C’EST REPARTI ! La généralisation du principe tiers payant contre génériques (TPCG), mis en place en 2006, a indubitablement « donné un coup d’accélérateur au marché français du générique », explique Philippe Besset de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Prévue dans le cadre de la convention pharmaceutique, conclue en mai dernier, cette mesure a également profité d’une remobilisation des pharmaciens liée à la signature de l’avenant n °6. Un avenant qui a été l’occasion « de stabiliser les génériques dispensés aux personnes âgées et ainsi de répondre favorablement à la demande des médecins », précise encore Philippe Besset.
Un avenant qui a surtout fixé un objectif de substitution à 85 %, et a donc permis de remotiver des officinaux atteints de lassitude. Un taux de 85 % néanmoins jugé, « en moyenne comme un maximum » par le président de la FSPF, Philippe Gaertner. Taux qui, selon Jean-Michel Peny, président de Smart Pharma (lire interview en page XX) pourrait toutefois grimper jusqu’à 90 %, voire 95 %. Les sous objectifs de substitution qui concernent une trentaine de molécules représentant de gros volumes et que l’Assurance-maladie a voulu cibler, telles que la pravastatine, le pantoprazole ou encore le clopidogrel vont d’ailleurs de 60 % à 95 %.
Rentrés dans le rang.
Autant de « sources supplémentaires de motivation et de raisons qui expliquent la nouvelle croissance du marché français du générique » ajoute la déléguée générale du GEMME. Des molécules parmi lesquelles « ne figure ni la lévothyroxine, en raison de la mise en garde de l’AFSSAPS sur la substitution des génériques de Lévothyrox, ni la buprénorphine, en raison des distorsions importantes qu’elle introduit entre les différentes officines étant donné la très forte concentration de la délivrance de cette molécule sur certaines pharmacies et la faible substitution en moyenne de celle-ci » se félicite Philippe Gaertner.
Quant aux objectifs départementaux, ils sont destinés à confirmer les performances des meilleurs, telle que la Loire-Atlantique, la Vendée ou la Mayenne et à encourager les moins bons, comme la Guadeloupe, la Haute-Corse ou Paris. « Des mauvais élèves qui sont désormais rentrés dans le rang », selon Philippe Besset. Des objectifs dont l’atteinte est rétribuée à hauteur de 150 millions d’euros en année pleine, selon le mécanisme du paiement à la performance (P4P). Soit « quelque 80 millions au titre de 2012 qui permettront de compenser, pour partie seulement, les baisses de prix industriels qui ont impacté l’officine à hauteur de 250 millions d’euros », précise le président de la FSPF. Cette carotte, s’accompagnant d’un risque de coup de bâton, pour les mauvais élèves qui « n’atteindraient pas les 60 % de taux de substitution lorsque le taux de tiers payant de la pharmacie avoisine les 90 % », précise Philippe Besset.
Deux fois plus de marges que de chiffre d’affaires.
Et force est de constater que la recette semble avoir fonctionné, puisque le taux de substitution est ainsi remonté à 79 % à la mi-décembre 2012 ; voire à 83,9 %, selon l’Assurance-maladie qui considère que les groupes sous TFR (tarif forfaitaire de responsabilité) sont substitués à 100 %. Une preuve évidente de « l’officino-dépendance de ce marché qui a repris sa croissance sous l’égide des deux textes signés par les syndicats de pharmaciens et l’assurance-maladie grâce à l’implication des pharmaciens ». Et pour cause ! « Les génériques sont, en moyenne, à l’origine de 13 % du chiffre d’affaires de l’officine et de 25 % de sa marge, soit quasiment le double », précise Philippe Gaertner.
