LA SUBSTITUTION est entrée dans les mœurs. Désormais bien acceptés par les patients, les génériques jouissent d’une image positive. Malgré cela, « il existe encore quelques poches de résistance spécifiques à certains médicaments princeps », relève Jean-Michel Peny, président de la société Smart Pharma Consulting. Pour y voir plus clair, ce dernier vient de réaliser une étude pilote à partir de situations précises permettant d’identifier les nouveaux freins à la substitution (voir tableau ci-contre). L’étude montre notamment que les mises en garde de l’Agence française de sécurité des produits de santé (AFSSAPS) ont joué un rôle de facteur limitant dans la substitution du fentanyl (Durogesic) ou de la lévothyroxine (Lévothyrox). Tout comme la commercialisation de génériques à des dosages différents de ceux du princeps en raison de la composition de leurs sels (périndopril). Jean-Michel Peny s’est également intéressé au cas singulier du clopidogrel. Principal obstacle à la substitution relevé : la protection jusqu’en février 2017 de l’indication du Plavix (et de son autogénérique le clopidogrel Winthrop 75 mg) en association avec l’aspirine dans le syndrome coronaire aigu (SCA).
Une montée du NS.
Cette protection d’indication s’est accompagnée d’une montée en puissance de la mention « non substituable » ou NS sur les ordonnances associant Plavix et Aspirine.
L’étude de Smart Pharma Consulting estime ainsi que près de 3 prescriptions de Plavix sur 10 porteraient cette mention, contre, par exemple, moins d’une sur dix pour Mopral (0,8), Durogesic (0,6) ou les princeps à base d’ibuprofène (0,4). « De leur côté, les pharmaciens, informés par les visiteurs de Sanofi et de Winthrop (renommé récemment Zentiva), ont eu tendance à moins substituer les prescriptions de Plavix qu’ils ne l’ont fait pour d’autres « blockbusters » récemment génériqués », indique Jean-Michel Peny. D’autant que, souligne le président de Smart Pharma Consulting, les officinaux qui ne respectent pas la protection de l’indication du Plavix dans le SCA engagent leurs responsabilités et s’exposent à des poursuites (voir également l’entretien avec le Pr Patrick Fallet). « Notons toutefois que le laboratoire ratiopharm (racheté par Teva en 2010) a engagé en septembre 2009 une action en nullité du brevet relative à l’indication SCA, ce qui lui permet également de revendiquer cette indication », complète-t-il.
Responsabilité engagée.
Au-delà du cadre juridique, de la nature des sels, ou de mises en garde de l’AFSSAPS, la faible pénétration de certains génériques s’explique aussi par le comportement du pharmacien lui-même. Par exemple, tandis que les titulaires interrogés par Smart Pharma Consulting semblent substituer l’ibuprofène, qui est soumis à des règles particulières, sans trop se poser de questions, ils hésitent davantage lorsqu’il s’agit du clopidogrel et se restreignent complètement face à une prescription de fentanyl. Plus de 8 sur 10 déclarent même ne jamais proposer de fentanyl générique. « La sévérité perçue de la maladie apparaît comme un élément clé à l’origine du respect des restrictions de substitution de cette spécialité par les pharmaciens », commente Jean-Michel Peny. L’hypothèse semble se vérifier pour la ribavirine, dont les génériques commencent à arriver. Près de 7 pharmaciens sur 10 se déclarent d’ores et déjà réticents pour substituer cette molécule notamment en raison de la sévérité de la pathologie, mais aussi des très faibles rotations du produit. Pour compliquer l’affaire, la ribavirine entre dans la composition de deux spécialités (Copegus et Rebetol), aboutissant à la création de deux groupes génériques, chacun des princeps ayant une indication propre. Là encore, « une substitution entre ces différents groupes génériques engagerait la responsabilité des pharmaciens », précise le président de Smart Pharma Consulting. Cerise sur le gâteau, « lorsque Copegus et Rebetol sont respectivement co-prescrits avec les interférons pégylés alpha 2-a (Pegasys) et alpha 2-b (Viraferonpeg), la substitution est également interdite car cette indication bénéficie d’une protection », ajoute-t-il.
On le voit, les obstacles à la substitution de certains princeps sont encore nombreux. Afin de ne pas pénaliser les officinaux, Jean-Michel Peny préconise tout simplement de ne pas soumettre au TFR les médicaments prescrits dans les pathologies sévères, ceux pour lesquels les dosages des génériques diffèrent de ceux du princeps, en cas de groupes génériques multiples ou d’indications protégées. De nouveaux arguments pour ceux qui plaident contre la généralisation du TFR.
Industrie pharmaceutique
Gilead autorise des génériqueurs à fabriquer du lénacapavir
Dans le Rhône
Des pharmacies collectent pour les Restos du cœur
Substitution par le pharmacien
Biosimilaires : les patients sont prêts, mais…
D’après une enquête d’UFC-Que choisir
Huit médicaments périmés sur dix restent efficaces à 90 %