Bonne nouvelle, les marchés matures reprennent les rennes de la croissance du marché mondial du médicament. Mauvaise nouvelle, la France est l’exception, avec le seul chiffre d’affaires pharmaceutique en involution dans toute l’Union européenne. Le marché remboursable affiche une baisse de 1,1 % en 2015, soit une décroissance « moins négative que les années précédentes grâce au dynamisme du segment de l’automédication », commente l’économiste de la santé Claude Le Pen.
Et dans les prévisions à l’horizon 2020, le cabinet IMS Health ne perçoit aucun élément capable d’inverser la tendance. C’est pourquoi, à cette date, la France sera passée du 5e au 8e rang mondial des marchés pharmaceutiques, dépassée par le Brésil, la Grande-Bretagne et l’Italie. Elle devrait rester dans le Top 5 européen mais passera de la 2e à la 4e place.
« Ce n’est pas spontané », précise Claude Le Pen, mais la situation repose sur une volonté forte des pouvoirs publics « qui estiment ce marché trop gros, ce que regrettent évidemment les industriels ». Les baisses de prix, visant principalement le cardio-vasculaire et le système nerveux central en 2015, sont devenues l’arme de prédilection du gouvernement pour maîtriser les dépenses de santé. Avec succès puisque l’augmentation du marché en volume et l’arrivée de nouveaux produits ne permettent pas un retour à la croissance.
IMS Health note ainsi une reconfiguration du modèle de l’officine, qui ne gagne plus sur le remboursable, mais davantage sur les médicaments non remboursables, et mieux encore sur les produits sans AMM. « En 2004-2005 la situation était exactement inversée », remarque l’économiste. Et d’annoncer que, en 2016, le marché français devrait rester morose. « Des innovations coûteuses vont arriver sur le marché, notamment en oncologie, mais sur des populations cibles relativement faibles ; l’effet macroéconomique sera donc limité. »
Quant aux génériques, si la substitution « a atteint un niveau élevé mais ne progresse plus », Claude Le Pen rappelle le projet plus ou moins annoncé du gouvernement d’imposer 250 à 300 millions d’euros de baisses de prix dans le cadre de son plan génériques. « Laboratoires et pharmaciens sont vent debout face à un gouvernement qui s’inquiète du respect de l’ONDAM 2016, fixé très bas, à 1,75 %. »
Double paradoxe
Le paradoxe est donc double. Alors que des voix s’élèvent contre le coût exorbitant des nouveaux médicaments et l’impossibilité pour les pouvoirs publics de les financer, la France a réussi le tour de force de mettre à disposition les derniers traitements de l’hépatite C tout en contenant les dépenses de santé, et même en les réduisant.
À l’image du marché pharmaceutique français dont le chiffre d’affaires baisse et devrait continuer à baisser d’ici à 2020, alors que l’environnement est à nouveau favorable aux pays matures. Depuis des années, ce sont en effet les pays émergents, rebaptisés Pharmergents, qui tiraient la croissance. Mais le retour à l’innovation et l’arrivée de produits très spécialisés, très ciblés et très chers changent la donne.
En 2015, le chiffre d’affaires du marché pharmaceutique mondial est de 1 069 milliards de dollars, en progression de 8,9 % par rapport à 2014. « D’ici à 2020, il devrait s’accroître de 350 milliards de dollars, soit quasiment le double de la croissance observée sur les cinq dernières années », explique Vincent Bildstein, président d’IMS Health France.
Si la croissance en volume reste plutôt tirée par les Pharmergents, Vincent Bildstein ajoute que, avec le ralentissement de la Chine qui devrait se confirmer d’ici à 2020, les pays émergents « ne sont plus l’eldorado de ces dernières années pour les groupes pharmaceutiques ». En 2020, les États-Unis resteront largement leaders (41 % de parts de marché), loin devant le top 5 européen (13 %) et la Chine (11 %).
Quant aux classes thérapeutiques, c’est l’oncologie qui dominera le marché (hors maladies transmissibles) devant le diabète. Les industriels sont toujours confrontés à la chute de brevets, soit une perte estimée à 190 milliards de dollars de chiffre d’affaires dans les cinq ans, mais le marché se caractérise actuellement par un flux d’innovations : 225 nouvelles molécules sont attendues entre 2016 et 2020, contre 184 entre 2011 et 2015. « 91 % des nouvelles substances actives seront des thérapies ciblées, 33 % des produits avec un biomarqueur et 33 % viseront des indications orphelines », ajoute Stéphane Sclison, directeur de la stratégie d’IMS Health France.
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