Des avantages dont ne bénéficient pas les médecins qui semblent d’ailleurs poursuivre leur résistance. « Le faible développement des génériques, en France, tient principalement à la faible prescription de spécialités substituables », explique encore Catherine Bourrienne-Bautista. Et ce malgré la mise en place, en juillet 2009, des contrats d’amélioration des pratiques individuelles (CAPI) qui avaient été signés par quelque 16 000 médecins traitants libéraux sur les 42 600 éligibles ; puis intégrés à la convention médicale sous le nom de P4P. « Des CAPI/P4P dont l’impact est plus le reflet d’un effet périmètre du fait des chutes de brevet que d’un effet prescription », précise Catherine Bourrienne-Bautista. En clair, les praticiens français préfèrent continuer à prescrire hors du répertoire… ou à indiquer « non substituable » lorsque le médicament est inscrit au répertoire.
La raison ? Ils sont peu désireux de passer du temps à expliquer à leurs patients que « les génériques sont des médicaments de qualité équivalente » Les praticiens se sont même montrés particulièrement sensibles à la polémique, née avec la publication en février 2012 du rapport de l’académie de médecine qui a été « repris sans autre forme par des médias grand public pour qui le générique est un marronnier ». La tentation de manchettes racoleuses est malheureusement souvent plus forte que celle d’analyses pointues ! Des médias qui, s’étant déjà largement fait l’écho du livre du Dr Sauveur Boukris sur les abus de l’industrie pharmaceutique, pouvaient ainsi continuer à critiquer un secteur condamnable en tous points, à leurs yeux.
Refus de s’engager.
Une campagne à charge que quatre rapports sont néanmoins venus tempérer à la fin de l’année. Après l’Inspection des affaires sociales (IGAS), l’Académie de pharmacie, La Fédération nationale de la Mutualité Française (FNMF) et l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) sont en effet venus confirmer la qualité et la sécurité des médicaments génériques.
Des prises de position aussi indispensables que nécessaires pour tenter de convaincre une opinion publique très largement sceptique pour ne pas dire défavorable aux médicaments génériques qu’elle juge « moins efficaces et de moins bonne qualité ». D’où l’utilité, comme le préconise l’IGAS, de communiquer auprès du grand public. Car les pharmaciens eux-mêmes rencontrent de plus en plus de difficultés au comptoir pour convaincre les patients du bien-fondé des médicaments génériques.
Un point de vue partagé par tous les acteurs. Une nécessité jugée néanmoins insuffisante par les institutions qui, « jusqu’à présent, à l’instar de la Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), de l’ANSM, de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) - et donc du ministère - n’ont pas souhaité s’engager dans une grande campagne nationale de sensibilisation visant à promouvoir la qualité et la sécurité équivalentes des génériques par rapport aux princeps ». Le jeu en valait pourtant la chandelle, puisqu’en 2012, les médicaments génériques ont permis d’économiser quelque 2,4 milliards d’euros. Une source d’économie qui colle à la peau des génériques et, par ailleurs, « contribue à les discréditer auprès des patients, convaincus d’être soignés par des médicaments low cost ».
D’où la nécessité d’agir au plus vite auprès des médecins. Et en particulier de les informer sur des produits qu’ils ne connaissent pas et sont donc enclins à mal juger, comme l’avait démontré l’étude réalisée pour le GEMME, au printemps 2012 ! Une information qui ne pourra toutefois passer que par des voies officielles car il sera toujours compliqué pour les laboratoires génériqueurs de confier cette mission à des forces de ventes qui sont par nature dédiées à un seul produit.
À moins que les pouvoirs publics ne prennent le taureau par les cormes et, à l’instar des Allemands et des Britanniques, ne décident de contraindre un corps médical réticent pour ne pas dire rétif. « Le rapport de l’IGAS préconise d’ailleurs de s’inspirer des modèles d’autres pays tels que l’Allemagne ou la Grande-Bretagne qui fixent des objectifs de prescription en génériques ou allouent un budget à chaque praticien afin de les inciter à prescrire des génériques », rappelle la déléguée générale du GEMME tout en s’interrogeant sur les oppositions culturelles entre le Nord et le Sud de l’Europe, face au faible développement du générique en Espagne, en Italie et au Portugal.
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