La France a beau avoir été la pionnière du biosimilaire en lançant le tout premier en 2006, son marché a longtemps peiné à décoller et c’est toujours le cas en ville. À l’hôpital, la progression coïncide avec l’arrivée des copies d’anticorps monoclonaux dont les premiers brevets tombent en 2015. Un marché boosté ces deux dernières années par des chutes de brevets majeurs en oncologie : Avastin (bevacizumab), Mabthéra (rituximab) ou Herceptin (trastuzumab). Avec Lovenox (étanercept) et Remicade (infliximab), on compte donc cinq des 15 plus gros produits hospitaliers biosimilarisés (ou sur le point de l’être). « À l’origine des plus grosses économies en 2018, ce sont les deux grandes vedettes rituximab et infliximab », remarque l’économiste de la santé Claude Le Pen. Le potentiel d’économies d’ici à 2022 est particulièrement élevé avec l’arrivée des biosimilaires d’Avastin et d’Herceptin.
Levée des réticences
Le marché a aussi pu décoller après les prises de position rassurantes de l’Agence européenne du médicament (EMA) et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Ce que Claude Le Pen appelle « la levée des réticences permettant l’interchangeabilité des produits par le prescripteur ». Ce qui a aussi permis d’arrêter les appels d’offres doubles, l’un pour les patients naïfs et l’autre pour ceux déjà traités. En outre, la compétition par les prix va finalement au-delà de ce que les pouvoirs publics avaient imaginé. « Dans son dernier rapport annuel, le Comité économique des produits de santé (CEPS) estime à environ 1,2 ou 1,3 milliard d’euros l’exposition des produits hospitaliers aux biosimilaires », note Claude Le Pen. L’ANSM a par ailleurs créé la liste de référence des groupes biologiques similaires en 2017 et l’actualise au fil de l’eau. Les médicaments biologiques occupant de plus en plus de parts de marché (30 % du marché mondial en 2018 versus 19 % en 2008), l’avenir sourit aux biosimilaires. Le pipeline des produits en développement dans le monde en 2018 compte ainsi 45 % de médicaments biologiques.
Cependant, le marché de ville des biosimilaires n’est pas comparable à celui à l’hôpital. « Après 35 mois sur le marché, les biosimilaires de Lantus occupent 11 % de parts de marché. En comparaison, les génériques de Crestor ont atteint 75 % de parts de marché en 9 mois. Mais il y a de fortes incitations pour les médecins, les pharmaciens et même les patients afin de favoriser le générique, alors qu’il n’existe rien de tout cela pour favoriser le biosimilaire : la substitution n’est pas autorisée, il n’y a pas de rémunération spécifique », ajoute Claude Le Pen. Contrairement au positionnement de Biogaran, il estime que la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 qui prévoit la possibilité de substitution par le pharmacien en initiation de traitement ne pourra être appliquée qu’après parution d’un décret d’application. Or ce décret, qui fut un temps rédigé et proche de la publication, a été retoqué et n’est plus du tout dans les tuyaux.
Le cas Humira
« Ce texte doit préciser comment le pharmacien est informé qu’il se trouve face à un patient en initiation de traitement ou déjà traité et comment il informe le prescripteur de la substitution réalisée. Or, quand la prescription émane d’un service hospitalier, je souhaite bon courage au pharmacien pour contacter le prescripteur », s’amuse Claude Le Pen. Toutefois, plutôt qu’un décret, il conviendrait de réécrire la loi selon lui, le contexte ayant beaucoup évolué depuis 2013. « Maintenant qu’on interchange à l’hôpital, il n’y a plus de raison de ne pas interchanger en ville. » Il s’agirait donc de proposer une nouvelle loi autorisant la substitution par le pharmacien à tout moment du traitement. « Et si les pouvoirs publics veulent vraiment atteindre les 80 % de pénétration des biosimilaires sur leur marché d’ici à 2022, il faut revoir la législation au plus vite. »
C’est en tout cas l’ambitieux objectif fixé par la stratégie nationale de santé. Pour y parvenir, des incitations se mettent en place pour que les praticiens hospitaliers dont la prescription sera exécutée en ville préfèrent les biosimilaires. Mais, de l’avis des acteurs du marché, cela ne suffira pas. Tous les regards sont actuellement tournés vers le numéro 1 des ventes en officine, Humira (adalimumab) du Laboratoire AbbVie. En effet, ses premiers biosimilaires ont été commercialisés en octobre dernier (Amgevita d’Amgen et Imraldi de Samsung Bioepis) et devraient être suivis par ceux de Boehringer Ingelheim, Sandoz et Mylan d’ici peu. Sera-t-il aussi peu impacté que les autres médicaments biologiques de ville par l’arrivée des biosimilaires ou son leadership va-t-il être remis en cause, comme c’est le cas lorsqu’un médicament chimique perd son brevet ? Réponse en suspens.
* D’après une présentation lors des Journées Solutions IQVIA 2019.
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