Il y a dix ans, les pharmaciens inventaient le dossier pharmaceutique (DP). Première et seule profession de santé à ce jour à avoir élaboré son propre outil. Et aussi à le financer. Car, comme le rappelle Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens (CNOP), à l'occasion de la dernière Journée de l'Ordre, « le budget de fonctionnement annuel, soit 3 millions d'euros, est entièrement assuré par les cotisations ordinales et la participation des autres utilisateurs du DP ».
Ces deux caractéristiques ne sont sans doute pas étrangères à l'appropriation de cet outil par les pharmaciens au cours de ces dix dernières années. Car force est de constater que le DP, qui bousculait l'exercice officinal à sa création, s'est depuis imposé dans la pratique professionnelle. Au point de devenir incontournable. Un récent sondage établit ainsi, annonce Carine Wolf-Thal, que 61,3 % des pharmaciens le jugent le plus utile pour identifier les interactions médicamenteuses, 55,4 % les redondances et 43,1 % les contre-indications. Et quand un risque est signalé au médecin, dans 96,4 % des cas des modifications sont apportées à la prescription. Preuve que le DP permet chaque jour de mieux prendre en charge le patient de la manière la plus pertinente, en coopération avec le prescripteur.
Multitâches mais perfectible
Côté sécurité, le DP remplit également sa mission, car dans le cas de rappel de lots, une note de 4,26 sur 5 est décernée par les pharmaciens à la performance de cette fonctionnalité. « La profession a mis au point un outil dont rêvent les autres professionnels de santé », constate avec fierté Carine Wolf-Thal.
Le DP est en effet devenu un instrument Multitâches pour avoir intégré, au fil de son histoire, deux fonctionnalités autres que celle du renseignement des prescriptions (sur les 4 derniers mois) et des vaccins (sur les 21 dernières années). Le « DP rappel de lots » est aujourd'hui apprécié des pharmaciens mais aussi des industriels et des grossistes-répartiteurs « pour son caractère d'immédiateté ». Le « DP rupture d'approvisionnement » est, quant à lui, salué par les laboratoires pour la transparence qu'il introduit dans le système, comme le souligne Frédéric Bassi, président du Conseil central de la section B.
En PUI, « le DP, source fiable et consultable, contribue au développement de la pharmacie clinique et permet d'initier la conciliation médicamenteuse », expose Françoise Petiteau-Moreau, vice-présidente du Conseil central de la section H. En retour, il est alimenté par le pharmacien de PUI pour les produits de rétrocession pour les pathologies lourdes et spécifiques ou encore dans le cas des chimiothérapies, ce qui permet d'identifier les effets secondaires.
Auprès des médecins hospitaliers urgentistes, le DP s'avère également être une aide précieuse. « À condition toutefois de mieux travailler les occurrences au risque sinon de perdre du temps, soit entre 1 et 1,5 minute par ouverture de DP par patient », estime le Dr Jean-Paul Fontaine, chef du service des urgences de l'hôpital Saint-Louis (AP-HP). Ainsi, en cas de malaise, de traumatisme crânien, ou encore à chaque fois qu'un patient arrivant aux urgences n'est pas interrogeable, le DP est une source incontournable, et même, dans 7 cas sur 10, l'unique source de renseignement sur le traitement du patient admis. Il est vrai que le DP, cet outil disponible 24H/24 et 7j/7, a été conçu pour sécuriser la prescription, pour éviter les redondances et les interactions tout comme pour améliorer le conseil.
Dix ans plus tard, il n'en reste pas moins perfectible. Au point de nécessiter de nouveaux développements. Au rang de ces lacunes, identifiées par ses différents utilisateurs (pharmaciens d'officine, pharmacien de PUI, médecins hospitaliers, laboratoires, grossistes-répartiteurs…), le renseignement insuffisant de l'automédication. « Dans les stations balnéaires et les lieux de villégiature, cela nous aiderait si nous disposions de plus d'informations sur les patients de passage », reconnaît Marina Jamet, membre du Conseil central de la section E (Outre-Mer), indiquant que 14 millions de DP, seulement, mentionnent la délivrance d'un produit de PMF. Aussi, les pharmaciens sont invités à « nourrir le système » aujourd'hui par les produits conseils. Et demain, comme l'entrevoit Jérôme Parésys-Barbier, président du Conseil central de la section D, « avec les médicaments de prescription pharmaceutique ».
Convaincre le patient
Pour précieux qu'ils soient, ces renseignements ne sont toutefois pas suffisants, comme le souligne le Dr Fontaine : « Le DP devrait également mentionner le nom du prescripteur et du pharmacien qui a délivré le médicament. » Les pharmaciens biologistes regrettent, quant à eux, que le DP ne leur soit pas ouvert. « Cela permettrait de prendre en compte les molécules qui peuvent interagir avec les dosages ou encore de faire le lien, par exemple, entre transaminases et atorvastatine », indique Bernard Poggi, président du Conseil central de la section G.
De l'avis des pharmaciens, le DP doit également aller plus loin dans ses fonctions « DP rappel de lot » en intégrant une fonction blocage qui interdirait toute délivrance lorsque le numéro du lot à rappeler apparaît. Ce système vaudrait également pour la répartition. « Il ne serait plus possible de vendre un lot après son rappel. Ce système fonctionne aujourd'hui manuellement mais il est plus difficile à mettre en œuvre sur les automates », remarque Philippe Godon, président du Conseil central de la section C.
Comme le rappelle Carine Wolf-Thal, l'ensemble de ces pistes de réflexion n'ont qu'un seul objectif, « mettre le patient au cœur d'un système, mieux coordonné, mieux sécurisé. Car le patient reste le seul à décider de l'ouverture et de la clôture de son DP, il est également le seul à pouvoir s'opposer à sa consultation ».
À l'heure où le Conseil national de l'Ordre lance un chantier sur le consentement dématérialisé, Jérôme Parésys-Barbier insiste sur la nécessité de remettre la brochure au patient, de prendre le temps de lui expliquer le rôle du DP, « un rendez-vous à ne pas manquer ».
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