget substantiel.
Néanmoins, pour les pharmacies sous-traitantes et pour les autres aussi, ces équipements peuvent représenter un budget substantiel, en tout cas au plan matériel et même logiciel. Par exemple, l’application ci-dessus évoquée couplée avec cette machine est assez coûteuse, de 8000 à 9000 euros environ.
Le coût des équipements est l’un des problèmes liés à l’étroitesse du marché, or il y a de nombreux équipements nécessaires à l’exercice de cette activité. Mais compte tenu du nombre relativement faible de clients potentiels, les prix pour la plupart restent élevés. Même si l’étroitesse du marché ne justifie pas tout. « On nous propose quand même des choses à des prix délirants » estime ainsi Didier le Bail. Pour Jérôme Germanaud, directeur marketing de Fagron, parmi les nombreux profils de pharmacies qui font des préparations à un titre ou à un autre, on en trouve beaucoup qui « investissent comme si c’était une activité primordiale » ajoute-t-il. Ces équipements sont importants, à commencer par les hottes, qui permettent d’aspirer des produits chimiques qui, même s’ils sont utilisés à faible dose, peuvent nuire à la santé des préparateurs. « C’est une sécurité nécessaire pour le personnel » souligne Fabien Bruno, dont le service préparatoire possède une vingtaine de hottes (1 000 préparations par jour en sortent). « Ces hottes, c’est la grande interrogation du moment, comment s’équiper face à une offre très complexe dans laquelle même les sous-traitants ont du mal à s’y retrouver. » Fabien Bruno s’est adressé à deux sociétés connues dans le domaine, ADS Laminaire notamment. Selon La Cooper, une hotte coûte entre 3000 et 4000 euros. Chez Fagron, une hotte aspirante est disponible à un tarif proche de 1 500 euros avec un filtre.
Des robots mélangeurs de pommades.
Des produits innovants arrivent sur le marché et peuvent intéresser les pharmaciens en dépit de leurs prix. Il en est ainsi des machines à mélanger les pommades. Pierre Cabret, titulaire de la pharmacie de l’Europe à Paris, l’un des principaux sous-traitants de France, s’est équipé. « Cela prépare de belles pommades en un temps record » constate-t-il, « mais l’inconvénient, c’est que cela augmente le prix des pots, car ceux-ci sont « airless », plus hygiéniques donc, mais le coût de la préparation s’en ressent. Les clients ont un peu grincé des dents, mais ont accepté. » L’investissement est donc rentable. « On a pu se le permettre car le segment des pommades connaît une très forte croissance, on peut donc investir sur des marchés porteurs comme le sont la dermato et la pédiatrie. On achète toujours en fonction de critères objectifs. » Mais l’automatisation reste quelque chose de difficile dans le domaine de la préparation, selon Jérôme Germanaud. « Hormis celle des mélanges ou du test d’uniformité de masse, il n’y a pas beaucoup de possibilités, parce que les évaluations de produits nécessaires à la préparation, ça change tout le temps. Automatiser le pesage par exemple est complexe » explique-t-il. Sauf à investir beaucoup comme le fait Fabien Bruno.
Hormis le matériel, les acteurs du marché apportent aussi du conseil. À commencer par celui lié à l’ouverture d’un espace préparatoire dans une pharmacie. La Cooper propose d’accompagner celles qui souhaitent investir dans cette activité. Krystelle Laurent évalue par exemple l’investissement d’un préparatoire de 15 m2, tout compris, matériel, logiciels, aménagement des locaux, à quelque 13 000 euros. Cooper propose aussi une aide pour obtenir l’accréditation de l’ARS, nécessaire pour se lancer dans le préparatoire. Ces mêmes acteurs proposent aussi des services, comme par exemple l’édition d’étiquettes adaptées à la demande par l’intermédiaire de sites Internet, Inprintas chez Fagron ou sur le site d’Accoss. « Cela permet de personnaliser les boîtes et sachets, et donne un aspect professionnel à l’activité du préparatoire aux yeux des patients » souligne Jérôme Germanaud.
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